Paragraphe 3 : Outils financiers :
Les processus de production de logements par les
ménages à bas revenus peuvent servir de point de départ
pour la construction de nouveaux systèmes de financement, et
nécessitent pour cela l'adaptation des produits de crédit
existants.
Quelle est l'articulation possible entre les systèmes
informels, nécessairement limités au montage de
réalisations strictement localisées, avec les systèmes
formels qui s'imposent dès que la volonté politique est de
généraliser des programmes importants destinés à
amplifier sur tout un territoire le processus de construction et
d'amélioration des logements ?
Une piste possible d'intervention semble être une
réglementation favorisant la création de banques locales
mutuelles et populaires via notamment la prise en charge d'une partie de leur
coût de fonctionnement, assurant leur contrôle permanent par un
organe technique autonome. Des instruments de crédit du système
formel ont déjà été re-profilés vers les
catégories les moins fortunées et montrent qu'il est possible de
construire une articulation entre les deux secteurs, élargissant ainsi
le système formel de crédit.
Enfin, toute une ingénierie juridique et technique doit
être consacrée à la création de fonds de garanties
dont le rôle sera croissant au fur et à mesure de l'extension des
financements, lorsqu'il faudra allonger les circuits entre l'épargne et
les prêts, associer les banques mutualistes locales, ouvrir
progressivement et prudemment les portes vers l'ensemble du système
financier.
La question de la redistribution est au centre de la
problématique du financement du logement. Elle ne relève pas
d'une discussion idéologique sur la nécessité ou non de
subventions pour loger les pauvres, mais plutôt d'une réflexion
sur la nature et l'efficacité des subventions.
Le débat sur la politique fiscale est essentiel si l'on
veut être en mesure d'accompagner financièrement les
ménages dans l'accès au logement.
73 La Problématique de la fiscalité
immobilière : La problématique de la
réforme de la fiscalité immobilière va bien au delà
de la mesure des recettes perçues et des avantages par le secteur, La
question fondamentale de la fiscalité immobilière est de savoir
si elle est un instrument qui favorise la production de logements en
quantité suffisante et qui assure le financement
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
43
Le système de financement du logement se
caractérise par une série de contraintes qui empêche son
développement au rythme qui répondrait à l'ampleur des
besoins en logements, en général, et à ceux du logement
social, en particulier.74
Ainsi, la faible implication des structures bancaires dans le
financement du logement peut s'analyser au regard de la modestie du nombre de
logements financés via des crédits bancaires comparativement aux
besoins de la population à faible revenu.
Il s'ensuit qu'une masse importante de ménages
potentiellement accessibles au crédit du logement en est exclue.
Pour cause on invoquerait l'insolvabilité des
bénéficiaires potentiels des crédits, le risque lié
aux ménages dépourvus de revenus stables étant un effet
dissuasif sur les entités bancaires. A cela s'ajoutent des limites
liées aux conditions peu attractives de prêt (taux
d'intérêt élevé), à l'absence du financement
à long terme et à l'inexistence de mécanismes de
mobilisation des ressources financières au profit des
salariés.
Le système des aides publiques n'offre, du reste, aucune
garantie à cette catégorie de ménages. a- Le
rôle de l'Etat dans la prise en charge financière
75
Au Maroc en 1994, le gouvernement a lancé un programme
de construction de 200.000 logements sociaux dans le but de répondre
à une demande de plus de 150.000 logements par an et aussi de combler un
déficit toujours plus important de logements. En 2002, seule un peu plus
de la moitié des constructions prévues a été
réalisée et n'a profité qu'à la classe moyenne. Les
critères imposés aux banques ne correspondaient pas au profil du
client final, soit parce que les droits d'entrée exigés
étaient trop élevés, soit parce qu'ils étaient
inadaptés. 76
Depuis quelques années, le gouvernement marocain a mis
en place un ensemble de mesures susceptibles de débloquer le financement
du logement, à savoir :
? Mise en place d'un marché
hypothécaire secondaire à travers la titrisation 77 ;
74Il s'agit en l'occurrence de la participation
limitée des banques au financement du logement, moins de 20%,
l'autofinancement reste dominant avec 80% de la production de logement.
De même, l'encours de crédit immobiliers ne
dépasse guère les 31 milliards de dirhams durant la
période 1998-2002.Cet encours représente moins de 15% par an du
total des crédits à l'économie, alors que dans les pays
industrialisés, il est supérieur à 30%.
75 Ministère de l 'Aménagement du
Territoire, de l'Environnement, de l'Urbanisme et de l'Habitat
Secrétariat d'Etat à l 'Habitat, « L'habitat social au Maroc
: Problématique et stratégie d'intervention », Novembre
1999
76 A.SERHANE, « Titrisation et financement de
l'habitat social », thèse de Doctorat, Faculté des
sciences Juridiques Economiques et Sociales, 2001.
77La titrisation est une technique
financière qui consiste classiquement à transférer
à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances
(par exemple des factures émises non soldées, ou des prêts
en cours), en transformant ces créances, par le passage à travers
une société ad hoc, en titres financiers émis sur
le marché des capitaux
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sociale par le logement au Maroc
44
? Généralisation des agréments et
avantages accordés au CIH à l'ensemble des banques et
sociétés de financement afin de les faire participer au
financement de l'immobilier ;
? Autorisation accordée au secteur bancaire de recourir
aux emprunts obligataires et aux prêts internationaux garantis par
l'Etat, afin de faire face aux contraintes du financement du logement
social.
En 2002, le Gouvernement a mis en place le PARHI (Programme
National de Résorption de l'Habitat Insalubre) avec un financement
conjoint assuré par l'Etat, le Fonds Hassan II, les collectivités
locales et le Fonds de solidarité de l'Habitat.
Le privé était appelé à
réaliser 60% des opérations et le nombre de constructions
exigé pour bénéficier d'exonérations fiscales
était fixé à 2500 au lieu de 3500 auparavant.
En 2003, les Pouvoirs Publics ont décidé
d'accélérer le programme de lutte contre l'habitat non
réglementaire.
Un nouveau plan d'action rendu encore plus urgent après
le 16 Mai 2003, supprimant le PARHI du gouvernement précédent,
est programmé afin de doubler le rythme de construction et atteindre le
cap de 100.000 logements par an. Il est prévu la mise à la
disposition des promoteurs privés environ 1000 ha par an à un
prix symbolique.
En contrepartie, ces derniers s'engagent à fournir des
appartements à un prix de vente n'excédant pas 120.000 DH.
L'ensemble de ces mesures s'inscrit dans un contexte de
volonté de désengagement de l'Etat du secteur et de
l'encouragement de l'initiative privée. Or, de puissantes contraintes
continuent de peser sur le système de financement de l'habitat,
provenant de l'insolvabilité de la demande, de la cherté relative
des logements construits, de l'absence d'un système national
d'épargne logement.78
En effet le secteur de l'habitat au Maroc est un des rares
secteurs productifs où la présence de l'État demeure
encore très importante.
Cette présence s'exerce à travers un vaste
dispositif institutionnel chapeauté par le ministère de l'Habitat
en ce qui concerne la production immobilière et par le Ministère
des Finances en matière du crédit au logement et de l'aide au
financement du logement. 79
Cet état de fait contraste avec les orientations
adoptées par le Maroc dans le cadre des réformes
économiques et de l'ajustement structurel, qui ont mené à
la libéralisation de l'économie et à la privatisation des
entreprises publiques dans plusieurs secteurs, y compris le secteur
financier.
78 A.SERHANE, « Titrisation et financement de
l'habitat social », thèse de Doctorat, Faculté des
sciences Juridiques Economiques et Sociales, 2001.
79 CMD.LOÏC CHIQUIER, A.BARALIDES, « Réformes du
Financement de l'Habitat au Maroc »,30 Avril 1999
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
45
La base juridique qui régit le financement des
logements économiques au Maroc se trouve codifiée dans le texte
de 1968.
-Le Décret du 17 décembre 1968. 80
Les principales dispositions de ce décret concernent :
1. Le contrôle du Ministère des Finances.
L'obtention par un Etablissement de crédit de
l'agrément oblige celui-ci à être soumis au contrôle
des agents du Ministère des Finances et de l'Inspection
Générale des Finances (Article 04).
2. Le financement des opérations.
L'Article 06 donne la possibilité aux
établissements agréés pour le financement de leurs
opérations de recevoir des dépôts du public et
d'émettre des bons et des obligations, négociables à la
bourse des valeurs, ayant pour garantie les hypothèques prises sur les
immeubles des emprunteurs et dont le service de la dette peut être
garanti par l'Etat.
3. Les catégories de prêts.
Titre IV : Prêts à la construction et à
l'acquisition de logements ; c'est l'établissement agréé
qui fixe le taux d'intérêt, après accord du
Ministère des Finances, avec un montant maximum de 75% de la valeur
immobilière totale.
4. Une hypothèque provisoire.
L'institution agréée a le droit de
décliner un droit d'inscription hypothécaire, même
lorsqu'il s'agit d'immeuble en instance d'immatriculation
5. Une exonération.
Le décret accorde l'exonération des droits
d'enregistrement des actes de prêt.
L'arrêté d'application du Décret de 1968
et ses modifications ultérieures ont établi les critères
et avantages suivants pour les catégories de prêt définis
au titre IV et titre VI du décret.
80 Décret de 1968 régissant l'octroi des
crédits et des avantages aux constructeurs et acquéreurs de
logements, C'est un document fondamental régissant l'octroi des
crédits et des avantages aux constructeurs et acquéreurs de
logements. Afin de mieux comprendre l'impact de ce dispositif sur la
construction et le financement du logement et les réticences qu'il est
susceptible de présenter aux institutions bancaires
Conditions d'octroi de prêts.
L'attribution du prêt par l'Etablissement de crédit
suppose le respect par celui-ci des conditions suivantes :
-Les prêts doivent être sur une première
hypothèque (sauf en cas de garantie totale de l'Etat ou de nantissement
du fonds de commerce). L'hypothèque constitue une garantie du prêt
majoré de 15% pour les intérêts et les frais (Article
09).
-Les contrats hypothécaires sont enregistrés
dans les livres fonciers de la conservation foncière (Article 10). La
durée des prêts ne peut excéder 25 ans.
-Le remboursement par anticipation est envisageable soit en
partie, soit en totalité après l'expiration d'un délai
fixé dans le contrat du prêt ; une indemnité à payer
par l'emprunteur est prévue et ne peut dépasser six mois
d'intérêt sur le montant remboursé par anticipation
(Article 15).
-Le taux d'intérêt est fixé par
l'Etablissement agréé avec l'accord du Ministère des
Finances, sauf pour les prêts effectués pour le compte de l'Etat
destinés à la construction et l'acquisition de logements
économiques (titre VI) et aux coopératives (titre VII), et dans
cette situation, le taux d'intérêt est fixé par le
Ministère des Finances.
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sociale par le logement au Maroc
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Il faut signaler que plusieurs dispositions de ce
décret, notamment celles concernant l'octroi des ristournes sur les taux
d'intérêt, ont été abolies lors de la loi de
finances 2004.
Il y a par ailleurs une segmentation du marché du
financement de l'habitat en marché du logement social, marché des
coopératives d'habitat, marché des résidents marocains
à l'étranger et marché des classes aisées.
Comment sont pris en compte les ménages à faible
revenus ? Qui participe le plus au financement ?
Comment sont encouragés les ménages à
faible revenu ?
b- Les dispositifs pour l'accession des populations
à faible revenu au logement
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