CONCLUSION
Asile et réfugiés sont des notions
inséparables, même si elles n'ont pas poursuivi les mêmes
genèses dans leurs développements. Rappelons que l'asile en droit
international permet d'accorder et de réglementer une certaine
protection à des individus faisant l'objet de persécutions ;
et que le réfugié est conventionnellement défini comme
toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée
du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques,
se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du
fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce
pays.
C'est donc le droit d'asile qui fonde et justifie les demandes
de reconnaissance au statut de réfugié. Ce droit d'asile s'est
d'ailleurs progressivement imposé et défini comme un droit pour
le réfugié d'être reconnu comme tel car cette
reconnaissance entraine des effets à son égard, effets parmi
lesquels le plus important sera sans doute la protection de la part de l'Etat
d'accueil. Tous ces éléments montrent que ces deux notions
partagent alors une certaine interconnexion que nous avons, par ailleurs
essayé de faire transparaître tout au long de notre analyse. Cette
interconnexion est surtout intéressante du point de vue juridique. C'est
pourquoi nous avons choisi d'axer notre analyse autour de la
réciprocité des rapports juridiques entretenus entre l'asile et
les réfugiés en droit international.
Ainsi, nous avons vu que l'élaboration et la
consécration progressives d'un droit international d'asile notamment
à partir de la seconde guerre Mondiale, a précipité
l'instauration d'un statut juridique pour le réfugié avec la
définition internationale du réfugié apportée par
la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.
Cette Convention occupera d'ailleurs une place centrale pour le
réfugié et sera le fondement du droit international d'asile.
L'ancrage progressif des règles encadrant l'asile du
réfugié sera à l'origine d'un véritable droit du
réfugié, avec surtout une détermination de son statut.
Cette détermination tient lieu de la procédure conduisant
à reconnaitre qu'un individu peut bénéficier du statut de
réfugié. On parle de reconnaissance officielle du
réfugié. Elle fait l'objet d'une certaine procédure de
détermination qui met en jeu des critères
d'éligibilité préalablement définis, mais aussi se
déroule suivant certains principes.
Ce statut du réfugié sera d'une importance
fondamentale car sa reconnaissance équivaudra à un certain nombre
d'attributs pour le réfugié. C'est pourquoi la
détermination du statut de réfugié est enfermée
dans une procédure rigoureusement réglementée. Ce statut
entraine par ailleurs des effets tels l'obligation pour les Etats de respecter
le principe du non-refoulement, mais aussi et surtout il constitue le fondement
de la protection qui doit être accordée aux
réfugiés, et qui est l'apanage de deux organes majeurs :
l'Etat et le HCR, qui sont omniprésents dans la vie du
réfugié. L'Etat a ainsi la responsabilité de
protéger le réfugié qu'il reconnait et accueille sur son
territoire, et qui fuyait des persécutions. Cette protection est
d'autant plus importante qu'il serait illogique que ce réfugié
rencontre une quelconque persécution dans l'Etat qui l'accueille, alors
qu'il est censé les fuir. Aussi, le HCR dispose d'un mandat allant dans
le sens de la protection mais aussi et surtout de l'assistance aux
réfugiés. Tous ces facteurs nous montrent à quel point le
droit d'asile peut être important, mais aussi, cela illustre bien le
caractère indispensable du statut de réfugié, surtout si
l'on voit le nombre de conflits sur la planète, et les millions de
personnes désemparées et persécutées dans leur
propre pays, et qui cherchent désespérément un territoire
plus clément pour les accueillir, les assister et les protéger.
Toutefois, même si un grand nombre d'Etats a aujourd'hui compris le grand
élan humanitaire qui accompagne l'asile et le statut de
réfugié, il n'en reste pas moins que droit d'asile et
réfugié sont confrontés à des problèmes
divers qui, à terme, les restreint et même les mine
dangereusement. En effet, nous avons vu que le droit d'asile est de plus en
plus controversé, surtout en Europe. A l'origine de ces controverses,
les politiques d'asile très restrictives et aussi l'externalisation de
l'asile occupent une bonne place. Ces restrictions diverses et variées
que nous avons analysées ont fini par remettre en cause non seulement
l'asile mais aussi le statut de réfugié qui font tous les deux
l'objet de divers infléchissements aujourd'hui.
C'est pourquoi dans l'ultime partie de notre analyse, nous
avons essayé de proposer des perspectives dans le but de redorer le
blason de l'asile et de l'image du réfugié qui en pâtit,
car le réfugié est de plus en plus assimilé aux migrants
illégaux et clandestins, alors que son statut juridique le
différencie de facto de ces types de migrants.
Ces perspectives méritent d'ailleurs un
élargissement car aujourd'hui, l'asile est tant restreint qu'accueillir
un réfugié tient de la rareté, or cela devrait constituer
un droit pour tout être humain faisant face à des
persécutions. Hélas, ce droit d'asile, qui tarde par ailleurs
à devenir un véritable « droit à
l'asile » est aujourd'hui bafoué, ignoré et même
menacé par les Etats qui, s'ils s'empressent de vanter la
nécessité de l'asile pour le réfugié, dans la
pratique, c'est autre chose.
Il est sans doute alors venu le temps de se poser des
questions sur l'avenir du droit d'asile et du statut du réfugié.
En effet, au rythme où se développent les politiques restrictives
(surtout en Europe) et avec la baisse importante et conjuguée des
demandes d'asile et par là des reconnaissances officielles de
réfugiés, l'asile n'a jamais été autant
négligé et restreint, en tout cas depuis la Convention de
Genève de 1951. Il importe alors de tenter une relance du droit d'asile,
aujourd'hui plus que jamais, avec les incessants conflits qui ne cessent de
persécuter les peuples innocents (l'exemple des bombardements sur les
populations par le régime de Bachar Al Assad en Syrie est poignante,
avec des centaines de milliers de syriens qui essaient de transiter vers des
pays proches comme la Turquie, alors que ceux-ci sont très
réticents à les accueillir). Et si l'on connait les liens
indissociables unissant le droit d'asile et les réfugiés au droit
humanitaire, on pourrait se demander si restreindre ou empêcher les
demandeurs d'asile fuyant des persécutions dans leur pays de mettre en
oeuvre leur droit de demander asile ne constitue-t-il pas un refus clair de
porter secours à ces populations qui, clairement, ne sont plus en
sécurité chez eux. Et de la part de la Communauté
internationale qui est censée rester solidaire et à
l'écoute des peuples, cela ne pourrait-t-il pas constituer une fuite en
avant à l'égard d'une grande préoccupation qui devrait
pourtant interpeller toute l'Humanité ?
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