Chapitre 2 : Les outils mis en place pour faire face
à la problématique du logement :
La mise en place d'outils techniques adaptés est une
condition indispensable pour une meilleure efficacité des pratiques
populaires.
Dans tout projet d'accès au logement, une assistance
technique professionnalisée peut être utile pour assurer une
continuité dans l'élaboration des solutions et dans leur suivi
sur le plan architectural et technique, de l'ingénierie
financière et de l'action sociale.
Une telle assistance technique a un coût important, et
précisément parce que l'on se donne pour objectif le logement des
plus pauvres, ce coût ne peut être incorporé au coût
du logement. Ce qui est en jeu ici c'est la capacité des politiques
publiques à intégrer de nouveaux outils, dans un cadre financier
et institutionnel dont on verra qu'il doit être renouvelé pour
accompagner les pratiques populaires.
Promouvoir des "villes inclusives" requiert un accompagnement
institutionnel, juridique et financier.
37 Par exemple en France, au nom de la
mixité, sont ainsi exclues du parc social, et en particulier des
fractions les plus valorisées de ce parc, des familles immigrées.
Car les logiques de préservation des secteurs les plus
"équilibrés" qu'on peut observer à l'échelle de
quartiers se retrouvent à l'échelle des patrimoines et des
villes. La faible mobilité interne au parc des populations
immigrées, et en particulier des familles, en est une des
conséquences. Leur report vers l'accession à la
propriété, avec parfois des difficultés financières
lourdes, en est sans doute une autre.
L'application locale de la mixité, principe souvent
justifié par un souci égalitaire, tend plutôt à
renforcer les inégalités d'accès au logement pour les
familles immigrées, ou du moins certaines d'entre elles, et les
inégalités dans les choix et mobilités
résidentiels
Siham BENSAID Les politiques urbaines
d'intégration sociale par le logement au Maroc
26
Paragraphe 1 : Outils institutionnels :
La conduite des pratiques des ménages renvoie, au
niveau institutionnel, à une double problématique : celle de la
redéfinition du rôle du secteur public et celle de son
articulation avec l'ensemble des opérateurs. Cette redéfinition
et cette articulation doivent se faire au niveau local.
Il s'agit d'opérer une synthèse entre les
politiques nationales de logement et les caractéristiques locales des
ménages et des problématiques urbaines, immobilières et de
constructions.
La complémentarité, l'interdépendance, la
coordination, qui doivent notamment être vérifiées entre
l'accès au foncier et au crédit, impliquent une maîtrise
d'ouvrage spécifique, partagée, avec l'intervention, sous
diverses formes, du secteur public, central et local, du secteur privé,
des ONG et des habitants eux-mêmes.
Les pratiques innovantes développées face
à l'exclusion urbaine auront d'autant plus d'effets qu'elles seront
l'objet d'échanges dans le cadre de réseaux solidaires.
a- Redéfinition du rôle de l'Etat :
L'extension ou la formation de bidonvilles devraient
être empêchées par des actions de prévention
menées dans le cadre des programmes d'habitat social ainsi que par la
vigilance des pouvoirs publics locaux.
Pour atteindre ces résultats, le Ministère de
l'habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace (MHUAE)
mobilise des moyens financiers à travers notamment le Fonds de
Solidarité de l'Habitat (FSH) 38 et fait appel tant aux
opérateurs publics (Al Omrane, ...) qu'aux collectivités locales
et au secteur privé pour la réalisation des projets de
résorption.
Dans ce cadre, des Contrats Villes sans bidonvilles (VSB)
devront lier le MHUAE, les autorités provinciales et les
collectivités locales. 39
En inscrivant la résorption des bidonvilles dans une
vision à moyen terme (Horizon 2010-Ville sans bidonvilles) parmi ses
actions prioritaires et en lui consacrant les moyens publics
nécessaires, le Gouvernement marque une volonté affirmée
d'innovation par rapport aux pratiques précédentes.
38 Nations unis, Rapport « UN HABITAT par le
programme des nations unies pour les établissements humains »,
2007
39 Contrats décrivant les objectifs du
programme, sa consistance et les rôles et responsabilité de chaque
partie contractante.
De même, la mobilisation du foncier public tant pour la
résorption des bidonvilles que pour la réalisation de l'habitat
social à moyenne et faible VIT comme une action de prévention,
constitue un élément majeur de ce programme. Une première
tranche de 3 400 hectares de terrains domaniaux est affectée au
programme et en cours d'acquisition par les opérateurs retenus (Al
Omrane et ERAC).
A.ADIDI « La question de l'intégration sociale
dans les programmes de lutte contre l'habitat insalubre au Maroc » in
« Les politiques de la ville : intégration urbaine et
cohésion sociale » sous la direction de A.SEDJARI, Edition
l'harmattan, 2006, p.315-323
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
27
Avec la création de l'Office chérifienne de
l'Habitat en 1944, ce sont les premières opérations de recasement
des bidonvilles qui sont mis en place, mais ne réalisant que des actions
ponctuelles d'intérêt local ils n'ont eu qu'un impact
réduit sur les problèmes posés par l'extension de
l'habitat insalubre.
En 1946, des programmes de grande envergure vont être
conçus et réalisés ; Ecochard, l'architecte urbaniste du
Protectorat substitue aux conceptions culturalistes de la période Prost
(lui même architecte urbaniste), un habitat quantitatif, tourné
vers le grand nombre. 40
« Durant les années cinquante et soixante, les
actions en matière de résorption des bidonvilles étaient
dotées d'une vision hygiéniste urbaine, héritée de
la colonisation qui considérait le bidonville comme synonyme de
saleté et source de toutes les nuisances urbaines. »41
Jusqu'en 1970, le phénomène se développe,
et le ministère de l'Intérieur met en place une nouvelle
politique par rapport aux bidonvilles dont l'objectif primordial est de
permettre aux habitants des bidonvilles d'acquérir le lot de terrain sur
lequel ils habitent.
Cette nouvelle politique s'appuie sur un nouveau programme
d'action pour lutter contre l'habitat insalubre : « il s'agit des zones
d'équipements progressifs qui ont été
intégrées au programme d'action du plan 73-77 qui a
souligné la nécessité de réaliser ces
opérations tout en les répartissant en deux catégories :
les ZEP 5 et ZEP 15 ».42
40 Pour une meilleure utilisation Ecochard opte
pour un système de lots de 8 x 8 mètres, permettant
l'organisation optimale de "2 pièces habitables obligatoirement
orientées vers le Sud et l'Est et une cuisine, le tout disposé
autour d'une cour.
A.ADIDI « La question de l'intégration sociale
dans les programmes de lutte contre l'habitat insalubre au Maroc » in
« Les politiques de la ville : intégration urbaine et
cohésion sociale » sous la direction de A.SEDJARI, Edition
l'harmattan, 2006, p.315-323
41A.ADIDI « La question de
l'intégration sociale dans les programmes de lutte contre l'habitat
insalubre au Maroc » in « Les politiques de la ville :
intégration urbaine et cohésion sociale » sous la direction
de A.SEDJARI, Edition l'harmattan, 2006, p.315-323
42 Les ZEP 5 : zones destinées aux
ménages dont les revenus mensuels varient entre 175 et 350 Dh. Au
départ le lot est sommairement équipé et il sera
complété dans les trois ans par l'électricité et
dans les cinq ans par la voirie. Le remboursement des frais est effectué
par les bénéficiaires de ces lots sur cinq ans : 150 Dhs à
la livraison du lot et 60 mensualités de 50 Dh.
Les ZEP 15 : Ce programme a été prévu
pour reloger les bidonvillois les plus pauvres dont les revenus sont
inférieurs à 175 Dh. Les lots attribués ont
été dotés de l'assainissement complet, d'un embryon de
voirie, de bornes fontaines et d'un éclairage public de
sécurité. L'équipement est complété en 11
ans ; eau à domicile à la huitième année et la
voirie complétée à la onzième année.
L'attributaire paie le lot et l'équipement en 15 années à
raison de 15 années suivantes et 25 les cinq dernières
années
Ministère de l 'Aménagement du Territoire, de
l'Environnement, de l'Urbanisme et de l'Habitat Secrétariat d'Etat
à l 'Habitat, « L'habitat social au Maroc : Problématique et
stratégie d'intervention », Novembre 1999
A.ADIDI « La question de l'intégration sociale
dans les programmes de lutte contre l'habitat insalubre au Maroc » in
« Les politiques de la ville : intégration urbaine et
cohésion sociale » sous la direction de A.SEDJARI, Edition
l'harmattan, 2006, p.315-323
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
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Aucune de ces formules ne fut suivie de réalisations
concrètes, elles furent toutes abandonnées, en 1974, après
réajustement du plan au profit du programme social de lutte contre les
bidonvilles.
Dans ce cadre, des logements sociaux sont
réalisés, soit dans des villes soit dans des centres urbains et
ont été financés sur des crédits budgétaires
de l'Etat, et ce, pour aider au relogement des populations les plus pauvres.
Cependant, les logements sociaux souvent construits à
une grande distance des bidonvilles n'ont pas permis la résorption de
ces derniers.
Nombre de bidonvillois ont revendu ces logements sociaux, soit
pour réaliser un gain soit, parce qu'ils ne se résolvaient pas
à quitter l'environnement auquel ils s'étaient
habitués.
La création du ministère de l'Habitat et de
l'Aménagement du territoire (actuellement ministère de l'habitat,
de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace) dont les interventions
vont permettre de réduire considérablement les bidonvilles au
Maroc, a pour objectif ou mission de concevoir, programmer, mettre en oeuvre et
évaluer, les stratégies gouvernementales en matière
d'Habitat.
Le ministère de l'Habitat va encore combiner deux
techniques : le recasement et la restructuration. Ces programmes
bénéficiaient du soutien financier de l'Usaid. Durant cette
période il y a eu la création d'un organisme
spécialisé chargé de la lutte contre l'habitat insalubre,
l'Agence nationale de lutte contre l'habitat insalubre (ANHI).
a1-Les Projets de développement Urbain
"PDU"43
Dans les grands bidonvilles, diverses actions furent mises en
place avec l'aide financière de la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD).
Les « PDU » sont des opérations à
l'échelle de la ville visant la réalisation des
équipements de base et d'équipements socio collectifs. Les
habitants ont pu accéder à la propriété de terrains
sur lesquels ils étaient installés.
L'aide technique leur a été dispensée,
les facilités leur ont été accordées
essentiellement sous forme de crédits et des zones industrielles ont
été créées dans ces quartiers pour permettre aux
habitants de trouver des emplois, leur permettant de payer leurs
échéances de crédits.
Cependant, des retards ont été
enregistrés par rapport aux calendriers d'exécution
prévus, dû au manque d'attention pour l'acquisition
foncière, au faible taux de recouvrement des fonds, à la
capacité d'exécution limitée. 44
43 A.ADIDI « La question de
l'intégration sociale dans les programmes de lutte contre l'habitat
insalubre au Maroc » in « Les politiques de la ville :
intégration urbaine et cohésion sociale » sous la direction
de A.SEDJARI Edition l'harmattan, 2006, p.315-323
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