b2-Des difficultés au niveau de l'application
des lois d'urbanisme :
Dans la pratique, les lois et textes urbanistiques ne sont en
réalité que très rarement et parfois même jamais
appliqués. Et c'est cet état de fait qui constitue le vrai
problème en matière d'habitat social. Le dispositif
législatif et réglementaire de l'urbanisme est assez
intéressant pour un pays en développement comme le Maroc,
néanmoins, il est caractérisé par une certaine lourdeur et
un grand nombre d'examen de procédure avant le démarrage de
projets qui nécessitent des délais importants et beaucoup de
mobilisation. Cette lourdeur touche aussi la confection des documents
d'urbanisme et leur validation par une pléthore de commissions.
Il n'est pas rare qu'un PA (plan d'aménagement) soit en
grande partie, dépassé lors de son homologation par le
comité central.
Les constructions non réglementaires et clandestines ne
sont que rarement détruites et leurs responsables restent souvent
impunis. Cela voudrait dire qu'un tiers des logements sociaux existant sur le
marché sont clandestins, donc construits sans autorisation et sans plan
d'ensemble (absence de permis de lotir, de construire ou de permis d'habiter),
et qu'un autre tiers des logements sociaux sont dits non réglementaire,
c'est-à-dire dont la procédure a été
respectée dans une première phase, mais qui s'est achevée
par le non respect de certaines normes réglementaires
(surélévations des niveaux, réduction des espaces
destinés à la voierie...) 68
67 Le Ministère de l'Habitat a
préparé un amendement à la Loi N. 6-79 organisant les
rapports contractuels entre les Bailleurs et les Locataires pour redynamiser ce
secteur, réduire les taux de vacances, et offrir des alternatives de
logement social. Mais sa mise en oeuvre peut rester perçue comme
aléatoire par les investisseurs. Le Bailleur pourra mettre en demeure le
locataire de payer des retards de loyers, demander au Tribunal de
Première Instance de prononcer une décision exécutoire de
résiliation du bail et d'expulsion du locataire, applicable par
huissiers. Les abus de sous-location sont limités. Le bailleur devrait
pouvoir réviser le niveau des loyers après expiration du bail.
68 Ces pratiques restent très courantes et
attestent de la rigueur et de la sévérité des normes
urbanistiques. L'impuissance des autorités s'explique par le fait que
les constructions clandestines, même les plus visibles, ne peuvent pas
être démolies parce qu'elles répondent tant bien que mal
aux besoins de nombreuses familles que l'on ne peut satisfaire autrement.
b3- Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
40
Spéculation et monopole public :
La hausse fulgurante des prix fonciers s'explique par le
déficit qui existe en matière de terrains adaptés.
L'investissement dans l'immobilier constitue un « épargne refuge
» et presque sans risque.
Ce phénomène malgré sa
rentabilité risque de créer des problèmes à long
terme La spéculation est devenue un phénomène très
courant qui consiste tout simplement à acquérir un bien pour le
céder à un prix supérieur pour faire des
bénéfices.
Et la possibilité de spéculer découle du
fait qu'il ya un manque de transparence des prix fonciers sur le marché
immobilier, et aussi une réelle concurrence entre le secteur formel et
informel. 69
Il est nécessaire pour les pouvoirs publics
d'instaurer les meilleures conditions pour encourager les promoteurs
privés à investir dans l'habitat social et ce, pour contrer le
monopole de l'Etat dans la production de logement social.
Ce qui explique que le secteur de l'habitat n'ait pas encore
été totalement touché par les politiques de privatisation
est, tout simplement, que la population concernée en raison de la
faiblesse de ses revenus par rapport aux prix des logements et des taux
d'intérêt pour les crédits logements, considère que
l'accès à la propriété doit être
subventionné par l'Etat.
Il est difficile de permettre une réelle
rentabilité pour le secteur privé dans la production de logements
sociaux à des prix aussi bas pour la majorité des
ménages.
C'est pourquoi les entreprises publiques ne peuvent
être mises de côté et constituent une
nécessité pour l'entreprise des programmes de lotissements et de
logements sociaux.
Devant le déficit de logements et la forte pression de
la demande insatisfaite, les décideurs ne voient pas d'autre solution
que de continuer avec le système actuel, en tentant de
l'améliorer, mais sans le changer fondamentalement.
b4- Les propositions de solution : 70
Quelles solutions pourraient être proposées pour
redynamiser le secteur et les politiques urbaines d'habitat social ?
69 L'Observatoire de l'habitat mis en place par le
Ministère de l'Habitat, s'est engagé à créer une
base de données et d'informations sur les transactions et prix fonciers
exercés sur l'ensemble du territoire, ce qui permettra de suivre
l'évolution et d'évaluer les performances du secteur de l'habitat
social.
70 Ministère de l'habitat, de l'urbanisme et
de l'aménagement de l'espace, propositions de la direction de la
promotion immobilière
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
41
Il s'agirait :
? d'impliquer certains établissements publics ou
semi-publics
? de prélever un pourcentage sur les
bénéfices des sociétés (exemple du 1% logement
français) au-delà d'un certain chiffre d'affaires
? promulguer une loi qui dispense de taxes, les locataires
dans le besoin, ayant occupé leur logement pendant une certaine
durée (vingt-cinq ou trente ans) sans discontinuité (tels les
retraités, les veuves ou les mères seules, ou encore les
handicapés).
? des dispositions fiscales comme la réduction des
taxes ou des droits de douanes sur les matériaux de construction et les
divers accessoires (robinetterie, lustrerie, sanitaires, bois, verrerie...)
71
? Stimuler l'investissement par des mesures incitatives
d'exonération fiscale importantes pour les promoteurs et les
entrepreneurs des projets sociaux
Le Maroc doit entreprendre un certain nombre de
réformes pour accroître l'offre de logements durablement et
permettre à plus de ménages d'accéder à la
propriété à travers la modernisation du cadre juridique et
institutionnel du système de financement du logement en mettant en place
un réel choix et une vraie concurrence quant aux crédits
immobiliers par les banques.
Il serait judicieux également de mettre en place un
système d'aides aux acquéreurs de logement sous forme de
multiples avantages fiscaux, tels que la déduction fiscale des paiements
d'intérêt et de capital, le remboursement de la TVA, l'exemption
de la taxe urbaine, etc. Et ces aides varieraient selon le type de logement,
à savoir le logement économique, le logement social ou le
logement de droit commun.
Notons qu'il n'y a pas d'aide au logement locatif ou de
soutien du revenu pour les locataires, donc le système d'aide est
essentiellement un système d'aide à la
propriété.
Il faudrait également améliorer l'accès
et les conditions d'attributions de crédit pour les ménages
à faible revenus, par l'adoption de conditions de prêt plus
adaptées aux ménages en question ; et réduire les
contraintes réglementaires et institutionnelles qui limitent l'offre de
terrains, l'offre de logements locatifs et la place du secteur privé
dans la promotion immobilière;
Par ailleurs, sur le plan social, il faudrait recentrer les
aides publiques au logement sur les ménages a faible revenu, de
façon à répondre aux besoins considérables de ces
groupes, tout en limitant la charge des subventions sur le Trésor et le
déficit budgétaire; 72
71 A.SEDJARI, Document sur l'Habitat social
72 Ministère de l'habitat, de l'urbanisme et
de l'aménagement de l'espace, propositions de la direction de la
promotion immobilière
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
42
Enfin, sur le plan fiscal et réglementaire, il
s'agirait de simplifier et alléger la fiscalité qui touche les
activités de promotion immobilière, et réformer
l'imposition de la propriété dans une optique de
décentralisation, afin de mobiliser les ressources fiscales
nécessaires à la mise en place des infrastructures et au
développement urbain en général.73
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