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Audit de l'activité de crédit dans un établissement de micro finance (gestion des crédits et du portefeuille compromis): cas du Crédit Mutuel. SA au Cameroun

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par Yvette Sandrine ZIWANDJEMEN
Université de Douala Cameroun - Licence en audit et contrôle de gestion 2012
  

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II. IMPACT DES FAIBLESSES RELEVEES SUR LA SITUATION DU CREDIT MUTUEL

Conformément à notre démarche, nous allons procéder point par point à l'analyse approfondie des lacunes identifiées, dans la mesure où elles ont une incidence sur le calcul des ratios prudentiels. Ces derniers ont également un impact considérable sur la gestion de l'EMF car ils affectent les grands équilibres financiers du bilan et par conséquent, les possibilités de déploiement de l'activité.

II.1 - Analyse de l'impact des faiblesses liées au bénéficiaire du prêt

Les causes de décès, perte d'emploi et incapacité de travail des bénéficiaires de prêts en cours de remboursement, et problèmes de trésorerie et/ou faillites des PME& PMI, ont un impact sur la situation de l'institution, en ce sens que les créanciers sont d'office jugés incapables de rembourser. Dans ces cas, les créances sont donc directement comptabilisées en pertes. Ce qui constitue une diminution du résultat de l'entreprise.

II.1 - Analyse de l'impact des faiblesses liées au CREDIT MUTUEL

Les plus grandes anomalies relevées sont celles rattachables au CREDIT MUTUEL. En vue de rester dans une logique d'analyse conforme à la démarche suivie depuis le début de notre exposé, nous les avons regroupés en 2 causes principales : les insuffisances du système informatique, etl'exécutioninexacte des modalités de gestion des prêts définies dans le manuel de procédure, et son défaut de mise à jour.

II.1.1 - Les insuffisances du système informatique

Notre audit nous a permis de ressortir trois principales failles adossées au système informatique, et impactant la situation du portefeuille : la gestion manuelle des crédits, l'inexistence de l'interconnexion informatique des agences du réseau

II.1.1.1 - La gestion manuelle des crédits

Le portefeuille des engagements se décompose en deux grands pouls : les Crédits et les Créances en souffrance.

*Les Crédits

Les crédits constituent l'une des activités principales du CREDIT MUTUEL. Nous avons déploré à l'issue de notre étude, que plusieurs modules du logiciel installé soient inutilisés, et l'outil informatique sous exploité.Sur le principe, les différents modules de gestion des crédits offerts par le logiciel NETSOFT peuvent être automatisés.

La Direction générale a opté cependant pour une gestion de base manuelle des crédits. Cette option a pour objectifs principaux : d'obliger les gestionnaires dans l'exécution de leurs tâches quotidiennes, à effectuer un suivi personnel et constant du portefeuille, d'éviter tous éventuels dérapages dans le suivi des crédits, de rapprocher les gestionnaires au traitement des crédits, et permettre ainsi la maitrise quasi parfaite du portefeuille.

Observons ci-après, les statistiques de crédit pendant les 3 dernières années :

Eléments

Années

2009

2010

2011

Nombre de dossiers

136

147

162

Crédits demandés

1 348 651 026

1 403 513 188

2 189 021 713

Crédits octroyés

1 068 631 026

1 128 783 188

1 802 671 713

Montant rejetés

280 020 000

274 730 000

386 350 000

Pourcentage des accords

79%

80%

82%

Pourcentage des rejets

21%

20%

18%

Au 31/12/2011, l'institution détiens 647 comptes actifs de crédits, et environ 1974 comptes chèques en découverts, soit un total de 2621 comptes correspondant aux avances faites à la clientèle.

Compte tenu du volume de comptes d'avance existants dans le portefeuille, nous décrions fortement qu'ils fassent l'objet d'un suivi manuel, malgré les raisons évoqués par l'organe de gestion. De tous les modules existants dans le logiciel en exploitation, seul celui relatif à la mise en place de prêt a été activé en mode automatique.

Des impacts du suivi manuel des crédits, nous pouvons citer :

- La comptabilisation de produits fictifs (intérêts sur prêts remboursement non effectif) ;

- La lourdeur évidente des tâches à exécuter par les gestionnaires, entrainant très souvent l'enregistrement de nombreuses erreurs dans les comptes et ainsi, un manque de suivi efficient des crédits (gestion manuelle des autorisations, imputation manuelle des remboursements ou amortissements de prêts, élaboration manuelle des tableaux de synthèses,...).

- La brouille de la piste d'audit 9 imputable à ce système de suivi, dans la mesure où la plupart des informations générales relatives à la clientèle ne sont pas introduites dans le système informatique, mais n'existent que dans les dossiers physiques individuels pour certains.

- La faible efficacité du contrôle des engagements : les états de synthèse produits par le service crédit souffrent d'une inconstance caractérisée. En général, ils ne sont constitués que de tableaux élaborés de manière extracomptable. Cette situation plombe considérablement l'action du contrôle, dont les travaux ne sauraient se limiter qu'à l'exploitation des états manuels.

- Les diligences définies au chapitre concernant la gestion des crédits sont en réalité théoriques, et ne sont que très partiellement mise en pratique.

- L'insuffisance du nombre de gestionnaire responsable du suivi des comptes d'engagement. De plus, dans la pratique, aucune structure formelle de gestion des crédits n'a été réellement mise sur pied.

- L'insuffisance dans la gestion administrative des dossiers physiques des engagements, notamment des concours sans dossiers ou aves des dossiers incomplets (absence de documentation juridique et/ou comptable) ou comportant des informations devenues caduques.

- L'inexistence des procès-verbaux de réunion du comité de crédit : les délégations de pouvoirs sont exercées exclusivement par le PDG. Le comité de crédit à quelque détail près est réduit à une pure formalité, si bien que nous estimons que les crédits ne sont pas réellement discutés. Lorsque l'examen par les pairs n'est plus efficace, des décisions de crédit hasardeuses peuvent augmenter le risque de contrepartie.

9La piste d'audit est définie par le règlement CRB 97-02, transposable à l'audit en microfinance, comme « un ensemble de procédures permettant la reconstitution dans un ordre chronologique desopérations, la justification de toute information par une pièce d'origine à partir de laquelle il doit être possible de remonter par un cheminement ininterrompu au document de synthèse et réciproquement, l'explication de l'évolution des soldes d'un arrêté à l'autre par la conservation des mouvements ayant affecté les postes comptables ».

N.B : Il y'a lieu de préciser que l'état du portefeuille actuel est de nature à affecter la détermination des principaux ratios liés à l'activité de crédit à savoir : le ratio de couverture des risques (ratio de solvabilité) et le ratio de couverture de risque par les ressources disponibles

Le ratio de couverture des risques (ratio de solvabilité) - Règlement COBAC EMF 2002/07

Le règlement relatif à la couverture des risques définit un ratio, dit de solvabilité, qui a pour vocation de proportionner l'activité du crédit au niveau des fonds propres ou fonds patrimoniaux des EMF, autrement dit, d'adapter le niveau de prise de risques à la surface financière des établissements.

Le rapport entre fonds patrimoniaux nets ou fonds propres nets (au numérateur), et les crédits, diminués des provisions constituées (au dénominateur) doit être en permanence supérieur ou égal à 10%.

Catégorie 1 Fonds patrimoniaux nets = 10% Catégories 2 et 3 Fonds propres nets = 10%

Encours de crédits Encours de crédits

Le ratio de solvabilité de l'institution des 3 dernières années :

Eléments

Années

2009

2010

2011

Fonds patrimoniaux nets

189 453 410

199 201 036

237 322 214

Encours Crédits nets

1 418 837 858

1 650 004 462

1 945 170 888

Ratio de couverture de risque

13,35%

12,07%

12,20%

Les indicateurs ci-dessus nous confirment que malgré les manquements édictés ci-dessus, l'institution affiche un taux de solvabilité réglementaire, sous réserve d'une analyse approfondie des dossiers physique de crédits.

Le ratio de couverture des risques par les ressources disponibles - Règlement COBAC EMF 2002/12

Le règlement relatif à la couverture des crédits par les ressources disponibles fixe le coefficient maximum des ressources qu'il est possible d'affecter à l'activité de crédit. Ce coefficient est fixé à 70% pour les EMF des catégories 1 et 2 exerçant leurs activités de manière indépendante et pour les organes faîtier.

Il s'agit ici de préserver la liquidité des établissements ainsi que son fonds de roulement.

Catégorie 1 et 2 Encours des crédits nets à la clientèle - encours nets des

Crédits adossés à des ressources externes

Fonds propres nets + Dépôts de la clientèle - immobilisations nettes

(Ou Fonds patrimoniaux nets)

*Les Créances en souffrance

Les créances en souffrance représentent un poste clé de la situation bilancielle des EMF. Elles sont issues de la détérioration du portefeuille, c'est-à-dire des octrois de crédits donc les remboursements sont devenus irréguliers, ineffectifs ou alors inexistants. Elles sont en général mal évaluée ou sous évalués dans les EMF.

La qualité du portefeuille de crédit d'un EMF conditionne fortement le jugement que l'on peut porter sur la solidité de sa situation financière. L'externalisation des impayés et des contentieux est généralement une faiblesse des établissements qui accordent des crédits.

Il était donc nécessaire que la COBAC précise par règlement, à la fois les règles d'externalisation et de comptabilisation des créances douteuses et contentieuses, ainsi que leur mode de provisionnement.

Le traitement comptable des créances en souffrance est largement divulgué dans le règlement COBAC EMF 2002/18. Ce règlement distingue, dans la hiérarchie des difficultés de recouvrement :les créances en situation de simple impayé (depuis moins de 45 jours), les créances immobilisées (impayés depuis plus de 45 jours, 90 jours pour les crédits de campagnes), les créances douteuses : ce sont les créances immobilisées présentant un risque de non recouvrement partiel ou total, les créances contentieuses : ce sont les créances faisant l'objet d'un recouvrement par le service du contentieux ou par une procédure d'arbitrage ou judiciaire.

Les créances impayées doivent être comptabilisées au compte correspondant, au plus tard 15 jours après leur échéance.

Dès lors qu'un risque de non recouvrement subsiste, les créances sont provisionnées de façon suivante :les créances jugées totalement irrécouvrables, ou ne pouvant faire l'objet d'une procédure de recouvrement, doivent être provisionnées en totalité, dès leur constatation, les créances faisant l'objet d'une caution personnelle pour lesquelles la caution n'a pas pris l'engagement ferme de remboursement doivent être provisionnées intégralement au bout d'un an, les créances assorties d'un gage ou d'un nantissement doivent être provisionnées immédiatement pour la partie non couverte par la sûreté, et au plus tard au bout d'un an pour la partie couverte, les créances assorties de garanties hypothécaires doivent être provisionnées à hauteur de 15% au moins au bout d'un an après leur constatation, de 45% au bout de la deuxième année, de 75% au bout de la troisième année et de la totalité au bout de la quatrième année.

De l'examen des états financiers du CREDIT MUTUEL, nous avons pu extraire les informations suivantes :

Eléments

Années

2009

2010

2011

Encours crédits bruts

1 418 837 858

1 650 004 462

1 945 170 888

Créances en souffrance

676 593 390

667 289 240

660 958 854

Prov/crédits en souffrance

676 593 390

667 289 240

660 958 854

Crédits nets*

1 418 837 858

1 650 004 462

1 945 170 888

Pourcentage créances compromises

48%

40%

34%

Pourcentage provisions comptabilisées

100%

100%

100%

*Crédits nets = Encours crédits bruts + Crédits en souffrance - Prov/crédits en souffrance

Cependant, les conclusions de notre analyse physique, individuelle et minutieuse des dossiers de crédits exposent qu'en réalité, 14% du volume des encours brut de crédits au 31/12/2011 correspond aux comptes inactifs depuis plus de six mois, dont les comptes d'avance concernés n'ont enregistré aucun remboursement.

Ce constat constitue une violation des dispositions du règlement COBAC EMF 2002/18, passible d'injonction ou de sanctions disciplinaires.

Les raisons fondamentales qui justifient les défaillances au niveau du suivi des engagements compromis (notamment les comptes d'avances inactifs depuis plus de 6 mois, figurant parmi les encours sains de crédits) sont les suivantes :

- Le système de cotation interne définie pour la classification des débiteurs (débiteurs sains, petits débiteurs, débiteurs sensibles, débiteurs précontentieux, contentieux provisionnés) n'intègre pas les critères prévus par la réglementation (créances impayés, créances immobilisées, créances douteuses, créances contentieuse) ;

- Le défaut d'activation en mode automatique du module de gestion des crédits compromis : les comptes de déclassification changent selon que la créance initiale passe du statut d'impayé à celui d'immobilisé, douteuse ou contentieuse. Du fait de la gestion manuelle du portefeuille optée par la Direction Générale, il est de toute évidence impossible actuellement au CREDIT MUTUEL de réaliser cette opération, au regard de tout ce que nous venons d'exposer.

La disproportion que nous avons relevée au niveau du volume des encours exige une correction des indicateurs que nous avons calculés sur la base des éléments pris en comptes dans les états financiers.

Ainsi, par correction extra comptable, nous aurons en réalité :

Eléments

2011

2011 (corrigé)

Encours crédits bruts

1 945 170 888

*1 672 846 964

Créances en souffrance

660 958 854

**933 282 778

Prov/crédits en souffrance

660 958 854

660 958 854

Crédits nets*

1 945 170 888

1 945 170 888

Pourcentage créances compromises

34%

55,7%

Pourcentage provisions comptabilisées

100%

70,8%

*1.672.846.964 = 1.945.170.888 x (100-14) / 100

** 933.282.778 = 660.958.854 + (1.945.170.888 x 14/100)

II.1.1.2 - l'inexistence de l'interconnexion informatique des agences du réseau.

L'une des innovations majeures des NTIC dans le secteur de la micro finances est sans aucun doute, l'interconnexion des unités d'exploitation.

L'interconnexion des réseaux locaux des EMF est la possibilité de faire dialoguer plusieurs sous réseaux initialement isolés, par l'intermédiaire de périphériques spécifiques, pour former un réseau étendu.

Cette opération permet au EMF d'accéder très rapidement à l'information, de pouvoir tout contrôler à partir du siège où est installé le serveur. Elle permet davantage de pouvoir compiler les données à tout moment, en vue de produire un certain nombre d'états consolidés, et tout ceci en un temps record.

Pour avoir accès aux données d'une agence au CREDIT MUTUEL, les opérateurs sont contraints de se déplacer sur le site, transférer ces données sur un support amovible avant de pouvoir les exploiter au siège.

Cette carence est un frein non seulement pour l'exploitation (obligation de se communiquer par téléphone pour avoir des informations sur un compte déplacé, augmentation du risque de fraude), mais aussi pour les agents devant assurer le traitement de l'information (difficulté d'accès à l'information : contrôle des engagements consolidés, états périodiques consolidés des engagements, états consolidé des impayés, états consolidé des garanties, etc...). Nous pouvons également évoquer l'absence de suivi des remboursements en temps réel, d'où l'aggravation du niveau des impayés.

II.1.2 - L'exécution inexacte des modalités de gestion des prêts définies dans le manuel de

Procédure et son défaut de mise à jour

D'une manière générale, La maîtrise du risque de crédit implique des procédures opérationnelles strictes concernant l'administration des crédits postérieurement à leur octroi. Bien qu'il existe un manuel de procédure de gestion des prêts au CREDIT MUTUEL, nous estimons qu'il n'est que partiellement appliqué. De plus, il n'a été victime d'aucune actualisation depuis sa publication interne.

L'incidence de ses manquements sur la qualité du portefeuille s'avère important, dans la mesure où toute violation des règles et contraintes à observer avant, pendant, et après l'octroi de crédit est une source probable de risque de non remboursement.

Le personnel affecté à la gestion des prêts n'est pas souvent suffisamment formé et recyclé, d'où une insuffisance de compétence, conduisant à une maitrise précaire de l'activité de crédit, et se traduisant par une mauvaise tenue administrative et physique des dossiers de crédits...

C'est à ce point que s'achève ce chapitre concernant la démarche d'amélioration du thème objet de notre étude. Nous allons dans le chapitre suivant, émettre un certain nombre de suggestions émanant de nos travaux d'audit, susceptibles d'apporter des aménagements significatifs à la gestion du portefeuille des engagements de la clientèle.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe