Paragraphe 2 : LA CONSECRATION DU DROIT A LA SANTE PAR
L'ASSURANCE SOCIALE DANS LES INSTRUMENTS DES INSTITUTIONS SPECIALISEES DE L'ONU
ET DANS LES CONVENTIONS REGIONALES DES DROITS DE L'HOMME
Si dans les textes à valeur universelle on ne peut
trouver qu'une consécration du droit à la santé dans sa
généralité, dans les autres instruments internationaux on
peut trouver des Conventions ou des déclarations ou des
résolutions consacrant soit explicitement soit implicitement un droit
à la santé par l'assurance sociale.2
Parmi ces textes on trouve ceux des organisations
régionales (B), et ceux des organisations
spécialisées de l'O.N.U.3
(A).
A. Les instruments des organisations
spécialisées de l'O.N.U. Il s'agit des instruments de l'O.I.T.
(1) et ceux de l'O.M.S. (2).
1 Art. 18.
2 Cf. R. BONNET, Droit international de
la sécurité sociale, Litec, 1983. Cf. N. VALTICOS,
Droit international du travail, Dalloz, 1970.
3 V. à ce propos : R. Ben Achour,
Institutions Internationales, C.R.E.A. 1995, et pour le même
auteur Institutions de la société internationale, p.
209. C.P.U, 2004.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 22
1. Les Conventions de l'Organisation Internationale de
Travail1
S'intéressant à différentes
catégories de travailleurs, ces Conventions touchent au droit à
la santé à travers l'assurance sociale. Il s'agit, notamment, des
Conventions n° 24 et 25 de 1927 relatives respectivement à
l'assurance maladie en industrie et en agriculture, et la Convention n°
103 de 1952 modifiant la Convention n° 3 de 1919 sur la protection de la
maternité.
Ces Conventions assurent un droit à la santé
à des catégories de citoyens et de travailleurs. Il s'agit des
enfants2, des femmes3, des dockers4, des gens
de mers5, des adolescents6, des
pêcheurs7, des travailleurs agricoles8, des
travailleurs des mines9 et des travailleurs dans
l'industrie10.
A cela s'ajoutent des Conventions de portée
générale notamment la Convention n° 102 de 19542 concernant
la norme minimale de sécurité sociale et la Convention n°
130 de 1969 concernant les soins médicaux et les indemnités de
maladie.1
La Convention n° 102 de 1952 concernant la norme minimale
de la sécurité sociale adoptée le 28 juin 1952 dispose
dans son article 1er que « tout membre... doit garantir
l'attribution de prestations aux personnes protégées lorsque leur
état nécessite des soins médicaux de caractère
préventif ou curatif ... » et par application de l'article 9,
« les personnes protégées doivent comprendre :
a) soit des catégories prescrites de
salariés formant au total 50% au moins de l'ensemble des
salariés, ainsi que les épouses et les enfants des
salariés de ces catégories,
b) soit des catégories prescrites de la population
active, formant au total 20% au moins de l'ensemble des résidents, ainsi
que les épouses et les enfants des membres de ces
catégories,
1 Cf. M. ENNACEUR, Droits de l'homme et
Droit international du travail : l'apport de l'O.I.T. aux développement
des Droits de l'homme, R.T.D.S. n° 7,1995, Semaine internationale sur le
droit social et les droits de l'homme , organisée par l'A.T.D.S., le
27-28 Mai 1993 à Tunis, p. 13 à 51.
2 La Convention n° 90 de 1948.
3 La Convention n° 89 de 1948 et la Convention
n° 4 de 1919.
4 La Convention n° 28 de 1929 et la Convention
n° 32 de 1932.
5 La Convention n° 55 et 56 de 1936 et les
Conventions n° 164 et 165 de 1987.
6 La Convention n° 124 de 1965 et les Conventions
n° 77, 78 et 79 de 1946.
7 La Convention n° 113 de 1959.
8 La Convention n° 12 de 1921 et la Convention
n° 25 de 1927.
9 La Convention n° 176 de 1993.
10 La Convention n° 174 de 1995.
c)
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 23
2 Sur le rôle de l'O.I.T. dans la
législation de sécurité sociale V.
- P. LAROQUE, « L'organisation internationale du travail et
la sécurité sociale », in, RISS n° 4 , 1969,
p. 538 et s.
soit des catégories prescrites de résidents,
formant au total 50% au moins de l'ensemble des résidents,
d) soit lorsqu'une déclaration a été
faite en application de l'article 3 des catégories prescrites de
salariés formant au total 50% au moins de l'ensemble des salariés
travaillant dans des entreprises industrielles qui emploient 20 personnes au
moins, ainsi que les épouses et les enfants des salariés de ces
catégories »2. C'est ce qui permet d'accorder des
prestations différentes à l'affilié à un
régime de sécurité sociale et ses ayants droits dans des
éventualités diverses dont notamment le cas d'un accident de
travail ou d'une maladie professionnelle le cas de grossesse, d'accouchement et
leurs suites.
Ces risques sociaux sont couverts pour l'assuré social
et pour son épouse ainsi que ses enfants, ce qui permet d'étendre
le droit à la santé par l'assurance sociale à une tranche
encore plus importante de la population.
Dans le même sens la Convention concernant les objectifs
et les normes de base de la politique sociale adoptée le 22 juin 1962
considère qu' « en fixant le niveau de vie minimum, il faudra
tenir compte des besoins familiaux essentiels des travailleurs y compris ...
les soins médicaux ».
Ces soins aux termes de l'article 14 (4) de la même
convention peuvent, si « l'autorité compétente jugera
nécessaire ou opportun », favoriser les travailleuses en vue
de sauvegarder la maternité et d'assurer leur santé, leur
sécurité et leur bien être, ce qui renvoie par la suite
à poser la question relative à l'égalité de
traitement en matière de santé entre homme et femme,
résident et non résident.
D'une part, consacrant l'égalité de traitement
entre nationaux et non nationaux, la Convention n° 19 dans son article
1er oblige les Etats membre ratifiant la Convention à «
accorder à tous les victimes des accidents du travail sur son
territoire ou à leurs ayants droit, le même traitement qu'ils
assurent à leurs propres ressortissants en matière de
réparation des accidents du travail ». De même, la
Convention n° 102 prévoit explicitement dans son article 68 (1) que
« les résidents
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1
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 24
qui ne sont pas des nationaux doivent avoir les
mêmes droits que les résidents qui sont des nationaux
».
D'autre part, la Convention n° 118 dans son article 3
prévoit que « tout membre pour lequel la présente
Convention est en vigueur doit accorder sur son territoire aux ressortissants
de tout autre membre pour lequel ladite Convention est également en
vigueur l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants
au regard de sa législation ».
La Convention n° 121 dans son article 27 dispose : «
tout membre doit assurer, sur son territoire aux non nationaux
l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants en ce qui
concerne les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies
». Dans le même sens, l'article 32 de la Convention n° 130
reprend presque les mêmes mots et fait peser la même obligation de
traitement égalitaire entre nationaux et non nationaux.
D'autre part, consacrant l'égalité de traitement
entre homme et femme et hors la protection de la maternité qui est par
nature une protection spécifique pour les femmes, les autres Conventions
consacrant le droit à la santé ne font aucune distinction entre
homme et femme.
Ainsi, la Convention n° 17 relative aux accidents du
travail1 et la Convention n° 18 relative aux maladies
professionnelles1 s'appliquent aux victimes d'accidents du travail
et aux victimes des maladies professionnelles sans distinction à base de
sexe.
La Convention n° 24 relative à l'assurance maladie
consacre aussi « l'égalité des assurés des deux
sexes dans leur soumission à un régime d'assurance maladie commun
».
La recommandation n° 90 adaptée par la
conférence générale le 6 juin 1951 dans sa
35ème session concernant l'égalité de
rémunération entre la main d'oeuvre masculine et la main d'oeuvre
féminine pour un travail de valeur égale prévoit :
- G. PERRIN, « Le rôle de l'organisation
internationale du travail dans l'harmonisation des conceptions et des
législations de sécurité sociale », Dr. Soc., n°
9,1970.
1 La Convention n° 17 concernant la
réparation des accidents du travail adopté le 6/10/1925 et
révisée en 1964 par la Convention n° 121.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 25
« 6) En vue de faciliter l'application du principe de
l'égalité de rémunération entre la main d'oeuvre
masculine et la main d'oeuvre féminine... des mesures appropriées
devraient être prises...
c- En prévoyant des services sociaux et de bien
être qui répondent aux besoins des travailleurs notamment de
celles qui ont des charges familiales et en finançant des services, soit
par des fonds publics en général, soit par des fonds de
sécurité sociale ... dans l'intérêt des travailleurs
sans considération des sexes ».
D'autant plus, on trouve des Conventions protégeant des
catégories professionnelles bien déterminées on trouve des
Conventions spécifiant des catégories de travailleurs selon
l'activité qu'ils exercent.
Ainsi, la Convention n° 12 concernant la
réparation des accidents de travail dans l'agriculture adoptée le
12/11/1921 et révisée par la Convention n° 121 de 1964
s'étend à tous les salariés agricoles.
En plus, les Conventions n° 24 et 25 relatives
respectivement à l'assurance maladie en industrie et en agricole
instituent chacune une assurance maladie obligatoire, s'appliquant «
aux ouvriers, employés et apprentis des entreprises industrielles et
des entreprises commerciales, aux travailleurs à domicile et aux gens de
maison »2 et « aux ouvriers, employés et
apprentis des entreprises agricoles »3.
Les adolescents sont protégés dans les
Conventions n° 774 et 785 de 1946 qui, exigent un
examen médical d'aptitude à l'emploi et un contrôle
médical poursuivi jusqu'à l'âge de 18 ans pour les enfants
et les adolescents. Cet âge est élevé à 21 ans au
moins pour « les travaux qui présentent des risques
élevés pour la santé »6.
Les gens de mer sont protégés par les
Conventions n° 55 et 56 , la première concerne les obligations de
l'armateur en cas de maladie, d'accident ou de décès des gens de
mer adoptée le 24/10/1936 et qui pèse sur l'armateur l'obligation
de couvrir
1 La Convention n° 18 concernant l'assurance
maladie des travailleurs de l'industrie et du commerce des gens de maison,
adopté le 15/6/1927 et révisé en 1969 par la Convention
n° 130 concernant les soins médicaux et les indemnités de
maladie.
2 Art. 2ème de la Convention n°
24.
3 Art. 2ème de la Convention n°
25.
4 La Convention n° 77 concernant l'examen
médical d'aptitude à l'emploi dans l'industrie des enfants et des
adolescents adoptée le 9/10/1946.
5 La Convention n° 78 concernant l'examen
médical d'aptitude à l'emploi aux travaux non industriels des
enfants et des adolescents adoptée le 9/10/1946.
6 Art. 4 des deux Conventions n° 77 et 78 de
1946.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 26
les risques de maladie ou d'accident1, et la
deuxième concernant l'assurance maladie des gens de mer adoptée
le même jour assujettit « toute personne employée
à bord d'un navire autre qu'un navire de guerre, immatriculé dans
un territoire pour lequel la présente Convention est en vigueur et qui
pratique la navigation maritime ou la pêche »2
à un régime d'assurance maladie obligatoire.
Cette Convention a été révisé par
la Convention n° 165 concernant la sécurité sociale des gens
de mer adoptée le 9/10/1987, elle insiste sur le droit des gens de mer
à une protection de leur droit à la santé ainsi que pour
leurs ayants droit par l'une des branches de sécurité sociale
dont notamment les soins médicaux, les indemnités de maladie
professionnelles, les prestations de maternité ...
Les dockers, vu l'importance de leur rôle dans
l'économie internationale, se trouvent protégés contre les
différents risques possibles par la Convention n° 28 de 1929 sur la
protection des dockers contre les accidents et la Convention n° 32
adoptée le 27/04/1932 sur la protection des dockers contre les
accidents3 révisée par la Convention n° 152 sur
la sécurité et l'hygiène dans les manutentions
portuaires4.
Les travailleurs des mines sont aussi protégés
par la Convention n° 176 sur la sécurité et la santé
dans les mines adoptée le 22/06/1995, elle vise leur protection dans les
lieux de travail par des mesures visant à « encourager la
coopération entre les employeurs et les travailleurs et les
représentants en vue de promouvoir la sécurité et la
santé dans les mines »5. Qu'il s'agisse d'une
protection générale qui s'étend à tous les
travailleurs ou d'une protection spécifique de certaines
catégories socioprofessionnelles, la protection de la santé des
travailleurs s'effectue au niveau des textes par la consécration d'un
droit à la santé par l'assurance sociale.
Ainsi, si un droit à la santé a
été consacré dans les instruments de l'O.I.T. pour les
travailleurs6 qu'en est-il de leur protection dans les travaux de
l'O.M.S. ?
1 Art. 6 Al. 1er.
2 Art. 2 Al. 1er (a).
3 Cette Convention n'est plus en vigueur.
4 V. aussi la recommandation n° 16 concernant la
sécurité et l'hygiène du travail dans les manutentions
portuaires par la conférence générale de l'O.I.T.
adoptée le 6 juin 1979.
5 Art. 15 de la Convention n° 176.
6 Cf. M. ENNACEUR : Art. préc.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
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