Conclusion 2ème partie :
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
Le logement comme nous l'avons pu le voir constitue un enjeu
économique et social important pour les ménages.
C'est un produit spécifique différent des autres
biens mis sur le marché par l'importance des investissements, la
sensibilité du secteur à la conjoncture économique qui en
détermine le rythme de production et les conditions d'accès pour
le plus grand nombre.
Le Maroc étant engagé depuis plusieurs
décennies dans une croissance urbaine accélérée
alimentée par un exode rural durable, la question du logement est
prioritairement une question urbaine, car le logement en milieu rural est
lié à l'unité d'exploitation agricole et se pose davantage
en termes d'accès aux infrastructures et aux services de base (eau,
électricité, pistes, routes, enseignement et santé) qu'en
termes de construction de logements.
En milieu urbain, le logement social occupe une place
importante dans la réflexion et dans l'action.
C'est une composante difficile à dissocier de
l'ensemble de la production du logement et qui reste articulée aux
autres segments dont chacun présente des caractéristiques propres
mais l'ensemble est régi globalement par les règles du
marché qui déterminent les conditions de production et
d'accès et ces règles opèrent à l'échelle de
chaque agglomération. Ainsi, une offre insuffisante dans un segment se
répercute nécessairement sur les autres et les plus bas revenus
sont les moins bien servis.
L'évaluation de l'expérience marocaine au cours
des dernières décennies permet de voir que le Maroc a
accumulé une grande expérience en matière d'intervention
dans le logement en milieu urbain, aussi bien dans la production de logements
que de l'aménagement foncier dont une partie est destinée
à la résorption des bidonvilles.
Dans ce dernier volet en particulier, diverses réponses
ont été apportées au cours des dernières
années tels que nous l'avons vu précédemment à
travers le programme « villes sans bidonvilles » et la politique des
« Villes nouvelles ».
Toutes ces réponses sont bien sur à nuancer car
elles sont des tentatives des pouvoirs publics pour contrer la crise du
logement mais il y a encore de nombreux ajustements à faire dans ce
domaine.
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Conclusion générale :
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
A la lumière de tous ce que nous avons établit,
et en nous basant sur les différentes expériences en cours, nous
n'avons aucun doute sur le fait que l'intégration sociale par le
logement est sûrement le moyen, quoique, incomplet, le plus à
même de répondre aux aspirations des couches
défavorisées.
Le handicap majeur de la stratégie gouvernementale est
la pression constante de ce flux migratoire incessant avec son contingent de
problèmes sociaux (délinquance, chômage ...), qui ne lui
laisse pas le temps d'établir une vision à long terme.
La ou nous voudrions tirer la sonnette d'alarme c'est que si
intégration sociale par le logement il y a, elle ne peut être
réussie que par des interventions et en amont et en aval, et ces
interventions ne doivent pas être seulement le fait du ministère
de l'habitat ou du ministère de l'intérieur, elles doivent
concerner l'ensemble des organismes étatiques.
Premièrement, ce n'est pas en offrant un logement
à chaque famille que nous allons réussir son intégration
sociale, mais c'est en ayant les accompagnements nécessaires pour tout
ce qui constitue la trame urbaine à savoir les loisirs, les espaces
verts, les opportunités d'emploi, la santé, l'éducation
etc...
Quand nous disons en amont, nous pensons d'un
côté à l'éducation mais d'un autre côté
à la sédentarisation par le logement qui devient le facteur
principal de l'intégration.
L'Etat doit veiller à intervenir pour endiguer non pas
d'une façon coercitive l'émigration campagnes-villes, mais en
investissant massivement dans les régions les plus
défavorisées, pour d'un côté, après avoir
offert le logement, apporter le bien être nécessaire, et nous
dirions même de droit, à ces populations.
Les villes nouvelles avec toutes les volontés et les
engagements possibles vont absorber la population recensée actuellement
mais ne répondront pas à l'assaut futur des émigrants.
« Nous avons souvent, dans notre étude,
rencontré des architectes et des urbanistes qui pensent que la politique
de relogement est en elle-même un facteur qui crée le bidonville
».156
Nous nous trouvons donc à la croisée des
chemins, en ne faisant rien le bidonville continue sa prolifération, en
essayant d'y remédier nous stimulons la demande.
156 Entretien avec le Directeur de l'Ecole Nationale
d'Architecture El Montacir Bensaid : « Les différentes
expériences dans le domaine du recasement depuis 1975 ont prouvé
que le recasement par une offre en lot de terrains, en logements semi-fini ou
finis à suscité de nouvelles vocations. On a vu les bidonvilles
grandir à vue d'oeil à chaque rumeur de recasement, donc le
recasement selon lui, contribue grandement à créer de nouveaux
bidonvilles ».
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
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Notre propos restera nuancé, car nous pensons que le
premier jalon de l'intégration sociale se fait à travers le
logement, mais qu'un statut juridique doit être élaboré
pour réglementer l'habitat social, qu'il doit bénéficier
d'un « Etat d'exception » avec ses lois, ses financements, ses
crédits, ses exonérations fiscales, l'accompagnement social et
éducatif...
Cet outil juridique, bien réfléchi, performant
et opérationnel, avec une application rapide pourrait apporter des
solutions immédiates à cette intégration, et même
contribuer à ralentir l'exode rural.
Le foncier doit être revu, et dans les cas
exceptionnels, comme cela se fait dans les pays occidentaux, l'utilisation de
l'expropriation dans le cas d'utilité publique doit se faire d'une
façon plus élargie pour que les terrains domaniaux
inadéquats ne servent pas systématiquement de support des projets
de recasement.
L'intégration sociale par le logement doit, à
notre avis, faire partie en permanence d'une vision anticipatrice, nous
améliorons les conditions de vie, mais nous intervenons dans les
problèmes à la source.
L'intervention via la création de villes nouvelles dans
le cas d'espèce, ne devrait se faire que devant le fait accompli, et
c'est ce que l'Etat réalise actuellement.
Il faut impérativement mettre en place une
stratégie globale, nationale prenant en considération les besoins
des populations, les flux migratoires, les capacités financières
des ménages, et les aspirations de ces mêmes ménages.
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