CONCLUSION
La révision constitutionnelle est un mécanisme
envisagé par toute constitution d'un Etat en vue de l'adapter aux
aspirations sociales et politiques de l'Etat . Elle peut intervenir pour
corriger certaines dispositions désuètes et lacunaires dans la
constitution.
Ce mécanisme constitutionnel doit en principe tenir
compte de l'esprit du constitutionnalisme et de la démocratie qui veut
que dans la démarche de la réadaptation de la constitution, la
séparation des pouvoirs, les droits et libertés de l'homme ainsi
que l'alternance au pouvoir de l'Etat soient préservés.
Mais, les réformes constitutionnelles en Afrique et
plus singulièrement en RDC sont vraiment perçues comme une
technique d'établissement de la monopolisation du pouvoir qui est un
frein pour l'émergence du constitutionnalisme. Elles sont devenues comme
un instrument de pérennisation du système politique qui paralyse
l'accroissement de la démocratie et fragilise la constitution
elle-même. Dans ce sens qu'au lieu de réviser certaines
dispositions désuètes et difficilement applicables, les pouvoirs
institués peuvent dépasser les limites en vue de réaliser
leurs ambitions politiciennes.
Bien qu'il s'est avéré que la révision
constitutionnelle répond souvent à une volonté politique,
laquelle volonté ne doit pas être détournée ou
visée l'intérêt partisan ni politicien, mais qu'elle vise
plutôt l'intérêt supérieur de la nation qui dans
plupart de cas fait avancer le pays.
Les facteurs politiques de la révision
constitutionnelle ont pris le dessus sur les facteurs techniques dans la
modification de la plupart des constitutions africaines. Ces facteurs se
glissent très rapidement dans les pratiques de ce que certains
constitutionnalistes les qualifient de fraude à la constitution, voire
le coup d'Etat constitutionnel.
Cet esprit du constitutionnalisme et de la démocratie
fait à ce que la constitution reste avant tout un instrument
sacré, un guide phare de la société auquel on doit se
soumettre ou se plier sans cesse.
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cependant, la révision constitutionnelle n'est pas une
voie à travers laquelle le pouvoir constituant dérivé ou
originaire peut faire n'importe quoi ou tripatouiller le texte fondamental ;
qui serait une atteinte à la constitution d'un Etat.
Bien sûr que l'existentiel de la constitution ne date
pas d'aujourd'hui, y compris le mécanisme de la révision
constitutionnel. Ce sont des notions très anciennes pouvant faciliter le
bon fonctionnement des pouvoirs public. Cette révision constitutionnelle
était mise en place en vue de faciliter également le
réaménagement du texte constitutionnel pour ne pas être
assujetti aux générations futures. Et si chaque Etat à
travers le monde avait jugé bon d'insérer cette disposition dans
sa constitution. Les Etats africains, en l'occurrence la République
Démocratique du Congo l'avait inséré dans ses lois
fondamentales qu'elle a connues depuis son accession à
l'indépendance.
Aujourd'hui, la révision constitutionnelle est
prévue dans toutes les constitutions à travers les Etats du
globe. Mais, ce mécanisme constitutionnel est envisagé ad nutum
par les gouvernants. Il est devenu une porte pouvant faciliter la destruction
ou la désacralisation de la loi fondamentale.
En Afrique, les dirigeants politiques l'ont fait un
mécanisme de la conquête, de conservation, voire de confiscation
du pouvoir politique. Comme on peut le constater, un certain nombre
d'incertitudes pèsent sur le climat juridique actuel de la constitution
en Afrique. Ce d'autant plus que si la rigidité constitutionnelle
apparait comme une notion essentiellement juridique, elle ne saurait cependant
être prise en considération en dehors de toute
référence à la notion voisine de stabilité
constitutionnelle qui relève de la science politique. La souplesse dont
font montre les constitutions africaines serait donc due, non pas à
l'absence de procédures particulières de révision, mais
à l'excessive fréquence des révisions.
Les révisions constitutionnelles en Afrique ne sont pas
favorables au constitutionnalisme, moins encore à l'éclosion de
la démocratie. Elles sont mêmes contraires au principe du
constitutionnalisme. Elles essayent de dissiper d'une manière indirecte
l'alternance démocratique constitutionnelle, à travers la
pratique de la suppression du nombre et de la durée des mandats
présidentiels dans la constitution. Par conséquent, les
constitutions africaines pour la grande majorité sont en
elles-mêmes désacralisées et banalisées ; la
démocratie prise en piège par le pouvoir en place ; et qui
finalement se débouchent par des coups d'Etat, par des
révolutions, des tensions politiques.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Certes, les réformes constitutionnelles en Afrique ont
un impact lourdement néfaste sur le constitutionnalisme et la
démocratie. On remarque qu'en dépit de la rigidité
procédurale consacrée, s'installe curieusement une inflation
révisionniste. Cette dernière traduit en effet la permanence
d'une grande instabilité constitutionnelle en Afrique. Elles contribuent
à l'instabilité politique et à la régression
économique.
En République Démocratique du Congo, les
réformes qui ont intervenues sous les deux dernières
républiques n'ont pas permis au constitutionnalisme d'émerger, ni
à la démocratie de s'épanouir sur la scène
politique. Elles ont poussé la RDC dans un recul énorme sur tous
plans.
Des révisions peuvent donc survenir dans la vie d'un
texte. Le caractère d'une constitution c'est, certes, sa capacité
à suivre le temps, à s'adapter afin d'éviter le
sclérose et la stagnation. En effet, ceux qui ossifient les structures
et procédures peinent à les réviser quand bien-même
la nécessité s'en fait sentir. Une révision qui offre la
garantie que les amendements proposés renforcent la démocratie,
élargissent les droits et libertés des citoyens et contribuent
à promouvoir l'intérêt général est même
utile. Cet objectif peut être opérationnalisé à
travers un certain nombre de principes. Un processus de révision
constitutionnelle de qualité doit être transparent,
s'étendre sur une période raisonnable, offrir la garantie que les
amendements constitutionnels proposés reflètent réellement
l'intérêt général et la volonté du peuple,
être nécessaire, pertinente et tenir compte de l'environnement
politique et social du moment, éviter que les animateurs des
institutions qui interviennent dans ledit processus ou qui exercent leurs
fonctions pendant ce processus bénéficient des amendements
effectués.
Pour éviter que naissent des suspicions sur le
processus, celui-ci doit être transparent. Un autre avantage que
présente la transparence du processus de révision
constitutionnelle est qu'elle ouvre la possibilité à des acteurs
non représentés dans le cadre institutionnel formel, dans le cas
où un tel cadre aurait été mis en place pour conduire une
partie du processus, d'apporter leur contribution s'ils le désirent, de
façon à pouvoir améliorer le projet. La transparence du
processus permet de rassurer tout le monde.
L'obligation de prévoir un délai minimal
incompressible pour la durée du processus de révision
constitutionnelle. La prévision d'un délai minimal incompressible
permet d'accorder à la révision de la constitution le
degré de gravité, voire de solennité qui sied à
toute modification d'un document aussi fondamental. Elle permet aussi d'ouvrir
à un plus grand nombre d'acteurs la possibilité d'exprimer leurs
sentiments sur l'initiative,
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
d'éviter les décisions
précipitées, inspirées par les circonstances ou les
majorités passagères et de circonstance qui ne
représentent pas la volonté réelle du peuple ou
l'expression des problèmes réels. Le délai minimum
incompressible permet aussi à des groupes des citoyens qui ont des
préoccupations spécifiques de s'organiser pour apporter leurs
contributions au processus de révision constitutionnelle.
La mise en oeuvre des révisions constitutionnelles qui
ne reflètent pas la volonté du peuple ou qui vont
carrément à l'encontre de ses intérêts ne peut que
saper bases de la démocratie elle-même. Il convient de faire la
différence entre a volonté du peuple et celle de ses
représentants, en général élus. Dans le pays comme
le Congo, il arrive souvent que ces deux volontés ne se rencontrent pas
ou que les révisions constitutionnelles reflètent les
intérêts d'une partie des élus. Il est aussi
nécessaire de s'assurer que la révision constitutionnelle ne
donnera lieu à aucun recul sur le plan de la protection des droits
fondamentaux et des libertés publiques déjà acquis par les
citoyens. Bien au contraire la promotion, l'approfondissement des droits
individuels et collectifs devrait être un souci permanent lors de
l'initiative de toute révision constitutionnelle.
Toute révision constitutionnelle doit être
nécessaire, pertinente et tenir compte de l'environnement politique et
social du moment Administrer la preuve de la nécessité d'une
révision constitutionnelle constitue un minimum indispensable. En effet,
l'on doit décrire la gravité de la situation qui justifie la
révision et montrer pourquoi c'est le statu quo constitutionnel qui en
est, ne serai-ce que partiellement la cause. Ceci contribue également
à éviter d'entreprendre un processus de révision de la
constitution qui serait finalement inutile. Une révision
constitutionnelle est pertinente si et seulement si ses propositions
constituent des solutions effectives aux problèmes ou faiblesses
identifiés qui ont justifié l'initiative du processus de
révision.
Quant à la nécessité de faire attention
à l'environnement politique et social du moment, il est principalement
question de faire attention à l'opportunité de toute initiative
en matière de révision constitutionnelle. A défaut de
pouvoir prévoir le moment exact où une initiative de
révision constitutionnelle pourrait déboucher sur des
contestations, voire des contestations violentes, il est cependant possible de
savoir si l'environnement y est favorable ou non. Toute période de
tensions politiques et de divergences relativement profondes entre les
acteurs-clés du moment, quelles qu'en soient les raisons, peut
être considérée comme un indice d'inopportunité pour
entreprendre un processus de révision constitutionnelle. En effet, dans
un contexte donné il serait hasardeux de réaliser la
légitimité nécessaire et d'espérer que chaque
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
institution-clé du cadre institutionnel national joue
sa partition de manière objective et pertinente. De la même
manière, selon le moment, certains sujets peuvent être
délicats à aborder.
Toute révision constitutionnelle doit absolument
éviter que les animateurs des institutions de l'Etat qui interviennent
dans ledit processus ou qui exercent leurs fonctions pendant ce processus
bénéfices des amendements effectués. La
préoccupation primordiale ici est non seulement d'éviter que le
peuple ait le sentiment que ses élus peuvent amender la loi fondamentale
à leur guise pour leurs intérêts personnels, mais encore
d'éviter que ces acteurs puissent se le permettre en étant juge
et partie profitant d'une conjoncture politique favorable, par exemple une
très large majorité au parlement.
L'étude a démontré que la plupart des
révisions constitutionnelles qui ont intervenues en Afrique et
particulièrement en République Démocratique du Congo n'ont
pas facilitées une bonne promotion du constitutionnalisme et de la
démocratie. Ce mécanisme constitutionnel pratiqué en
Afrique a toujours cherché à dénaturer ou à
dévaloriser l'instrument du constitutionnalisme. Il lutte de
manière cavalière contre les principes du constitutionnalisme et
de la démocratie : la séparation des pouvoirs, la garantie des
droits et libertés publiques du peuple ainsi que l'alternance
démocratique de pouvoir public.
La révision du 20 janvier 20II avait essentiellement
des enjeux politiques ou électoralistes qui ont été
à la base de cette réforme. Et par conséquent, il y a eu
d'une part, des implications liées au constitutionnalisme, par la
violation de certaines dispositions constitutionnelle (article 220), l'atteinte
à la morale du constitutionnalisme, y compris la rupture du consensus
autour du pacte social qu'est la constitution. D'autre part, des implications
liées à la démocratie, cette révision a
était obtenue par coup de force ou par une dictature de la
majorité parlementaire et par une corruption de la démocratie,
dans le sens que cette réforme s'est réalisée grâce
à l'argent. Certaines voix étaient achetées en vue de
faire passer cette révision.
Certes, les tensions politiques, sociales, les
révolutions, voire les coups d'Etat et les rébellions
enregistrées les deux dernières décennies sont dues
à une cause lointaine qui est le tripatouillage constitutionnel,
c'est-à-dire les révisions constitutionnelles qui figent
l'alternance au pouvoir politique des dirigeants africains et détruisent
la constitution qui est un outil indispensable pour chaque Etat.
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" Révisions constitutionnelles et leur
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Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Ainsi donc, pour remédier à la récurrence
des révisions constitutionnelles, une solution pourrait consister
à rendre beaucoup plus rigide la procédure de révision.
Autrement dit, il faudrait que toute révision passe obligatoirement par
la voie référendaire pour qu'elle soit approuvée. Cela
permettrait à l'institution issue de la révision d'avoir la
légitimité nécessaire qui puisse assurer sa
pérennité. Cela permettrait également au peuple de
sanctionner les initiatives manifestement inopportunes des politiques. Mettre
en place un code de bonne conduite comme le cas de la CEDAO avec une
juridiction panafricaine spécialement pour les matières de la
révision constitutionnelle. Ensuite, chercher à créer une
association qui peut regrouper toutes les cours constitutionnelles des Etats
membres de l'Union Africaine « UA » en vue de la moralisation et de
l'encadrement juridique des juges constitutionnels quant à ce . Enfin,
que les dirigeants politiques, les élites intellectuelles, pouvoir
constituant lui-même, devraient prendre conscience et s'abstenir de tout
excès dans la voie de la révision, développer ainsi une
bonne culture constitutionnelle qui pourra favoriser l'émergence de
grande échelle du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique et particulièrement en République démocratique du
Congo.
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" Révisions constitutionnelles et leur impact
sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"
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