2.6. Nature et contenu du terme «accès»
aux services bancaires
Chamberlain et Walker (2005) définissent le mot
"accès" comme étant « l'habilité d'un individu
à obtenir et, sur une base soutenable, à utiliser des services
bancaires et financiers qui sont abordables et utilisables qui satisfont ses
besoins financiers ».
Cette définition reprend, en d'autres termes, celle
donnée par Gloukoviezoff (2001) qui parle de droit formel et de droit
réel pour différencier la capacité d'obtention de la
capacité d'utilisation. Elle apporte une précision importante
concernant la satisfaction du besoin de la personne qui accède à
ces services. En effet, la demande se justifie par la nécessité
de satisfaire un besoin financier. Et si l'offre, quoi qu'en soit sa
disponibilité, n'est pas en mesure de couvrir ce besoin, il est
évident qu'elle n'aura pas de débouchés. De même en
absence de besoin et donc de demande potentielle, il est difficile voire
impossible de faire consommer les services bancaires.
La théorie de l'offre et de la demande permet de
dissocier le problème d'accès de celui épineux de
l'utilisation des services bancaires en général. Ce n'est pas
parce qu'un service est
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accessible qu'il sera forcément consommé. Beck
et De la Torre (2006), démontrent bien cette différence. Dans un
marché de concurrence pure et parfaite, les agents économiques
n'étant confrontés ni à un problème
d'asymétrie de l'information, ni aux coûts de transactions
à optimiser ou à l'incertitude liée aux résultats
des projets, satisfont leurs besoins de façon égalitaire. Il
n'existe aucun problème d'accès. Mais ce n'est pas pour autant
qu'il y aurait 100% de taux de bancarisation et d'utilisation des services
bancaires et financiers. Tout dépend des besoins des agents, même
parfaitement informés.
Si en plus, le marché est de concurrence imparfaite tel
que le monde réel, l'existence des obstacles dus aux coûts de
transactions, à l'incertitude de la réalisation des projets et
à l'asymétrie de l'information réduit davantage le taux
d'accès.
2.7. Les facteurs limitatifs identifiés dans la
littérature
Deux grandes théories permettent d'identifier les
différents facteurs qui contribuent à la limitation de
l'accès aux services financiers. Il s'agit de la théorie des
frontières des possibilités d'accès et des
barrières à l'accès.
2.7.1. La théorie des frontières des
possibilités d'accès
Elle a été développée par Beck et
De la Torre (2006). Ils partent du principe économique de la loi de
l'offre et de la demande pour identifier les problèmes d'accès
aux services bancaires et financiers et leurs causes. Les facteurs retenus pour
expliquer le niveau de l'offre sont les coûts de transaction et les
risques systémiques et particuliers. Quant à la demande, elle est
appréciée par des facteurs économiques (revenu, prix) et
non économiques (illettrisme financier et barrière culturelle et
religieuse). Leurs travaux couvrent les deux aspects les plus importants de la
problématique d'accès aux services bancaires et financiers que
sont d'une part, l'accès aux services d'épargne et de paiement et
d'autre part, l'accès au crédit. Dans ce travail, seul le premier
aspect qui rejoint notre problématique sur la faible bancarisation sera
étudié.
2.7.1.1. L'offre de services de paiement et
d'épargne
Dans une simplification du problème, les deux auteurs
ont retenu le coût de transaction et les risques comme facteurs
explicatifs.
2.7.1.1.1. Des coûts de transactions
fixes
Les deux auteurs ont montré que dans un marché
de libre concurrence, les coûts de transactions sont
déterminés suivant les caractéristiques et la nature des
services offerts. Lorsque les coûts des transactions financières
sont fixés soit par l'établissement, soit par les
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autorités de régulation, les économies
d'échelle réalisées ne sont plus répercutées
sur le marché. Cela maintient artificiellement les coûts à
la hausse et constitue de fait un important point de blocage à la
démocratisation de l'accès aux services.
2.7.1.1.2. Risques systémiques et
particuliers
Les risques systémiques sont fonction du marché ou
du pays. Ils s'imposent à tous les agents
économiques sous forme de contraintes à
gérer. Les risques identifiés sont la taille du marché,
les fondamentaux macro-économiques, la technologie disponible, le niveau
moyen du revenu par habitant, la qualité des infrastructures de
transport et de communication et le cadre juridique et sécuritaire. Ils
constituent les variables d'état. Ce sont des caractéristiques du
marché avec lesquelles les institutions sont tenues de composer.
Par contre, les risques particuliers sont liés à
chaque institution, au style de management, aux décisions
d'investissement etc. Ces risques définissent le coût de gestion.
Ils peuvent et doivent être maîtrisés par la direction de
l'établissement.
2.7.1.2. La demande de services de paiement et
d'épargne
Pour les deux auteurs, la demande est fonction ou non de la
situation économique.
2.7.1.2.1. Facteurs
économiques
La demande de services de paiement et d'épargne
dépend de facteurs économiques que sont le
revenu moyen des populations et le prix auquel les services
peuvent être acquis. Elle est une fonction croissante du revenu et
décroissante du prix.
2.7.1.2.2. Facteurs non
économiques
Des facteurs non économiques très importants comme
l'illettrisme (financier) et les barrières
culturelles et religieuses influencent la demande des services
de paiement. Ces facteurs conduisent souvent à l'auto-exclusion.
2.7.1.3. Définition de la frontière des
possibilités d'accès 2.7.1.3.1. Définitions et
hypothèses
2.7.1.3.1.1. Définitions
Beck et De la Torre (2006) définissent la frontière
des possibilités d'accès des services de
paiement et d'épargne comme « la part maximale de
population (ménage et entreprise) qui pourrait être servie par les
institutions bancaires et financières pour un ensemble donné de
variables d'état »
Pour décrire cette frontière, ils
définissent quatre fonctions (représentées sur la figure
1):
![](Contribution-des-TIC--Technologie-de-lInformation-et-de-la-Communication---l-amelioration-du38.png)
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Offre réelle: S = f {Coûts de
transactions, variables d'état}
Offre potentielle: S* qui est meilleure à
S parce que fruit d'un marché financier efficient.
Demande réelle: D = f {revenu, prix,
illettrisme financier, barrière culturelle et religieuse} Demande
potentielle: D* qui est meilleure à D car ne
considère pas les facteurs non économiques.
2.7.1.3.1.2. Hypothèses
Les deux auteurs émettent les hypothèses
suivantes:
H1: Le prix est indépendant du volume des transactions;
H2: Les clients qui utilisent les transactions les plus
chères sont ceux qui consomment plus de transactions;
H3: Dans une période de temps d'observation, la valeur
et le volume de transactions consommées par chaque agent sont fixes et
indépendants du prix.
2.7.1.3.1.3 Identification des frontières et
des problèmes sous-jacents
Les frontières des possibilités d'accès
(figure 1) sont déterminées par les points de rencontre entre les
différentes offres et demandes. La projection du point I (offre et
demande efficientes) sur l'axe horizontal donne la part de la population qui
est bancable (A) : c'est la situation optimale pour un pays donné.
Tous les trois points intérieurs dénotent de
problèmes plus ou moins importants dont la résolution permettra
d'accroître l'accessibilité.
Premier problème d'accès: le point II
caractérise un problème de demande lié à
l'auto-exclusion qui est due à des facteurs non économiques;
Deuxième problème d'accès: les
points III et IV caractérisent un problème de demande et d'offre.
Ils traduisent une offre peu efficiente (point III) doublée d'un
problème d'auto-exclusion des populations (point IV).
Figure 2 : Frontières de possibilités
d'accès
![](Contribution-des-TIC--Technologie-de-lInformation-et-de-la-Communication---l-amelioration-du39.png)
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![](Contribution-des-TIC--Technologie-de-lInformation-et-de-la-Communication---l-amelioration-du40.png)
Source : Beck et De la Torre (2006)
Mais il existe un troisième problème qui
pourrait surgir de la comparaison des points I obtenus pour différents
pays ayant des niveaux économiques semblables. Ces points peuvent varier
traduisant alors des problèmes spécifiques autres
qu'économiques tels que l'insécurité ou le cadre
juridique, etc.
La théorie des "frontières de
possibilités d'accès", permet, sous certaines conditions,
d'identifier le niveau optimal d'accès aux services bancaires et
financiers dans un pays, et de déceler les problèmes qui
pourraient expliquer un niveau inférieur et donc d'orienter les actions
correctives en conséquence.
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