Paragraphe 2 : DES CATEGORIES SOCIALES VULNERABLES
DEPOURVUES D'UN DROIT A LA SANTE
Défaillants d'un revenu professionnel
(A) ou à faible revenu du fait de la
précarité de leur emploi (B) des
catégories sociales considérées vulnérables se
trouvent dépourvues d'un droit à la santé
A. Les défaillants d'un revenu professionnel
L'observation du Droit de la sécurité sociale en
Tunisie montre nettement qu'aucune protection sociale n'est prévue pour
les chômeurs (1). Par contre, une protection
limitée dans le temps est reconnue en faveur des licenciés pour
des raisons économiques ou technologiques
(2).
1. Les chômeurs
« Le chômage constitue à la fois un
risque social et un risque économique. La capacité de travail de
la personne concernée n'est pas affectée, mais elle ne peut
s'exercer en raison des situations particulières du marché du
travail ».3
Le Droit tunisien de la sécurité sociale, se
basant sur une conception professionnelle, n'a pas pris en considération
le chômage en tant que risque social nécessitant une action
collective et solidaire en faveur des chômeurs.
1 L'affiliation à ce régime s'effectue
selon les modalités fixées par le décret n° 2002-916
du 22 avril 2002.
2 Source C.N.S.S dans l'article de K. ESSOUSSI, «
L'extension de la couverture sociale », Art. préc., p 142.
3 A. MOUELHI, Droit de la Sécurité
sociale, Op. cit. , p.13.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 117
Ainsi, le chômage se présente comme un
phénomène insaisissable coûteux et variable dans sa
durée, ce qui peut être une source de difficultés pour
garantir un minimum de protection en faveur des chômeurs.
Le risque chômage est donc d'une gravité
exceptionnelle notamment pour les jeunes diplômés de
l'enseignement supérieur ou de la formation professionnelle qui,
malgré l'apport de la loi n° 2006-51 du 24 juillet 2006, se
trouvent forcément, une année après la fin de leurs
études, dépourvus de nouveau des prestations de soins et de la
couverture sanitaire.
Désireux de travailler, les chômeurs qui sont
plutôt victimes de la mondialisation et de la conjoncture
socioéconomique de la Tunisie,1 ont un droit créance
vis-à-vis de la nation. On parle ainsi, dans une logique de
solidarité nationale
pour reconnaître à ces chômeurs un minimum
de protection sociale se limitant au moins dans l'accès gratuit aux
soins de santé. Ce système de protection peut être
financé par un fond national de solidarité au profit des
chômeurs et peut même être financé par les dons et par
d'autres ressources.
Il est donc temps en Droit tunisien de la
sécurité sociale pour couvrir la 9ème
éventualité, visée par la Convention n° 102 de
l'O.I.T. (1952) relative à la norme minima en matière de
sécurité sociale, qui est le risque chômage et surtout face
au risque maladie des chômeurs.2
2. Les licenciés pour des raisons
économiques ou technologiques
Par la loi n° 96-101 du 18 novembre 1996, le
législateur tunisien cherche à protéger la famille du
travailleur licencié par la garantie des créances salariales.
Cette garantie de créance est soumise à des conditions relatives
essentiellement au motif de licenciement qui doit être pour des raisons
économiques ou technologiques et aussi à la situation
financière de l'entreprise3 :
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2 A. SEFI, Op. cit., p. 09-10. A ce
propos, elle parle d'une étude du centre de recherche de l'UGTT en 2001
portant sur la possibilité de création d'une caisse de
chômage.
3 Art. 2 du décret n° 97-1926 du 29
septembre 1997 a limité l'intervention de la C.N.S.S à ces cas :
La faillite de l'entreprise, sa fermeture définitive et l'inexistence
d'un actif suffisant susceptible de couvrir les dettes et sa liquidation par
voie judiciaire ou en vertu d'une décision administrative.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 118
Toutefois, cette mesure de garantie ne profite qu'aux
travailleurs assujettis au régime général de
sécurité sociale et au profit de certains agents des entreprises
et des établissements publics à caractère non
administratif, affiliés à la C.N.R.P.S., licenciés dans le
cadre de l'assainissement et de la restructuration des entreprises à
participation publique.1
D'autant plus, et parce que « la
sécurité sociale permet un meilleur accès aux soins de
santé »,2 la loi n° 2002-61 du 9 juillet 2002
a permis aux travailleurs licenciés ainsi que leurs ayants droit, de
continuer à bénéficier des prestations familiales dont
notamment les soins de santé et ceci pendant les quatre trimestres
suivant celui au cours duquel le travailleur a cessé son
activité.3
Cette solution bien qu'elle garantit la sécurité
là où il n'y a plus de sécurité, se trouve
limitée dans le temps et pourra par la suite engendrer des
difficultés majeures pour la famille dont le chef se trouve encore en
situation de chômage. Un droit aux prestations de soins pourrait
être reconnu pour une nouvelle durée pour le travailleur ainsi que
ses ayants droit s'il justifie qu'il est dans la recherche d'un nouvel
emploi4.
Avec l'adoption du nouveau régime d'assurance maladie
par la loi n°2004-71 du 2 Août 2004, la commission des affaires
sociales a soulevé le problème de l'absence d'indication dans la
liste des bénéficiaires prévu par l'article 4 des
travailleurs licenciés pour causes économiques ou technologiques.
La réponse du ministère des affaires sociales s'est basée
sur le fait que la protection de ces travailleurs licenciés était
prévue par l'article 7 de la loi n°96-101 du 18 novembre 1996,
telle que modifiée par la loi n°2002-24 du 27 Février 2002,
qui présente un texte spécial dont les dispositions continuent
d'être appliquées même après l'adoption
1 Décret n° 2003-1656 du 4 Août
2003.
V. à ce propos, A. MOUELHI, Droit de la
sécurité sociale, Op. cit., p.410.
2 Y. SAINT-JOURS, « La sécurité
sociale et la prévention des risques sociaux », Dr. Soc. n°
6,1994, p.594.
3 A l'image du Droit français, le
bénéficié pour cause économique ou technologique
devrait avoir une priorité de réembauchage pendant la
durée d'une année. (v. à ce propos, La loi de
modernisation sociale, D. 31 janvier 2002 n° 5/7058, p. 415.
4 Cette justification peut être faite par
l'inscription auprès du bureau d'emploi le plus proche.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 119
1 Travaux préparatoires de la loi
n°2004-71, discussion et adoption par la chambre des députés
dans sa séance du 28 juillet 2004.
de la loi instituant le nouveau régime d'assurance
maladie, qui présente le texte général, auquel peut
déroger la loi de 1996 en tant que texte spécial1.
A côté des chômeurs et des travailleurs
licenciés pour des causes économiques ou technologiques sont
dépourvus du droit à la santé, l'observation des
régimes particuliers à certaines catégories
socioprofessionnelles dévoile, du fait de la sous-affiliation
constatée, un grand nombre de citoyens ne bénéficiant pas
des prestations de soins par les assurances sociales.
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