Asile et réfugiés en droit international( Télécharger le fichier original )par Cherif Ly DIA Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Mémoire de maitrise en droit public 2012 |
Paragraphe 2 : Le réfugié, au coeur du droit d'asile contemporainLe réfugié est aujourd'hui au centre même du droit international d'asile. Il convient sans doute de rappeler que le droit d'asile n'a pas toujours correspondu à un droit du réfugié.13(*) Aujourd'hui, la place qu'occupe le réfugié tient surtout de la définition internationale donnée à la notion de réfugié contenue dans la convention de Genève de 1951 et reprise ensuite par divers autres instruments (A) ; mais aussi, cette définition conduira à la consécration et au perfectionnement d'un véritable statut juridique pour le réfugié (B). A - La définition internationale de la notion de réfugié A travers l'Histoire, le droit d'asile a existé depuis des siècles, consacrant ainsi une certaine notion de réfugié qui a traversé les âges. En effet, de tous temps et dans toutes les régions du monde, il ya toujours eu des individus victimes de persécutions diverses et qui cherchaient asile vers des terres plus clémentes. On parlait souvent d'asile religieux (notamment chrétien). Toutefois, il n y eut jamais de normes universelles ou de réglementation de cette notion, même si le terme de réfugié a été utilisé pour la première fois en 1685 (date de la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV mettant le protestantisme hors la loi) pour désigner les protestants huguenots fuyant la France catholique.14(*) Il aura fallu attendre jusqu'au XXe siècle pour assister à un début d'élaboration de normes relatives à la définition et à la protection de ces personnes, normes guidées par la nécessité d'un sursaut humanitaire dans le monde, surtout après des événements tels les deux guerres mondiales.15(*) C'est tout le sens de la Convention de Genève de 195116(*) analysée plus haut qui apportera pour la première fois une définition internationale et juridique de la notion de réfugié. Toutefois, il faudrait d'ores et déjà préciser que cette définition internationale est à différencier des définitions communes de la notion de réfugié. En effet, le dictionnaire Le Robert définit le réfugié comme « une personne qui a du fuir le lieu, le pays qu'elle habitait afin d'échapper un danger ». Par ailleurs, pour le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, le réfugié est « une personne ayant quitté son pays d'origine pour des raisons politiques, religieuses ou raciales et ne bénéficiant pas, dans le pays où elle réside, du même statut que les populations autochtones, dont elle n'a pas acquis la nationalité. » Toutefois, la définition internationale en vigueur est celle apportée par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951. La Convention relative au statut des réfugiés du 22 Avril 1954, dans son article 1. A2, définit le réfugié comme toute personne « qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951, et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. » Cette définition internationale du réfugié sera le point d'orgue d'une définition progressive d'un statut du réfugié. Toutefois, il conviendra auparavant de tenter d'expliciter le sens de cette définition. En effet, la Convention de Genève définit non pas le droit international d'asile, mais plutôt le réfugié. Comme nous l'avons souligné dans nos développements antérieurs, la Convention de Genève est passé d'un texte européo-centré (qui limitait ses effets juridiques au sol européen) à une vocation plus universaliste, avec le Protocole de 1967 qui participera à étendre les effets de la Convention de Genève. D'ailleurs, il convient sans doute de préciser que la notion de réfugié sur le plan juridique c'est-à-dire au sens de la Convention, est aujourd'hui à distinguer notamment de notions comme celles d'immigré, d'exilé, d'apatride, de déplacés internes ou même de demandeur d'asile. En effet, la notion d'exilé, comme souligné plus haut dans nos développements, évoque davantage la dimension anthropologique de la vie sociale au loin, du sentiment de dépaysement alors que le réfugié a un statut juridique qui est strictement réglementé. D'autre part, l'immigrant est une personne qui a choisi de s'établir dans un autre pays (l'immigrant reçu désigne le résident permanent) tandis que l'apatride, régi par la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction de l'apatridie, qui se définit comme une personne qu'aucun Etat ne considère comme ressortissant par application de sa législation (il peut être réfugié ou pas)17(*). Par ailleurs, il ya la notion de déplacés internes, qui ont fui leur foyer mais n'ont pas cherché refuge dans un autre pays, et n'ayant ainsi pas franchi de frontière internationale, ne sont pas couvertes par la Convention de Genève. Ainsi, nous pouvons dire que dans cette définition internationale du réfugié, il ya divers éléments d'identification du réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951. Il en est ainsi de la persécution. En effet, le réfugié au sens de la convention doit avant tout se caractériser par une crainte (fondée) de persécutions. Toutefois, il faut noter que le terme « persécutions » qui est pourtant central dans la définition du réfugié, n'est lui-même pas défini dans la Convention de 1951. Néanmoins, celles-ci peuvent être, selon la Convention, du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. La persécution est donc définie par rapport à ces cinq motifs énoncés. Ainsi, la possibilité de subir ces persécutions doit bien être réelle et évaluable pour pouvoir prétendre acquérir le statut de réfugié. La persécution aux termes de la Convention est ainsi un ensemble complexe de raisons, d'intérêts et de mesures. D'autre part, il ya aussi l'élément territorial. En effet, le réfugié doit avoir quitté les frontières du pays dont il détient la nationalité. Cet élément est important dans la mesure où il est capital dans la distinction entre réfugié et notions voisines telles les déplacés internes (qui n'ont pas quitté leurs frontières). Enfin, il ya la question de la protection censée être apportée à tout individu par l'Etat, mais qui, pour les réfugiés, n'est pas effective au point où ces derniers « ne veulent ou [...] ne peuvent se réclamer de cette protection ». Par ailleurs, nous devons noter que, dans l'optique d'intégrer cette définition ainsi que le statut juridique du réfugié dans les champs normatifs communautaires respectifs, divers instruments, régionaux pour la plupart, ont repris la Convention de Genève, pour même y apporter souvent quelques compléments. C'est ainsi que la Convention de L'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, du 10 Septembre 1969 reprend dans son article 1e, alinéa 1, la définition de la Convention de Genève de 1951 (Article 1 A.2) mais aussi ajoute dan un 2e alinéa que « le terme réfugié s'applique également à toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité ». Ensuite, en 1984, un colloque de représentants des gouvernements d'Amérique latine et d'éminents juristes a adopté la Déclaration de Carthagène, qui élargira à son tour le champ de la définition du réfugié contenue dans la Convention de 1951 aux personnes qui fuient leur pays « parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par une violence généralisée, une agression étrangère, des conflits internes, une violation massive des droits de l'homme ou d'autres circonstances ayant perturbé gravement l'ordre public. » Aussi, le droit international admet souvent que des réserves soient prises à l'égard d'un traité dans son application. Les réserves sont des déclarations unilatérales d'un Etat tendant à exclure ou limiter les effets juridiques d'un traité multilatéral dans son application à leur égard. Toutefois, en ce qui concerne la convention de 1951, bien que les réserves soient admises, l'intégrité de certains articles est absolument protégée (articles premier : définition ; article 3, non-discrimination ; article 4, religion ; article 33, principe du non-refoulement). En définitive, nous pouvons dire que la définition internationale de la notion de réfugié posée par la Convention de Genève de 1951, et reprise par divers autres instruments juridiques, va précipiter la consécration d'un véritable statut juridique du réfugié. B - La consécration d'un statut juridique du réfugié La définition internationale de la notion de réfugié analysée précédemment a sans doute été le déclencheur de la création d'un statut juridique du réfugié dont le processus a pourtant commencé depuis longtemps. Toutefois, il faut déjà rappeler que la notion de réfugié, ainsi que ce statut qui s'est forgé, ne se départissent jamais de la notion d'asile, qui les recouvre, et les définit même. C'est dans ce sillage que l'explication de l'avènement d'un statut juridique pour le réfugié invoque forcément l'asile. En effet, la consécration d'un statut juridique du réfugié est progressive. Elle s'est surtout amorcée de 1920 à 1951 avec la convention de Genève. Sur ce point, les travaux de Fridtjov Nansen sont incontournables. Nansen est un humanitariste suisse qui, au cours du XXe siècle, a contribué fortement à un développement du droit d'asile et d'un droit du réfugié. Il fonde dès 1920 le Comité Nansen pour secourir prisonniers et réfugiés de guerre. Il devint le premier « haut-commissaire pour les réfugiés » de la Société des Nations (SDN). Mais un pas important vers un statut juridique international sera sans doute franchi le 5 juillet 1922 avec la signature d'un accord international conclu à Genève créant le «Passeport Nansen» qui permet à des personnes déplacées de retrouver une identité. Plus tard, le passeport octroyé aux réfugiés recevra d'ailleurs la dénomination « Passeport N » en hommage à Fridtjov Nansen. Par ailleurs, parallèlement aux travaux de Nansen, il s'agissait durant cette période pour les Etats (notamment les démocraties occidentales) de résoudre les problèmes nés des déplacements forcés de population que les deux guerres mondiales et les régimes totalitaires avaient provoqués dans un élan humanitaire sans précédent. Toutefois, sans revenir sur la chronologie des événements ayant entrainé durant le XXe siècle des millions et des millions de déplacés (deux guerres mondiales, la Shoah etc.), il conviendra de noter que c'est la Convention de Genève qui va véritablement dresser le statut juridique du réfugié, tel que reconnu aujourd'hui. En effet, avant 1951, malgré le passeport Nansen ainsi que les diverses avancées notées avec quelques supports textuels (Article 13 et 14 DUDH de 1948), le réfugié constituait une notion sans fondement juridique précis, sans support textuel d'une grande envergure qui créerait des obligations surtout par rapport aux Etats. Un statut juridique suppose en effet pour une notion ou un domaine d'action une réglementation juridique précise mettant en exergue divers facteurs tels la prévoyance de droits et obligations, des règles de procédure applicables selon l'espèce, or cela n'est véritablement apparu pour la notion de réfugié qu'avec la Convention de Genève de 1951, avec notamment la définition internationale analysée dans nos développements précédents. L'apport essentiel de ce statut juridique sera la prévoyance de critères définis sur la base de divers instruments juridiques et qui permettront de déterminer qui aura la faculté d'acquérir le statut de réfugié, et qui ne l'a pas. On parle alors de détermination du statut de réfugié. Cette détermination est essentielle, et doit être strictement encadrée, car le statut de réfugié, une fois octroyé, produit des effets juridiques, et fait notamment bénéficier son titulaire de divers droits et attributs qui lui seront reconnus et seront protégés par les pays d'accueil. Ce statut juridique prévoit dans une large mesure la protection qui doit être accordée au réfugié, protection qui rappelons-le, lui faisait défaut dans son pays d'origine, car il ne pouvait s'en réclamer. On peut donc dire que ce statut juridique du réfugié consacré tournera essentiellement autour de ces axes, à savoir un encadrement des procédures de détermination, la production d'effets à l'égard des réfugié parmi lesquels des droits et avantages, et enfin la protection dévolue aux réfugiés de la part des Etats d'accueil principalement. Par ailleurs, ce statut juridique des réfugiés sera explicité puis complété par les divers instruments régionaux mais aussi le droit interne. En effet, il convient de noter que par delà la reprise de la définition internationale du réfugié, le statut juridique du réfugié est surtout appliqué et transcrit dans le droit interne. D'ailleurs, c'est dans le droit interne qu'apparaitra certains mécanismes exclusifs et spécifiques au régime juridique des pays d'accueil. Ainsi, au Sénégal par exemple, c'est la Loi 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés qui consacre le statut juridique, mais l'Article 9 précise que « des décrets fixeront les conditions d'application de la présente loi. » il s'agit aussi des services et organismes qui doivent prendre en charge la question des réfugiés, et qui sont différents d'un Etat à un autre. Ces organismes sont définis et réglementés par la législation nationale ou la réglementation. Il apparait donc que le droit interne est d'une importance extrême par rapport à ce statut juridique des réfugiés. Ainsi, une fois ce droit international progressivement défini, avec notamment la convention de Genève qui constituera le point d'orgue de ce droit international d'asile, un statut juridique du réfugié sera élaboré, statut qui mettra le réfugié au coeur du droit international d'asile. C'est ce statut qui entrainera l'institutionnalisation de ce droit du réfugié, qui tournera essentiellement autour de la détermination du statut juridique du réfugié. * 13 Cf. développements sur l'historique de l'asile dans l'Introduction du présent mémoire * 14 Courrier international, dossier des réfugiés No 450, Juin 1999, page 36 * 15 Cf. développements sur le contexte de migrations massives. * 16 Voir développements sur la Convention de Genève, base droit d'asile actuel (B) * 17 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, Mme Kate Jastram et Mme Marilyn Achiron, HCR, publié par l'Union Interparlementaire, Page 24 |
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