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Les politiques urbaines d'intégration sociale par le logement au Maroc

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par Siham BENSAID
Université Mohammed V Rabat Agdal - master droit public 2010
  

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Paragraphe 2 : Une meilleure accessibilité au logement à travers le programme « Villes nouvelles »:

Le concept de villes nouvelles ne constitue pas une innovation de la politique urbaine contemporaine, il remonte à la fin du 19ème siècle, notamment en Angleterre où Ebenezer Howard proposa pour la première fois la création de « Garden cities ».

C'est pendant la deuxième moitié du 20 ème siècle que le phénomène de la ville nouvelle telle que nous la concevons aujourd'hui va marquer la pensée urbaine.

De nombreuses villes nouvelles ont alors suivi, en se basant à chaque fois sur des objectifs différents, c'est ainsi que des fins politiques ont dicté la réalisation de Brasilia, et en Angleterre, elles ont permis de décongestionner les grandes agglomérations urbaines, ont orienté leurs croissances comme c'était le cas de Stockholm ou encore ont mis en valeur des territoires peu développés en Europe Orientale et en Sibérie. 138

Dans la lignée de Saint-Pétersbourg et Brasilia, Jawarharlal Nehru a créé Chandigarh comme un des actes fondateurs de l'Inde indépendante.

Chandigarh est une capitale, siège du pouvoir, de l'administration et de la justice du Penjab, et une des plus importantes et des plus modernes villes en Inde.

C'est une immense réalisation, une ville de 600 000 habitants, qui plus est presque l'oeuvre d'un seul homme Le Corbusier139, au niveau stylistique et urbanistique.

138 I. BENNANI, « Les villes nouvelles », mémoire de recherche pour l'obtention du grade d'architecte, 2006, p 4

139 Le Corbusier : est un architecte, urbaniste, décorateur, peintre et homme de lettres de nationalité suisse, naturalisé français en 1930.C'est l'un des principaux représentants du mouvement moderne avec, entre autres, Ludwig Mies van der Rohe, Walter Gropius, Alvar Aalto, Theo van Doesburg. Le Corbusier a également oeuvré dans l'urbanisme et le design. Il est connu pour être l'inventeur de l'Unité d'habitation, sujet sur lequel il a commencé à travailler dans les années 1920, comme une réflexion théorique sur le logement collectif. "L'unité d'habitation de grandeur conforme" (nom donné par Le Corbusier lui-même) sera seulement construite au moment de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale en cinq exemplaires tous différents, à Marseille, Briey-en-Forêt, Rezé près de Nantes, Firminy et Berlin. Elle prendra valeur de solution aux problèmes de logements de l'après-guerre. Sa pensée envisage dans un même bâtiment tous les équipements collectifs nécessaires à la vie -- garderie, laverie, piscine, école, commerces, bibliothèque, lieux de rencontre. Cependant, les architectes qui s'inspireront de lui pour les cités modernes, vont oublier cette partie de la convivialité, dégradant son généreux projet et ouvrant la voie au pire des urbanismes : « la cité de banlieue ».

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Une capitale moderne, réalisée par un architecte européen, au sein du pays des castes, ayant une tradition architecturale marquée de plus d'un millénaire.

Chandigarh est d'abord une ville pour classes moyennes. Il n'y a pas réellement de place pour les pauvres dans la ville.

L'autre exemple connu de ville nouvelle est Brasilia, la création de Brasilia s'inscrit dans le cadre d'une politique de mise en valeur du territoire intérieur du Brésil. La conquête coloniale avait laissé un pays au peuplement essentiellement littoral;

Brasilia, capitale fédérale et futuriste du Brésil, a déchaîné les critiques lors de son inauguration en 1960. La ville fut planifiée et construite au milieu du désert par les meilleurs urbanistes du monde. Originairement la zone était une forêt tropicale. 140

La décision de transférer la capitale du Brésil s'expliquait d'abord par l'existence d'un réseau urbain excentré et déséquilibré et aussi par la volonté d'affirmer le Brésil en tant que puissance continentale et de renforcer la cohésion nationale.141

En France la politique des villes nouvelles est née au milieu des années 1960, elle a concernée des sites tels que Saint Quentin en Yvelines, Evry, Cergy, Marnes la vallée aussi et d'autres ; la création de ces villes nouvelles a été pensée dans le cadre d'une politique nationale, conduite par l'Etat, avec une vocation d'aménagement du territoire. Le principe qui a conduit à la politique des villes nouvelles reposait sur la notion de « polycentrisme ». Il s'agit d'une volonté de polarisation du développement afin d'y développer une certaine densité urbaine et de créer des bassins de vie. Ceci ne visait pas leur autonomie à l'égard de leur agglomération mère, elles devaient toutefois constituer des bassins de vie autour d'elles, d'où l'importance accordée au facteur emploi.142

Les capitales Scandinaves se sont acquises une solide réputation d'urbanisme de qualité. Celle-ci tient d'une part à la préparation, depuis plusieurs décennies, d'excellents plans d'urbanisme régionaux, (au Danemark et en Suède notamment), d'autre part et surtout à un aspect de l'exécution de ces plans : Les urbanisations nouvelles qu'on a coutume de qualifier « Villes Nouvelles ».

L'expérience des villes nouvelles en Scandinavie se limite à des quartiers nouveaux dans les banlieues des capitales scandinaves et à une réalisation isolée près d'Helsinki, la cité jardin de « Tapiola ».

140 C.CHALINE, « Les Villes nouvelles dans le monde », Coll. Que sais-je ?, éd. PUF, Paris, 1985

141 I. BENNANI, « Les villes nouvelles », mémoire de recherche pour l'obtention du grade d'architecte, 2006, p 9

142 I. BENNANI, « Les villes nouvelles », mémoire de recherche pour l'obtention du grade d'architecte, 2006, p 11

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En général, le vocable de villes satellites leur convient plus que celui de villes nouvelles, vu leur échelle réduite et la distance peu importante les séparant de l'agglomération.143

Cependant si l'ensemble de ces villes peut être qualifié de nouveau, elles ne partagent pas beaucoup de points communs, les différences sont d'ordre urbanistique, social, administratif... Sur le premier plan, on note la différence de la taille de ces villes, la localisation, la conception spatiale et la nature de l'habitat qui y est proposé.

Socialement, la population ciblée change selon la vocation de la ville (classes, profils...) et enfin la mise en oeuvre de ces opérations (maîtrise d'ouvrage, montage technico-financier, acteurs..) diffère d'un cas à l'autre.

Néanmoins, il est d'une extrême importance de souligner que la totalité de ces villes, à des exceptions prés, ont puisé les principes de leurs conceptions d'une politique urbaine régionale, tout en s'inscrivant dans une logique et une vision d'aménagement territoriale plus large. Si les villes nouvelles constituent un acte volontariste, elles peuvent être considérées en partie comme la réponse à l'échec de l'expérience des villes satellites.

En effet, phénomène urbain plutôt subi, la ville satellite est considérée en tant qu'aléas, résultat de dysfonctionnements dans le monde urbain et rural.

La campagne ne constitue plus désormais qu'une force expulsive des ruraux qui s'installent à la lisière de la ville à la recherche d'un emploi en vue d'améliorer les conditions de leur vie. Quant aux citadins, ils y trouvent une réponse à un besoin en logement inexaucé en ville.

Au Maroc, la création des villes nouvelles est une réponse aux besoins des demandes croissantes à satisfaire en logements. Elle s'inscrit dans le cadre des orientations du Schéma National d'Aménagement du Territoire144 et répond à la nécessité de concevoir des villes planifiées et intégrées.

Le SNAT prescrit "une nouvelle image de la ville" ; une nouvelle politique urbaine s'appuyant sur le principe faisant de l'Etat le préparateur du cadre général d'accueil de la ville, et des partenaires les initiateurs de la promotion de l'habitat, du développement des activités économiques et de création d'emplois.

a- Le processus d'élaboration :

La création d'une ville nouvelle implique l'enclenchement d'un processus d'élaboration complexe. En fait, il faudrait mobiliser des terrains, ce qui renvoie à la question de l'opportunité foncière qui constitue un facteur déterminant lors du choix du site d'accueil.

143 I. BENNANI, « Les villes nouvelles », mémoire de recherche pour l'obtention du grade d'architecte, 2006,

144 Le Schéma National d'Aménagement du Territoire est un document d'orientation destiné à présenter une vision cohérente du développement territorial, en situant les options immédiates dans une perspective à long terme.

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Jusqu'à présent, toute la production urbanistique prévisionnelle ou opérationnelle au Maroc, en particulier les grandes opérations d'urbanisme, a été traitée, quelle que soit sa taille et sa complexité, sous la forme d'opérations d'extension urbaine, au gré des opportunités foncières et généralement dans les périphéries de villes.

Cette approche a eu pour conséquence une consommation incontrôlée des terrains périurbains qui devraient normalement constituer des réserves stratégiques notamment pour les grandes agglomérations.

Elle a également entraîné un développement tentaculaire et horizontal produisant des effets négatifs sur le paysage urbain, sur la gestion de l'espace, du transport, de la circulation, du déplacement et sur les services municipaux du fait du débordement des villes de leur site naturel.

Par ailleurs, toutes les nouvelles zones d'urbanisation initiées par l'État au cours des dernières décennies ont eu pour vocation principale l'habitat. Et même lorsqu'exceptionnellement des efforts sont consentis pour y créer des activités économiques elles sont souvent en décalage par rapport au profil socio professionnel des habitants cibles qui sont constitués, à de très rares exceptions près, par des populations à faibles revenus. Ainsi elles deviennent ou deviendront inéluctablement des concentrations de pauvreté, des espaces de ségrégation sociale et fonctionnelle dont les effets induits sont difficiles à corriger à posteriori.

Toute création urbaine nouvelle doit être portée par une vocation forte destinée à promouvoir son développement. Cette vocation ne saurait être exclusivement résidentielle au risque de produire des cités dortoirs qui ne remplissent rien d'autre que la fonction d'habiter.

Elle ne saurait non plus être liée à une fonction exclusive de quelque nature qu'elle soit au risque de produire des espaces de vie et d'activité intermittente ou saisonnière.

Beaucoup de grandes agglomérations dans le monde ont entrepris la correction de cet état de fait au prix d'efforts financiers considérables.

Les nouvelles urbanisations doivent tout d'abord éviter l'image de lieux de ségrégation ou d'exclusion sociale pour promouvoir une citadinité plurielle et une mixité urbaine. Le partage du même cadre résidentiel seul ne crée évidemment pas un sentiment d'appartenance.

Mais, une ville ouverte, tournée vers l'avenir, susceptible d'offrir un champ de liberté où il serait possible d'inventer ou réinventer sa vie et de partager l'espace est à même de permettre le développement et la consolidation de ce sentiment.

À une autre échelle, la décision de création de villes nouvelles est avant tout une décision d'aménagement du territoire.

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Toute politique de nouvelles créations urbaines doit fournir une réponse préalable aux deux questions fondamentales de leur intégration dans le réseau urbain national et de la capacité d'absorption des villes existantes. Ce réseau qui s'organise aujourd'hui en pôles principaux, bipôles et pôles secondaires connaît un équilibre très justement relevé par le Schéma national d'aménagement du territoire (SNAT) comme étant un élément essentiel de développement économique et social. Toute nouvelle création doit donc nécessairement intégrer cet équilibre sans le perturber.

Il est certes urgent de trouver des solutions aux problèmes des grandes agglomérations, mais celles-ci ne résident pas nécessairement dans des créations nouvelles ni dans des extensions urbaines systématiques.

La création de villes nouvelles est un acte stratégique qui doit être basé sur une vision stratégique. C'est une intervention lourde sur le territoire dont les conséquences sont difficilement prévisibles.

Parler de villes nouvelles interpelle une production spatiale de masse, de grandes superficies seront ainsi ouvertes à l'urbanisation (logements, services, activités, infrastructures de base...). Par conséquent, la création des villes nouvelles ne devrait en aucun cas constituer un acte isolé. Elles doivent répondre à des objectifs précis (décongestionnement des agglomérations, développement de certaines zones, intégration d'autres...) et ce, afin de :

-Localiser territorialement ces villes, certaines seront programmées à de courtes distances de l'agglomération mère, tandis que d'autres seront prévues sur des sites non urbanisés ou peu développés.

Cette localisation influencerait grandement d'une part le coût de l'opération et d'autre part les modalités de sa valorisation (constitution d'un noyau indépendant de vie économique, culturelle, sociale...).

Sans pour autant omettre le rôle déterminant que joue l'opportunité foncière pour tout choix du site;

-Arrêter leurs vocations : une ville nouvelle n'aurait d'intérêt que par le rôle qu'elle sera amenée à jouer et plus celle-ci est indépendante plus sa vocation est confirmée ;

-Définir leurs tailles (population à accueillir). Cette taille devrait avoir un seuil maximal et minimal car au-delà du premier la réalisation et la gestion du projet deviennent complexes et difficiles.

Quant au second seuil on pourrait assimiler le projet à une simple grande opération de lotissement.

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Au sujet de l'intégration des villes nouvelles, la réflexion se pose à deux niveaux ; l'un territorial et l'autre environnemental. De ce fait la décision de créer une ville nouvelle ne devrait en aucun cas occulter la vision territoriale, l'intégration au sein de l'armature urbaine est fortement recommandée, les politiques urbaines régionales et d'aménagement territorial doivent être prises en compte en amont de cette décision. De même, selon l'emplacement de la ville nouvelle, son intégration est fortement conditionnée par les réseaux de communication technologiques et de déplacement.

Sur le plan écologique, la durabilité du développement impose aujourd'hui d'intégrer avec minutie la donne environnementale. Car la ville ne doit pas être un facteur de perturbation et de déséquilibre des richesses locales.

De même que les conditions climatiques et morphologiques doivent être prises en considération afin d'éviter les éventuels risques naturels (urbanisation des terrains agricoles, inondations, pollution des nappes phréatiques, séismes...) sachant que le non respect de la durabilité de développement générerait des coûts économique, social et environnemental que l'Etat serait incapable de prendre en charge.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus