1) Le régime des salariés agricoles
Institué et organisé par la loi n° 81-6 du
12 février 1981, le régime des salariés agricole est
institué « au profit des travailleurs salariés et des
coopératives de l'agriculture » et il « assure des
prestations en matière d'assurances sociales : maladie, maternité
... »1
En vertu de l'article 2ème de ladite loi
« bénéficient du régime prévu par la
présente loi, les travailleurs salariés et les
coopérateurs exerçant les activités
considérées comme agricoles au sens de l'article 3 du code du
travail.2
A l'exception de ceux qui seraient employés par des
entreprises affiliées à un régime légal, couvrant
les mêmes risques, l'affiliation à l'un ou à l'autre
régime doit couvrir l'ensemble du personnel ».
Pour bénéficier de l'application de ce
régime, le travailleur dans le secteur agricole doit être en
situation de subordination vis à vis de son exploitant. Cette
subordination, comme c'est le cas dans le régime général,
est justifiée par un contrat de travail en vertu duquel le
salarié agricole exerce son activité.
Toutefois, l'exercice de l'activité agricole en Tunisie
depuis longtemps a été et reste encore essentiellement de
caractère familial, ce qui pose le problème de la couverture
sociale pour ces travailleurs familiaux qui ne remplissent pas les conditions
de qualification de salarié agricole notamment le contrat de travail et
la rémunération. « C'est vraisemblablement le fait
d'appartenir au groupe familial et la
1 Art. 1er de la loi n° 81-6 du 12
février 1981.
2 Art. 3 du code du travail dispose dans son
alinéa 1er que : « Sont considérés
comme agricoles, les entreprises publiques ou privées, les
coopérations et les associations se livrant notamment aux
activités suivantes : céréaliculture, culture du lin, du
coton, du tabac, du riz, des pommes de terre, de la bettera, des plantes
médicales et aromatiques, des léguminérises, horticulture
marichére et florale, agrumiculture, oléiculture, arboriculture
fruitiére, phoeniculture, sylviculture, production ou semences et de
plants, production de fourrages, élevage, production du lait,
cuniculture, aviculture, apiculture ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 95
possibilité de succéder au chef de
l'exploitation qui privent les aides familiaux des qualités de
salarié et d'assuré social ».1
Il y a lieu de noter aussi que l'inconstance des revenus des
travailleurs agricoles et l'absence de leur organisation dans le cadre de la
sécurité sociale avant la loi n° 81-6 du 12 février
1981 expliquent les difficultés d'extension de la sécurité
sociale dans le secteur agricole en Tunisie. Ainsi du fait que le nouveau
régime est institué dans le cadre d'une politique de protection
sociale destinée au secteur agricole et dans le but d'embrasser les
couches les plus vulnérables de ce secteur, il paraît que la
vulnérabilité des personnes occupées dans l'agriculture et
l'absence de cultures et de traditions de couverture pour ces
catégories, dont le niveau culturel n'est pas très
élevé, expliquent qu'il est difficile d'obtenir une
démarche volontaire d'adhésion des personnes exerçant leur
activité dans le secteur agricole2.
D'autant plus, la dispersion des petites exploitations et
d'activité saisonnière pour des périodes de travail de
courte durée, rendent difficile leur localisation.
D'où la difficulté de contrôler le respect
des obligations des exploitants agricoles quant à la déclaration
de leurs salariés et par la suite la sous affiliation dans le
régime des salariés agricoles.
Pour toutes ces raisons, M. Kamel ESSOUSSI,
en invoquant le taux de couverture dans le régime des salariés
agricoles (23.37 %)1, voit que la sous évaluation
apparaît flagrante et ne permet pas d'assurer une protection consistante
et étendue pour cette catégorie de travailleurs.
Devant ces difficultés, le législateur tunisien,
conscient des insuffisances de la loi n° 81-6 vient d'adopter en date du 2
septembre 1989 la loi n° 89-73 pour remédier à
l'ambiguïté qui caractérise la définition du champ
d'application du régime des salariés agricoles en instituant un "
régime agricole amélioré " qui s'applique aux termes de
l'article 86 de ladite loi aux :
« - Coopérateurs salariés
employés par les entreprises agricoles ayant la forme de
société, les sociétés de mise en valeur, les
coopératives agricoles ainsi que
1 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.102.
2 K. ESSOUSSI, « L'extension de la couverture
sociale aux populations économiquement vulnérables vers un
nouveau système », R.T.D.S., n° spécial
sécurité sociale, n° 10,2004, p.143.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 96
1 K.. ESSOUSSI, Ibid., p142.
2 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.105.
toutes les personnes morales agricoles non assujetties
à un régime de sécurité sociale couvrant les
même risques ;
- tous les salariés des autres exploitants
agricoles employant 30 salariés permanents au moins ;
- pêcheurs employés sur des bateaux dont la
jauge brute est inférieure à 30 tonneaux, pêcheurs
indépendants et petits armateurs tels que définis par le code du
pêcheur promulgué par la loi n° 75-17 du 31 mars 1975.
»
Par cette nouvelle législation, la
sécurité sociale dans le secteur agricole devient beaucoup plus
diversifiée, « ce qui pourra faciliter les efforts
déployés en vue de sa généralisation
»2. Toutefois, l'exercice de l'activité agricole
par des non salariés qui ne peuvent pas bénéficier de la
protection par le régime des salariés agricoles va
nécessiter l'institution d'un régime pour les travailleurs non
salariés des secteurs agricoles et non agricoles.
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