b- Logement et mixité sociale : utopie ou enjeu de
société ?
« Depuis les années 1980, la mixité sociale
s'est affirmée comme un objectif de plus en plus central des "nouvelles
politiques urbaines".
Il est certes difficile de s'opposer à l'idéal
d'égalité et de justice sociale auquel se réfère le
principe de mixité. On peut en revanche s'interroger sur les effets de
son application, dès lors que ce principe s'incarne dans des outils
techniques urbains. »27
La mixité sociale définie comme réponse
politique à l'exclusion ne soulève-t-elle pas en effet plus de
questions qu'elle n'en résout ?
b1-Les formes de ségrégation et
d'exclusion urbaine 28
Les politiques de mixité sont légitimées
par des constats plus ou moins implicites sur la ségrégation
urbaine, son ampleur et ses effets. La ségrégation urbaine n'est
pas un concept parfaitement établi mais une de ces notions floues et
polysémiques.29
Les usages de cette notion de ségrégation
urbaine, dans le champ de la recherche comme dans celui des politiques,
semblent toutefois se cristalliser autour de deux "idéaux-types". 30
La ségrégation ne correspond plus seulement
à une division sociale de l'espace, car des analyses de la
ségrégation tendent en effet à affirmer que les
concentrations de populations défavorisées sont en
elles-mêmes productrices d'inégalités et d'exclusion. 31
27 C.LELEVRIER, "La mixité sociale et les
politiques urbaines", Revues Passage, 2001, n°109-110
28 C.DEKEYSER l, Les Mécanismes fonciers de
ségrégation, Edition de l'ADEF, 2004, p.280 (source INAU)
29 Y.GRAFMEYER, "Regards sociologiques sur la
ségrégation", in BRUN J. et RHEIN C., Edition, La
Ségrégation dans la ville, L'harmattan, 1994
30 C'est en référence constante aux
évolutions et modèles urbains américains que la situation
urbaine est analysée et débattue : la figure du "ghetto" noir
américain et celle plus récente des « gated communities
», villages résidentiels clôturés à la
périphérie des villes. Par exemple, en France, le quartier dit
« politique de la ville » est devenu le symbole de la
ségrégation urbaine illustrant la figure du "ghetto" de pauvres,
les communautés fermées de classes moyennes étant encore
peu repérables, même si certains sociologues relèvent une
tendance au développement de ce type d'ensembles résidentiels.
Dans les quartiers de la politique de la ville comme dans les
ghettos noirs américains se concentreraient des populations dites
défavorisées, exclues, qui ne participent plus à la
production de richesse et ne sont plus non plus représentées dans
la sphère publique et politique.
C.LELEVRIER, "La mixité sociale et les politiques
urbaines",, Revue Passages, Mai-Juin 2001 n°109-110
31 Y.GRAFMEYER, "Regards sociologiques sur la
ségrégation", in BRUN J. et RHEIN C., Edition La
Ségrégation dans la ville, L'harmattan, 1994, p.86
Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration
sociale par le logement au Maroc
23
Par ailleurs, le phénomène d'évitement
des classes moyennes par rapport à ces "quartiers
défavorisés" qu'ils considèrent comme une menace pour la
cohésion nationale ; explique également une volonté de
désolidarisation financière et sociale des plus favorisés
de cette classe défavorisée.
Beaucoup d'analyses et de débats ont été
faits par rapport à cette vision duale de la société et de
la ville c'est-à-dire entre ceux qui analysent les évolutions en
terme d'exclusion et ceux qui les considèrent plutôt comme un
mouvement de recomposition de la société.
Or, depuis quelques années, toute l'intervention de
l'Etat se base sur cette vision duale de la ville, même si les
orientations et outils préconisés pour parvenir à la
"mixité" ont changé.
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