c- Le cas de la « ville nouvelle » de Tamesna :
L'urbanisation accélérée de l'aire
métropolitaine de Rabat a suivi un développement linéaire
le long du littoral, de Kenitra à Skhirat-Témara. S'ajoute la
menace d'un déséquilibre urbain qui se manifeste
déjà par la prolifération de noyaux d'habitat insalubre
qui s'étendent jusqu'à devenir de véritables centres
urbains ;
147 Actuel Hebdo Maroc, dossier « Villes nouvelles ou
futurs cités dortoirs ? », n°26, 12-18 décembre 2009,
p1520
148 Conseil national de l'habitat et de l'urbanisme, «
Etude pour la création d'une ville nouvelle : rapport
d'établissement », Avril 2005, p7
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
83
Sans parler des bidonvilles qui s'installent au coeur des
villes de Rabat, Salé et Témara, et où s'entassent des
populations pauvres issues de l'immigration rurale, mais aussi une population
urbaine en recherche d'un emploi et d'un bien-être social.
L'axe Rabat-Témara constitue un pôle
d'immigration dynamique depuis plusieurs décennies, s'expliquant par son
pouvoir attractif sur des populations, rurales et urbaines, à la
recherche d'un emploi et d'un bien-être social.
La ville nouvelle de "Tamesna" se veut une réponse
à la demande urbaine au niveau de ces villes en favorisant
l'équilibre du marché immobilier réglementaire et en
traitant l'habitat insalubre qui se développe à un rythme
accéléré au niveau de cette
région.149
L'objectif est également de gérer le flux
urbain, créer des espaces d'habitat pilote conformes aux critères
architecturaux et urbanistiques bénéficiant d'un réseau
intégré de services publics, outre la construction de centres
commerciaux et industriels qui vont donner un nouveau souffle à
l'activité économique de la capitale.
L'idée principale étant l'intégration
sociale par le logement, en premier lieu prenant en considération les
contraintes immédiates de la région, les bidonvilles qui y
prolifèrent, et par la suite, le mixage de différentes couches
sociales.
La volonté politique du gouvernement dont le
ministère de l'habitat est l'outil est l'éradication pure et
simple des bidonvilles, en offrant à la population cible des logements
décents dans un cadre structuré avec les équipements
nécessaires.
Cette stratégie que je qualifierais de relogement
« physique » ne prend pas en considération, ou pas
suffisamment l'intégration sociale par ce même logement, ainsi des
populations entières de bidonvillois vont être
déménagées vers ces villes nouvelles sans que soit pris en
considération les habitudes, les besoins, la proximité des
emplois.
Tamesna150 en l'occurrence est érigée
géographiquement sur un terrain non pas parce qu'il présente les
meilleures garanties de proximité mais surtout pour son statut foncier,
en l'occurrence domaniale et donc facile à
acquérir.151
Cette constatation est valable pour la majorité des
villes nouvelles, le cas de Tamansourt152 est édifiant.
149 I. BENNANI, « Les villes nouvelles »,
mémoire de recherche pour l'obtention du grade d'architecte, 2006, p
24-27
150 Le projet urbain "Tamesna" consacrera 70 ha à la
réalisation de grands services structurés, de 120 autres services
moyens et de 50.000 habitats. 78 ha seront dédiés aux
activités économiques génératrices d'emploi et 120
ha aux espaces verts qui viennent s'ajouter à la forêt de
chêne-liège avoisinante.
151 Le terrain était celui d'une ancienne ferme de la
SODEA (société de développement agricole)
152 Tamansourt : terrain éloigné de la ville de
Marrakech, sans gare routière ni gare de chemin de fer, les transports
urbains sont inexistants, et un problème d'eau et d'assainissement non
réglé. Le seul atout le passage récent de l'autoroute casa
à Agadir à proximité.
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
84
La ville de « Tamesna » malgré ses atouts
d'espaces structurés de constructions réglementaires,
d'équipements nombreux, pèche par son enclavement153,
le peu de desserte qui la relie à la ville de Rabat, la non existence
d'une gare de chemin de fer, le peu d'opportunités d'emploi de la
région et le manque d'une vision stratégique des transports en
commun supposé la relier aux différents noyaux urbains
environnants.
Les experts définissent la conception de la ville à
tort ou à raison, comme un gros lotissement. Les constructions sont
pensées en îlots et non pas suivant une trame en réseau,
ainsi les couches défavorisées censées s'intégrer
socialement restent marginalisés et leur espace de vie n'est qu'une zone
de transition pour les autres classes sociales.
Sur le plan institutionnel et juridique deux
éléments essentiels ne sont pas présents :
Le premier est relatif à l'organisme en charge de la
gestion urbaine qui sera en même temps un dispositif de management, de
veille et de suivi qui veillera à la réalisation des
équipements, la gestion des déchets et surtout qui doit suivre le
développement et la progression de la ville, procéder au fur et
à mesure aux correctifs et aux ajustements nécessaires, tant sur
le plan urbanistique que sur le plan économique, social et culturel et
tirer des leçons pouvant servir pour les prochaines villes nouvelles qui
seront lancée incessamment notamment Melloussa à Tanger,
Lakhyayta à Casablanca et Tagadirt à Agadir.
L'autre élément est lié à
l'instauration d'une loi relative à la création de villes
nouvelles et non pas les traiter en tant qu'opération de lotissement
comme c'est le cas actuellement.154
D'après le ministre de l'habitat, « la
décision de faire une ville nouvelle s'appuie sur un ensemble
d'études [...], ainsi pour Tamesna plus de 30 études se font
aujourd'hui sur tous les aspects de la réalisation. Il ne s'agit pas
d'une décision du ministre de l'habitat, ou des Walis ou gouverneurs
concernés mais d'une décision collégiale [...].
Chaque lancement de villes nouvelles fait l'objet de
signatures de conventions [...]. Mais pour réussir cette
expérience, il est important de réglementer tout cela
».155
Cela dit, la politique des villes nouvelles et le besoin
récurrent en logements sociaux pour combler les déficits de
l'ensemble du territoire marocain est une réponse courageuse et
volontariste appropriée malgré tous les dysfonctionnements.
Le nombre d'unités de logements nécessaires pour
combler ce déficit est estimé à 200 000 logements par an
et sur les dix ans à venir, sachant qu'à l'heure actuelle entre
les acteurs privés et les acteurs publics (MHUAE et Al Omrane), le
nombre de logements réalisés n'arrivent pas à
dépasser les 140 000 logements par an.
153 Enclavement : terrain enfermé dans un autre
154 Actuel Hebdo Maroc, dossier « Villes nouvelles ou futurs
cité dortoirs ? », n°26,12-18décembre 2009, p 16
155 Actuel Hebdo Maroc, dossier « Villes nouvelles ou
futurs cités dortoirs ? » Interview Du Ministre de l'habitat
Taoufik Hejira, n° 26, 12-18 décembre 2009, p19
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
85
Créer une ville nouvelle est une équation à
plusieurs inconnues qui n'a été résolue nulle part dans le
monde et nous sommes, au Maroc, à nos premières
expériences pilotes.
Je pense donc que la ville de Tamesna est un pas important vers
l'intégration sociale par le logement, ce pas est perfectible parce
qu'il évoluera en fonction des réactions et des usages des
habitants et il est certain que Tamesna 2015, sera bien différente de
celle de 2009.
L'intégration n'est pas un sens unique, l'usager en est
aussi responsable que le prestataire.
86
|