2.2.2.5 L'humanité telle que posée dans la
clause de Martens
Le principe d'humanité s'exprime par de
nombreuses règles sur le traitement des personnes au pouvoir de
l'ennemi. Mais il s'applique aussi à la conduite des hostilités.
La clause de Martens soumet, même en l'absence de
disposition expresse du DIH, la conduite des hostilités, notamment aux
« principes de l'humanité ». La clause de Martens a
été intégrée au droit de La Haye et au droit de
Genève, notamment à l'art 1 §2 du PA 1. qui dispose
que :
« Dans les cas non prévus par le
présent Protocole ou par d'autres accords internationaux, les personnes
civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des
principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des
usages établis, des principes de l'humanité et
des exigences de la conscience publique. »
D'après cet article, le régime
minimal qui subsiste en tout temps en cas de conflit est celui qui
découle des principes du droit des gens. Ces derniers, résultent
eux-mêmes notamment des principes de l'humanité. Les
« principes du droit des gens » est une formule sujette
à interprétations.
Mais ils résultent en particulier des principes de
l'humanité. Cet article pose les principes de l'humanité en
termes très généraux. Il est donc difficile de
décrire les règles qui peuvent en découler en particulier
pour notre cas.
Donc la clause impose que les militaires qui utilisent les drones
se soumettent à un régime juridique, lui-même conforme aux
principes de l'humanité. Donc l'humanité indirectement est une
obligation pour les combattants.
Cette obligation pèse sur les commandants et les
opérateurs de robots militaires.
On a vu que le droit relatif aux armes peut s'appliquer aux
robots militaires semi autonomes. Dès lors, on peut procéder
à l'application afin de voir s'il ressort des illégalités
relativement à ces utilisations.
III Application
A) Application du droit relatif à
légalité du robot comme arme
On rappelle qu'on étudie ici un robot,
contrôlé et dirigé par un opérateur, qui seul peut
en temps réel faire feu sur une cible. Ces robots sont
déjà utilisés et en cours de nouveaux
développements.
On a vu que le robot ne doit pas ni rendre la mort
inévitable, ni causer des maux superflus, ni avoir des effets
indiscriminés, ni être équipé d'une arme non
conventionnelle. Que ressort-il de l'application de ce régime aux robots
semi autonomes ?
1. Application de l'obligation que le robot ne cause pas
des maux superflus
Les robots militaires ne doivent pas causer de maux superflus aux
combattants ennemis touchés.
D'une part cela interdit que le robot soit équipé
d'armes qui causent des maux superflus car alors, quelle que soit l'attaque,
l'arme est de nature à causer des maux superflus.
Il est possible, d'autre part, qu'un robot équipé
d'armes conventionnelles cause des maux superflus. En particulier, les drones
équipés de missiles explosifs antichars (les
« Hellfire ») ont été très
utilisés en Irak et en Afghanistan. Mais utilisés contre
un combattant comme unique cible, ils ne laissent quasiment aucune chance de
survie à ce combattant. Et en outre à supposer qu'il survive, il
est très probable qu'il perde un ou plusieurs membres de son corps. Cela
est superflu tant en rapport avec l'avantage
militaire que l'attaque donne à la partie, qu'en rapport avec la
nécessité de mettre ce combattant cible, hors de combat (les
industries militaires travaillent sur la mise au point de missiles plus petits
et moins puissants pour équiper spécialement les drones).
Le problème est que ces maux superflus, sont la
conséquence de l'utilisation d'une arme
légale. Mais alors le seul droit applicable à
l'utilisation d'une arme, ignore un tel cas.
Le droit relatif aux armes en elles-mêmes est-il
exclu ? Le commentaire de l'art 35 PA 1 et le commentaire du code de DIH
coutumier apportent des amorces de solution. Ces commentaires montrent que
cette règle est interprétée de manière diverse par
les Etats et en particulier le commentaire de l'article énonce, de
manière quelque peu étonnante que : « Il
[l'article] énonce une interdiction de résultat, mais non
directement une interdiction de moyen ». Ainsi le
résultat de causer les souffrances superflues dues aux drones serait
interdit par cette règle.
L'interprétation suivanteserait alorslégalement
concevable : onconsidère que les drones
utilisés contre des combattants
découverts sont des armes causant des maux superflus car lors d'une
telle utilisation, le drone par nature, dès
qu'il touche une cible lui inflige la mort ou bien la perte de membres, ce qui
est superflu.
Un tel raisonnement serait en effet analogue à
l'interdiction limitéedes lance-flammespar une
convention spéciale.
Donc, plus généralement, dans les
cas où les robots totalement autonomes sont de nature
à causer des maux superflus, ils sont interdits par le DIH.
En particulier en Irak et en Afghanistan, de telles utilisations
illégales ont été faites mais par ailleurs, les drones
Predator étaientsouvent utilisés contre des véhicules.
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