Section 2 : L'EXCLUSION DE CERTAINES CATEGORIES
SOCIOPROFESSIONNELLES
L'extension de la couverture sociale en faveur des
catégories professionnelles à faible revenu ou en faveur des
catégories sociales sans revenu va leur permettre de
1 V. S. BLEL,Op. cit., p. 52 (tableau
indiquant le taux de cotisation par régime dans le secteur
privé)
2 Le décret n°96-341 du 6 mars 1996 a
fixé la liste des avantages exclus de l'assiette des cotisations, ainsi
que les taux et les plafonds d'excemption. (v. aussi le décret du 10mai
1999 et le décret du 19mai 2003).
3 Cf., A. MOUELHI, Droit de la
Sécurité sociale, Op. cit., p.142.
4 Sur les taux et assiette des cotisations, voir M-S.
KASMI, Droit du Travail Tunisien, Les éditions internationales,
1998, p. 226-248.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 108
jouir, sous conditions, de leur droit à la santé
par les assurances sociales1 (Paragraphe 1)
mais ne va pas permettre de satisfaire aux besoins des
catégories sociales vulnérables dépourvues de leur droit
à la santé (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : UN DROIT A LA SANTE SOUMIS A DES CONDITIONS
POUR CERTAINES CATEGORIES
Pour être couvert socialement et
bénéficier des prestations de soins en cas de besoin, les ayants
droit de l'assuré social (A) doivent
répondre à certaines exigences à savoir la condition
d'âge pour les enfants à charge. D'autres catégories
socioprofessionnelles, elles aussi, et avec l'extension de la couverture
sociale à leur profit doivent remplir les conditions nécessaires
pour jouir d'un droit à la santé du fait de leur appartenance
à un régime particulier de sécurité sociale
(B).
A. Les ayants droit de l'assuré social
Il s'agit du conjoint (1), des
descendants (2) et des ascendants
(3). 1. Le conjoint
Aux termes de l'article 4 de la loi n° 2004-71, portant
institution d'un régime d'assurance maladie, « le conjoint, non
divorcé et ne bénéficiant pas au titre de son
activité d'une couverture légale obligatoire contre la maladie
», bénéficie d'une assurance maladie en tant qu'ayant
droit de l'assuré social.
En vertu de ce régime pour avoir accès aux
prestations de soins nécessitées par son état de
santé, en tant qu'ayant droit d'un assuré social, la femme doit
remplir deux conditions :
? Ne pas avoir la qualité d'assurée sociale au
titre de son activité et par la suite l'absence de couverture contre le
risque maladie par un autre régime.
? Etre en lien conjugal avec l'assuré social par un acte
de mariage légalement conclu au sens des articles 3 et 4 du code du
statut personnel2.
1 Cf., M. CHERIF et K. ESSOUSSI, «
L'extension de la sécurité sociale aux populations non couvertes,
Série Africaine, n° 26, 2004, p. 103-120.
2 Art. 3 Al. 1er prévoit que :
« Le mariage n'est formé que par le consentement des deux
époux ».
- Art. 4ème Al. 1er prévoit
que : « La preuve du mariage ne peut être rapportée que
par un acte authentique dans des conditions fixées par une loi
ultérieure ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 109
Cette deuxième condition va exclure du champ de
protection la concubine de l'assuré social, qui, par contre, en Droit
français est assimilée au conjoint par la loi du 2 janvier 1987
à condition qu'elle vive maritalement avec lui et qu'elle se trouve
à sa charge effective, totale et permanente1.
Le nouveau régime d'assurance maladie en Tunisie eu
égard la femme divorcée a préservé la même
attitude qu'auparavant dans les différents régimes légaux
de sécurité sociale2 ; ces régimes n'admettent
un accès aux prestations de soins que pour le conjoint non
divorcé.
Ainsi, par le fait de son divorce, la femme, n'exerçant
pas une activité professionnelle et ayant perdu la qualité
d'ayant droit, ne peut pas bénéficier de l'octroi des prestations
de soins en cas de maladie.
2. Les descendants
Le nouveau régime d'assurance maladie profite aux
descendants de l'assuré social qui ont la qualité d'ayant
droit.
La protection du droit à la santé ne profite,
aux termes de l'article 4 de la loi n°2004-71, que pour : « les
descendants de l'assuré social à charge indiqués
ci-dessous :
? les enfants mineurs à condition de ne pas
bénéficier d'une couverture légale obligatoire contre la
maladie,
? la fille quelque soit son âge tant que son
obligation alimentaire n'incombe pas à son époux ou tant qu'elle
ne dispose pas de source de revenu,
? les enfants portant un handicap les rendant incapables
d'exercer une activité rémunérée et qui ne
bénéficient pas d'une couverture légale obligatoire contre
la maladie au titre de leur activité ».
Cet article, qui reprend presque la même liste des
ascendants bénéficiant de l'accès gratuit aux
consultations externes en tant qu'ayants droit de l'assuré social soumis
au régime général des salaires non agricoles, suscite les
remarques suivantes :
1 J.J DUPEYROUX, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p321.
2 - Art. 91 de la loi n° 60-30 du 14
décembre 1960, pour les salariés non agricoles. - Art. 41 de la
loi n°81-06 du 12 Février 1981, pour les salariés
agricoles.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 110
? La protection des enfants à charge se limite
uniquement aux enfants mineurs, ce qui peut poser la question de la couverture
des descendants majeurs qui ne bénéficient pas d'une couverture
légale obligatoire par un autre régime ; c'est à dire qui
n'exercent pas une activité professionnelle et ne sont pas des
étudiants.
? La protection de la fille quelque soit son âge, permet
de protéger une large couche de la population qui, vu le recul de
l'âge de mariage dans la société tunisienne et la situation
actuelle du marché de l'emploi, ne peut pas être couverte par un
régime légal de protection.
? La question peut se poser eu égard la fille qui lors
de son divorce revient de nouveau chez son père, auquel incombe son
obligation alimentaire sans bénéficier, toutefois, d'une
couverture par le régime d'assurance maladie.
Ainsi, il semble plus opportun d'assurer une protection du
droit à la santé pour les descendants de l'assuré social
en leur assurant une couverture par le régime d'assurance maladie
à condition qu'ils ne soient pas couverts par un régime
légal de protection d'une part, et à condition de cohabiter avec
l'assuré social auquel ils sont à charge d'autre part.
3. Les ascendants
Faisant preuve du caractère familial de la
sécurité sociale, le Droit tunisien de la sécurité
sociale permet de réserver des avantages aux ascendants de
l'assuré social dont notamment le bénéfice des soins de
santé.
Ainsi, l'article 4 de la loi de 2004 relative à
l'assurance maladie permet d'assurer les soins pour les ascendants à
charge de l'assuré social à condition qu'ils ne soient pas soumis
à titre principal à une couverture légale obligatoire
contre la maladie.
A ce propos, il est essentiel de rappeler que le même
alinéa est prévu par d'article 91 de la loi n° 60-30 qui
ajoute : « Est considéré à la charge du
travailleur, l'ascendant âgé de 60 ans au moins à la date
de la demande des prestations, auquel ledit travailleur assure d'une
façon effective et permanente le logement, la nourriture et
l'habillement.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 111
Toutefois, la condition d'âge n'est pas
exigée pour les veuves et les ascendants atteints d'une infirmité
les rendant incapables de subvenir à leurs besoins
»1.
En application du nouveau régime d'assurance maladie,
les prestations de soins sont assurées aux ascendants de l'assuré
social quels que soient leurs âges, la seule condition posée par
la nouvelle législation est l'absence d'une couverture légale
obligatoire contre la maladie pour ces personnes.
Ainsi, la loi de 2004 exprime avec force la volonté des
pouvoirs publics de parvenir à satisfaire convenablement les exigences
du droit à la santé en faisant recours à un principe de
base de la réforme qui est la solidarité entre les
générations.2
Sur un deuxième volet de protection, la
solidarité prend la forme d'une solidarité entre des
assurés appartenant à des régimes différents en
faveur de ceux appartenant à un régime particulier de
sécurité sociale.
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