b2-Les modes d'intervention de l'Etat :
Les interventions de l'Etat dans ce domaine, se fondent sur
l'idée qu'il faut, sinon éliminer, du moins atténuer et
anticiper la concentration de populations défavorisées et trouver
des solutions à ce phénomène en requalifiant les espaces
et en attribuant des logements plus sélectifs permettant de ramener des
classes moyennes.
Cet objectif de mixité se double d'un objectif
d'insertion économique et sociale des populations. L'Etat intervient
dans une logique de rééquilibrage territorial et prévoit
des outils pour imposer la mixité. Il ne s'agit plus seulement de
gérer les effets locaux de la concentration mais de prévenir de
nouvelles concentrations de pauvres. Considérant le logement social
comme un moyen d'assurer une meilleure répartition des pauvres, la loi
consiste à obliger les communes qui ont peu de logements sociaux
à construire des logements sociaux et donc implicitement à
accueillir des ménages plus modestes. 32
Les orientations du gouvernement reposent toutes sur les
mêmes postulats et ont en commun de laisser une marge de manoeuvre
importante mais délicate aux acteurs locaux dans la mise en oeuvre des
principes de mixité et de solidarité.
b3-Les principes de la mixité sociale dans les
politiques urbaines. 33
Toutes ces politiques reposent sur des postulats que la
concentration de populations dites défavorisées, exclues, est
négative et donc qu'il faut éviter voire éliminer.
Ces politiques définissent la mixité sociale
comme une sorte de mélange idéal de diverses catégories
sociales dans le même espace.
Les politiques initiées dans cette optique, se fondent
sur le principe que pour rendre leur intégration possible, la part des
pauvres doit être réduite au sein des couches sociales plus
aisées.
32 C.LELEVRIER, "La mixité sociale et les
politiques urbaines", Revue Passages, Mai-Juin 2001, n°109-110
33 A.TANTER, J-C.TOUBON, "Mixité sociale et
politiques de peuplement", in société contemporaines,
avril 1999, n°33-34.
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
24
En étant minoritaires, les plus pauvres adopteraient
plus facilement les normes des classes sociales dominantes. 34
A travers les questions de la ségrégation et de
la mixité sont posées celles de l'intégration des
populations immigrées. 35
On peut très bien considérer que malgré
tous les débats sociologiques que peut susciter la mixité, cette
notion reste une sorte de référentiel utile donnant du sens
à l'action publique. L'idée d'équilibrage, de
mixité sociale, et d'équité spatiale dans le logement, est
certes idéaliste mais nécessaire. Mais faire du mélange de
catégories sociales hétérogènes une politique, et
qui plus est, laisser les définitions de ce mélange et des
catégories mobilisées aux acteurs locaux n'est pas sans produire
des effets pervers.
Dans les injonctions et discours nationaux, la mixité
reste une notion floue.
Il est difficile pour l'Etat d'élaborer des
critères précis concernant des catégories de populations,
qui, indispensables pour agir, n'en sont pas moins sources de discrimination.
Seule la politique de la Ville en précise les contours en faisant du
logement social l'outil de la mixité.36
D'ailleurs, dans la gestion et attributions de logement, les
acteurs publics utilisent obligatoirement des critères pour pouvoir
faire le tri dans les demandes de logement.
Hormis, les critères individuels on trouve depuis
quelques années d'autres sortes de critères tels que la situation
du quartier dans laquelle la perception de la mixité intervient.
Il y a donc des catégories de jugement sur les
personnes, sur les formes de cohabitation, sur les voisinages
indésirables qui sont pris en compte pour pouvoir décider quels
quartiers ou quels espaces se prêtent à la mixité sociale
ou au contraire à l'homogénéité des couches
sociales.
34 Le postulat est bien que la proximité
spatiale entre groupes sociaux différents, autrement dit le fait
d'être regroupés ensemble dans un même lieu
géographique, atténue les distances sociales. C.LELEVRIER, "La
mixité sociale et les politiques urbaines", Revue Passages,
Mai-Juin 2001, n°109-110
35 Par exemple, la conception de
l'intégration dans les politiques urbaines françaises est
plutôt celle d'une intégration individuelle, les regroupements
d'immigrés représentant plutôt un risque qu'une ressource.
Ainsi, la dispersion et la présence minoritaire de populations
immigrées ne serait plus seulement un enjeu d'intégration sociale
mais deviendrait un enjeu d'intégration culturelle. Là encore,
les travaux des sociologues américains ont montré dans les
années 1920-1950 que le regroupement de populations immigrées
pouvait être un facteur d'intégration et constituer un temps et un
espace de la ville et du parcours socio résidentiel de ces populations.
Mais les "regroupements" dont on parle en France n'ont pas grand-chose à
voir avec ceux des Etats- Unis, que ce soit ceux des années 1920 ou ceux
des années 1990. Il ne s'agit ni des mêmes intensités de
concentration, ni des mêmes processus de regroupements. Sans rentrer dans
un débat stérile opposant les tenants de ce qu'on appelle le
"modèle républicain" et de ce qu'on appelle "le communautarisme",
ces analyses sociologiques montrent en tout cas que la mixité ne peut ni
se définir objectivement, ni se décréter et que lorsqu'il
y a choix de lieu de résidence, ce sont plutôt des logiques de
"l'entre soi" qui prédominent. La proximité comme la distance
sociale peuvent l'une comme l'autre favoriser la cohabitation comme exacerber
les tensions."
C.LELEVRIER, "La mixité sociale et les politiques
urbaines", Revue Passages, n°109-110, Mai-Juin 2001
36 A. TANTER, J-C. TOUBON, "Mixité sociale
et politiques de peuplement", in société contemporaines,
avril 1999, n°33-34
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
25
Les catégorisations des différents "logeurs" vont
varier à la fois dans le temps et dans l'espace selon les groupes en
présence, la demande et les contraintes de l'offre.
Tout d'abord, la taille de la famille est le critère
commun d'un rééquilibrage qui s'affiche au niveau
démographique et non social. 37
Pour conclure, il semble que cette référence
à la mixité sociale de plus en plus présente et prise en
compte dans les politiques urbaines, ne permet pas de s'orienter vers d'autres
modes d'action publique et donc d'autres réponses possibles à la
ségrégation.
Ce débat nécessaire n'est pas facile dans la mesure
où l'effet du "territoire" sur les inégalités et la
discrimination reste encore aujourd'hui à démontrer.
Si l'objectif de cette action publique est avant tout la lutte
contre les inégalités et la discrimination et que l'on admet que
les causes ne sont pas liées à la concentration, la mixité
et son application territoriale ne semblent pas forcément la
réponse la plus appropriée.
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