A. La Charte des nations unies
Signée à San Francisco le 26 juin 1945, la
Charte des Nations Unies (N.U.) vient pour protéger et promouvoir les
droits de l'homme dont notamment son droit à la santé qui s'est
érigé en droit fondamental de la personne humaine avec son
complément indissociable, le droit à la protection sociale.
La proclamation des droits fondamentaux de l'homme et le
progrès social des nations figure dans le préambule de la Charte
qui dispose à ce propos que « les peuples des nations unies
résolus .... A favoriser le progrès social ... et à ces
fins ... à recourir aux institutions internationales pour favoriser le
progrès économique et social de tous les peuples, avons
décidé d'associer nos effets pour réaliser ces desseins
...»2.
1 Art. 1er de la Charte des N.U.
2 Préambule de la Charte des N.U.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 17
L'importance requise par le droit à la santé
dans la Charte des N.U. trouve son essor non seulement dans le
préambule, mais aussi dans le premier article relatif aux buts des N.U.
et surtout dans les articles de 55 à 72 occupant ainsi le plein coeur de
la Charte, dans le chapitre IX intitulé coopération
économique et sociale internationale.
Une action sanitaire menée par les Etats souverains ou
guidée par l'ONU ou ses organisations spécialisées telles
que l'organisation mondiale de santé (O.M.S.) et l'organisation
internationale du travail (O.I.T.), ou par des organisations non
gouvernementales (médecins sans frontières), ou encore par des
organisations régionales trouve son fondement dans l'article
1er de la Charte qui vise, dans l'alinéa
3ème, la réalisation « de la
coopération internationale en résolvant les problèmes
internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire
».
Les droits sociaux sont protégés et
respectés pour « tous sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion »1, ce qui va faire peser sur les
Etats la charge d'assurer un droit égal à la santé pour
tous les citoyens. Ainsi, tout traitement discriminatoire en matière de
santé ou d'une façon générale dans le domaine
social se contredit avec l'article 1er2 de la Charte.
Le développement du système de protection
sanitaire tunisien lors de l'indépendance devrait être
instauré en parfaite harmonie avec les principes des nations unies tels
que prévus par la Charte.
La Charte des N.U. dans ses articles de 55 à 72 vise
« la solution des problèmes internationaux dans les domaines
économique, social, de la santé publique et autres
problèmes connexes » dans le « respect universel et
effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous
».
Pour atteindre ces buts, la Charte prévoit la
possibilité de créer des institutions spécialisées
par des accords intergouvernementaux dans différents domaines sociaux
dont notamment le domaine de la santé publique.
1 Art. 1er, Al. 3ème de
la Charte des N.U.
2 A ce propos, H. GRIBAA, considère que le
droit à la santé « concerne toutes les catégories
de citoyens y compris
les prisonniers et les détenus sans distinction de
race, de religion ou de sexe ». Op. cit., p. 24.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 18
B. La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
La D.U.D.H du 10 décembre 1948 a l'avantage de
consacrer à la fois un droit à la santé et un droit
à la sécurité sociale dans sa dimension
universelle1.
Le droit à la santé et le droit à la
sécurité sociale figurent dans la D.U.D.H. comme droits
fondamentaux de l'être humain qui doivent être respectés
pour « favoriser le progrès social et instaurer de meilleures
conditions de vie dans une liberté plus grande
»2.
Ces droits sont reconnus comme droits inhérents
à la personne humaine sans aucune distinction et en vue d'assurer une
protection égale, aux lettres de l'article 22, « pour toute
personne en tant que membre de la société
»3.
Cette protection de l'être humain vise la «
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels
indispensables à sa dignité et au libre développement de
sa personnalité, grâce à l'effort national et à la
coopération internationale compte tenu de l'organisation et des
ressources de chaque pays »4.
Dans le même texte et dans son article 25, on trouve une
consécration indirecte de l'assurance sociale puisque « toute
personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa
santé, son bien être et ceux de sa famille, notamment pour ... les
soins médicaux... elle a droit à la sécurité en cas
de ... maladie ... »5. C'est une consécration
indirecte de l'assurance sociale puisque cette dernière, comme technique
de la sécurité sociale, vise la couverture de l'assuré
social et ses ayants droit contre les risques de maladie, de maternité,
d'accident de travail... qui sont tous des risques liés à la
santé.
Ainsi, l'assurance sociale peut présenter un moyen
efficace pour satisfaire à l'homme un « droit à un
niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et
ceux de sa famille ». Toutefois, même si ce droit peut
être atteint par d'autres
1 J-J. DUPEYROUX, Le droit de la sécurité sociale,
Dalloz 1993, p. 54.
2 Préambule de la D.U.D.H.
3 Art. 22 D.U.D.H.
.43-52 .Õ 5005
ÑÈãÓíÏ .Ê.Þ.ã
íÚÇãÊÌáÇÇ
äÇãÖáÇ í
ÞÍáÇíæÏÈáÇ
íØá 4
5 Dans sa version complète Art. 25 de la
D.U.D.H dispose : «1) Toute personne a droit à un niveau de vie
suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa
famille notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires : elle a
droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie,
d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte
de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de
sa volonté .
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 19
moyens comme l'assistance médicale aux familles
nécessiteuses ou les mutuelles et les assurances commerciales,
l'assurance sociale se présente comme le mécanisme de base
permettant la couverture de la majorité de la population.
Certes, « la maternité et l'enfance ont droit
à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants
qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage jouissent de la
même protection sociale ».
Ce rôle complémentaire des aides et des
assistances spéciales ne fait pas preuve seulement de l'insuffisance des
assurances sociales, mais prouve aussi l'égalité dans les droits
et les libertés que garantit l'article 29 de la déclaration qui
prévoit que « ces droits et libertés ne pourront en
aucun cas s'exercer contrairement aux buts et aux principes des nations
unies »1. Ces buts et ces principes sont prévus par
le chapitre I qui prévoit : « la résolution des
problèmes internationaux d'ordre économique, social intellectuel
ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits
de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de
race, de sexe, de langue ou de religion »2.
C. Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels
Adopté par l'assemblée générale
des N.U. le 16 décembre 1966 et entrant en vigueur en 19763,
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels est conclu conformément à la D.U.D.H et la Charte des
nations unies comme le prévoit son préambule.
Le progrès et le développement social est un
objectif sacré puisque l'idéal de l'être humain libre ne
peut être réalisé que par la création « des
conditions permettant à chacun de jouir de ses droits
économiques, sociaux et culturels... »4.
D'ailleurs, la Charte des N.U. impose aux Etats l'obligation de «
promouvoir le respect universel et effectif des droits et libertés
de l'homme »5.
2) La maternité et l'enfance ont droit à une
aide et une assistance spéciales tous les enfants, qu'ils soient
nés dans le mariage ou hors mariage jouissent de la même
protection sociale ».
1 Art. 29 Al 3 D.U.D.H.
2 Chapitre I Charte des N.U.: «Buts et
principes», Art. 1er, Al. 3ème.
3 Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturel conclu à New York, et
entré en vigueur le 3 janvier 1976 suite à 137 ratifications.
A ce propos, la ratification tunisienne du pacte a
été sans réserve, ni déclaration, ni objections.
4 Préambule, Al. 3.
5 Préambule, Al. 4.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 20
Le développement et le progrès social, buts
recherchés dans le Pacte, on le trouve dans divers articles et dans
différentes formulations dont notamment « tous les peuples ...
assurent librement leur développement économique, social et
culturel »1. « Les mesures que chacun des Etats
parties ... prendra ... doivent inclure ... l'élaboration de ...
techniques propres à assurer un développement économique
social et culturel constant »2.
Ainsi, un droit à la santé par les assurances
sociales, qui est en réalité une pierre angulaire dans le
développement et le progrès social, est aussi consacré
dans l'article 9 qui dispose : « les Etats parties au présent
Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la
sécurité sociale y compris les assurances sociales ».
Dans le même sens ces Etats assurent ... la sécurité et
l'hygiène du travail3, ceci peut être un but atteint
par les assurances sociales et notamment par l'assurance accidents de travail
et maladie professionnelles.
Toutefois, si cet objectif peut être atteint par les
assurances sociales la couverture des risques liés à la
santé devrait être non discriminatoire puisque « les
Etats parties au ...Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir
du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit
capable d'atteindre »4 « sans discrimination
aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion,
l'opinion politique on toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation »5.
Le Pacte reconnaît aussi un droit égal entre
l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits sociaux et
reconnaît une protection spéciale « en faveur de tous les
enfants et adolescents »6 qui « doivent
être protégés contre l'exploitation économique et
sociale »7.
Le Pacte de 1966 relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels confère au conseil économique et social la
possibilité de « conclure des arrangements avec
1 Art. 1, §. 1.
2 Art. 6, §. 2.
3 Art. 7 (b).
4 Art. 12 (1).
5 Art. 2 (2).
6 Art. 10 (2).
7 Art. 10 (3).
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 21
les institutions spécialisées en vue de la
présentation par celles-ci de rapports relatifs aux progrès
accomplis quant à l'observation des dispositions du ... Pacte qui
entrent dans le cadre de leurs activités »1. Ce qui
permet à l'O.M.S. de présenter des rapports en matière du
respect du droit à la santé et, de même, à l'O.I.T.
la possibilité de présenter des rapports sur la
consécration du droit à la sécurité sociale.
Les instruments de ces deux institutions
spécialisées en vue d'assurer le meilleur état de
santé dans tous les Etats membres se heurtent aux différences de
moyens entre les Etats développés et les Etats moins
développés. C'est ce qui fait de l'action collective et de la
coopération entre les Etats avec l'aide et l'assistance des
organisations internationales et régionales un meilleur moyen pour
favoriser un droit à la santé.
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