Il est impérieux dans une analyse scientifique
comme celle-ci d'émettre des hypothèses face aux
différentes préoccupations soulevées sous forme des
questions dans la problématique.
En effet, l'hypothèse est donc conçue
comme une série des réponses qui permettent de prédire la
vérité scientifique au regard des questions posées par la
problématique .25 Elle est aussi l'explication provisoire
à la nature des relations entre deux ou plusieurs
phénomènes .26
En clair, l'hypothèse peut être
considérée comme une affirmation vraisemblable mais non
vérifiée, ou des réponses provisoires aux questions
posées auxquelles l'analyse pourrait confirmer ou infirmer.
Cela étant, les révisions
constitutionnelles en Afrique ont un impact lourdement néfaste sur le
constitutionnalisme et la démocratie. On remarque qu'en dépit de
la rigidité procédurale consacrée, s'installe curieusement
une inflation révisionniste.
24 MOUSTAFA, E ., « A qui profitent les
révisions ? », http ://www .amis .monde-diplomatique
.fr, (Consulté le dimanche I3
février 20II) .
25 SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de
la recherche scientifique, éd . M .E .S, Kinshasa, 2006, p
. 52 .
26 MULUMA MUNANGA, Le guide du chercheur en
sciences sociales et humaines, éd . Sogedes, Kinshasa,
2003, p . 34 .
9
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~
Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette dernière traduit en effet la permanence d'une
grande instabilité constitutionnelle en Afrique. La révision la
plus fréquente de nos jours est évidemment celle concernant la
clause instituant la limitation des mandats présidentiels.
Cette pratique concerne la presque totalité des pays
africains au point qu'on peut se demander, au vu de sa banalisation, si la
révision constitutionnelle devient un simple processus d'ajustement de
la norme fondamentale. Cette pratique constitutionnelle africaine
révèle une institutionnalisation de la crise constitutionnelle,
une instabilité chronique de la constitution caractérisée
par des révisions beaucoup trop faciles susceptibles de créer une
insécurité juridique .27 Ces révisions
constituent également un danger pour le processus de la consolidation de
la démocratie. Elles sont aujourd'hui un des enjeux de la lutte pour le
pouvoir : chacun veut modifier la constitution pour s'assurer un avantage
décisif dans l'accession ou le maintien à la commande .28
En plus, elles amènent un changement du régime,
le système politique également change ; le chef de l'Etat
institue la plupart du temps un pouvoir à vie qui souvent
débouche sur des rébellions, des putschs ou des coups d'Etats qui
visent à démettre de ses fonctions le 'monarque' ainsi
installé au sommet de l'Etat. Ceci justifie bel et bien l'analyse du
professeur André MBATA qui pense que le constitutionnalisme et la
démocratie sont fortement menacés en Afrique ; et il
renchérit que cela se fait dans des situations où l'élite
intellectuelle est soumise à l'élite politique .29 Or,
le respect de la démocratie, c'est le respect de la paix. Quand on a la
démocratie, la paix et la sécurité suivent mais dans ce
contexte, le non respect de la constitution et de la démocratie engendre
l'insécurité.
Etant donné que les performances de tous ces Etats
africains, à l'exception bien sûr de quelques uns, sont minables
depuis des décennies, l'hypothèse selon laquelle « l'Afrique
reste une fidèle abonnée aux basses marches de l'échelle
du développement socioéconomique à cause, en grande
partie, des malversations politiques et économiques des élites
politiques qui la gouvernent, est plus que jamais plausible. En effet,
contrairement au vin qui se bonifie avec l'âge, les dirigeants africains
entrent en vieillissant, dans une dégénérescence politique
qui les rend si allergiques aux
27ATANGANA AMOUGOU, J .L ., « Les
révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme
africain », http ://www .droitconstitutionnelenafrique .org,
(Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .
28 ALFA TOGA, B ., Op.cit.
29 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Responsabilité
sociale des intellectuels du Congo et de la sous-région :
constitutionnalisme, démocratie en Afrique centrale et renaissance
africaine »,
http://www .afrique .kongotime
.info « RDC », (Consulté le jeudi 02
décembre 20I0) .
I0
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~
Cas de la République démocratique du
Congo"
libertés individuelles et collectives, qu'ils mettent
en place des innovations sociopolitiques régressives en matière
de développement .30
Certains chefs d'Etats s'illustrent dans le
néo-patrimonialisme et font régresser l'économique et
réduire la res publica en leur profit. Selon J.F.Médard, le
néo-patrimonialisme désigne « la confusion de la chose
publique et de la chose privée qui est généralisée
en Afrique qu'on en arrive à mettre en question la notion même de
l'Etat, laquelle repose justement sur cette distinction. Le
néo-patrimonialisme a pour résultat de personnaliser les
relations politiques et de transformer les ressources politiques en ressources
économiques .3I
En outre, le continent s'engouffre dans des crises
interminables de tout bord, lesquelles crises ont souvent été
malheureusement accompagnées de bain de sang et de massacre des
populations. Nombreux sont encore ces pays qui payent et continuent à
payer le prix de la discorde politique, très souvent née des
tripatouillages constitutionnels.
Lorsque les armées nationales, transformées en
milices des pouvoirs en place, torpillent toutes les manifestations populaires
opposées aux dictatures qui font corps avec les intellectuels de
système .32 Audacieuses et tenaces, les populations aussi
à leur tour cherchent à reprendre leur destinée nationale
en main. Ce qui entraine le pays dans une crise totale et
généralisée.
Les révisions constitutionnelles sont devenues une
pandémie de politique africaine qui sévit le continent. Elles ne
sont probablement et la plupart du temps que profitables à leurs
initiateurs. Puisqu'elles se pratiquent en Afrique comme un moyen pour les
gouvernants non seulement de se maintenir au pouvoir, mais aussi de
pérenniser leur système politique. Or, actuellement selon Salmon
Pierre, l'émergence des systèmes politiques sont fondés
sur des nouveaux principes : le pluralisme, l'alternance, l'Etat de droit
.33
30 AMOUGOU, T ., Op. cit
3I MEDARD, J . F ., « L'Etat clientéliste
transcendé », Politique africaine, n°0I, octobre,
I996, pp . I20-I23 .
32 AMOUGOU, T ., Op. cit
33 PIERRE, S ., « Processus démocratique en
Afrique : impact et perspectives » . Actes du colloque national,
Cotonou, II avril, I994, p . I3 .
II
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~
Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette hypothèse se vérifie également
dans le discours du président de l'Assemblée nationale
congolaise, le professeur Evariste BOSHAB, lorsqu'il déclare : « la
révision constitutionnelle est un exercice légal et
démocratique, car la constitution n'est pas instituée « ad
vitam aeternam » mais la constitution doit s'adapter à la
réalité d'un peuple » .34
Comme on le voit, les constitutions africaines, en
général et congolaises en particulier se sont toujours
transformées en constitutions-programme, en lieu et place de
constitutions-loi. La révision en janvier dernier de la constitution du
I8 février 2006 n'a pas été dictée par un besoin
d'adaptation ou une nécessité sociale. Les dirigeants en place au
pouvoir étaient motivés par des visées
électoralistes et l'assentiment du peuple n'a été
recherché qu'après coup .35
Ainsi, seules les motivations politiques subjectives et
personnelles sont à la base de la plupart de révisions
constitutionnelles ou des propositions de révision constitutionnelle en
Afrique, y compris en RDC. Ces révisions non seulement mettent en cause
la stabilité des institutions et du régime politique, mais
contribuent également à aménager un environnement propice
au pouvoir.