CHAPITRE DEUXIEME
REVISION CONSTITUTIONNELLE SOUS LA TROISIEME
REPUBLIQUE
Il est à retenir que la période post-transitoire
est régie par la constitution du I8 février 2006 dite de la
Troisième République. Celle-ci était vue une
réponse aux précédentes crises tant constitutionnelles que
politiques. En effet, par consensus, des délégués de la
classe politique et de la société civile, réunis au
Dialogue Inter Congolais (DIC) ont convenu dans l'Accord Global et Inclusif (A
.G .I) signé à Pretoria en Afrique du Sud, le I7 décembre
2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une
nouvelle constitution démocratique sur base de laquelle le peuple
congolais devait choisir souverainement ses dirigeants par la voie des
urnes.
Dans ce second chapitre de la dernière partie, nous
analyserons d'abord essentiellement le cadre de la révision de cette
constitution (Sect. I), ensuite, interviendra le point crucial consacré
à l'épreuve de la révision du 20 janvier 20II (Sect. II)
.
SECTION I. LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006 ET LE
CADRE DE SA REVISION
Adoptée par référendum de I8 et I9
décembre 2005 et promulguée le I8 février 2006, cette
constitution n'est pas hostile à sa propre modification. Le constituant
a tracé le cadre de sa révision en vue d'éviter le recours
aux moyens extra constitutionnels, il a prévu la procédure de
révision à l'article 2I8 .
Ceci nous fait affirmer qu'il n'y a pas un délai
endéans lequel la constitution peut-être ou non
révisée. Autrement dit, il n'y a pas de délai imparti aux
organes détenteurs de l'initiative de révision de la constitution
pour soumettre leurs projets ou propositions. Seulement, tout doit se faire
suivant l'opportunité, mais tout en veillant à la
procédure prévue par la constitution elle-même.
Ce qui voudrait dire que, le constituant congolais de 2006 a
laissé une fenêtre ouverte pour la révision de la
constitution (§I), tout en prenant soins d'énumérer des
matières, voire certaines dispositions qui ne peuvent faire l'objet de
la révision (§2) .
§1 . DISPOSITIONS REVISABLES
Etant donné que les constitutions sont des
matières vivantes, elles naissent, vivent, subissent des
déformations de la vie politique, elles sont l'objet de
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
révisions plus ou moins importantes et peuvent
disparaitre. La production constitutionnelle congolaise traduit de
manière la plus éloquente cette réalité
.223
Comme l'avons dit tantôt, en principe toutes
matières ou dispositions d'une constitution peuvent faire l'objet d'une
modification, sauf certaines d'entre elles expressément
énumérées par le constituant dans le but de
protéger son oeuvre. C'est-à-dire que les constituants
eux-mêmes ont eu la sagesse de le prévoir et insérer dans
leur oeuvre les procédures qui permettront de réparer des
imperfections liées à l'usure du temps. Paradoxalement, c'est la
possibilité de révision qui assure la longévité
d'une constitution .224
En commençant du Ier article jusqu'au
229ème article, toutes les dispositions sont
révisables, excepté certaines matières qui sont
énumérées expresis verbis dans l'article 220 de ladite
constitution. Mais, la révision des articles précités est
acceptable dans le cadre de l'intérêt général de la
nation, c'est-à-dire en respectant la ligne du constitutionnalisme et de
la démocratie.
La révision constitutionnelle dans le cas
d'espèce implique une modification des dispositions dites
révisables sans changement de la nature de l'ordre
constitutionnel.225
Les causes intrinsèques ou endogènes de
révision interviennent dans le sens que ces dispositions sont d'une part
désuètes et d'autre part lacunaires et ne facilitent pas le bon
fonctionnement des institutions, suscitant ainsi l'opportunité d'une
révisitation en vue de la réactualisation ou de la
réadaptation de la constitution aux aspirations politiques de l'Etat. En
revanche, les causes extrinsèques ou exogènes viennent de l'ordre
juridique international, c'est-à-dire les traités et les accords
internationaux qui sont contraires à la constitution exigeant que
celle-ci soit révisée en vue de régulariser sa
conformité. C'est l'esprit de l'article 2I6 de la constitution qui
dispose : « si la Cour constitutionnelle consultée par le
Président de la République, par le Premier ministre, le
Président de l'Assemblée nationale ou par le Président du
Sénat, par un dixième des députés ou un
dixième des sénateurs, déclare qu'un traité ou
accord international comporte une clause contraire à la constitution, la
ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la
révision de la constitution » .226
223TOENGAHO LOKUNDO, F ., Les constitution de
la République Démocratique du Congo. De Joseph KASA VUBU à
Joseph KABILA, PUK, Kinshasa, 2008, p . 8 .
224 ARDANT, Ph ., Droit constitutionnel et institutions
politiques, I5ème éd ., LGDJ, Paris, 2004, p . 75
.
225 MATTHIEU, B . et VERPEAUX, M ., Droit
constitutionnel, PUF, Paris, 2004, p . 22I .
226 Art. 2I6 de la Constitution du I8 février 2006,
JORDC, 47ème année, n° spécial, Kinshasa, I8
février 2006 .
9I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Donc, la plupart des dispositions peuvent faire l'objet d'une
révision constitutionnelle, excepté celles dont les
matières sont limitativement énumérées par le
constituant de 2006 .
La révision de dispositions qui protègent ces
matières peut entrainer une crise du constitutionnalisme et de la
démocratie. C'est ce que le professeur Edouard MPONGO veut expliquer,
lorsqu'il écrit que pour la stabilité des institutions, il ne
conviendrait pas de modifier à tout moment et trop fréquemment
.227 En plus, le risque en cas des révisions trop
fréquentes, est de « désacraliser la norme suprême
» et donc, en définitive, de lui faire perdre une part de son
efficacité .228
Mais pour que, ces dispositions soient révisées,
elles doivent être prévues par la constitution elle-même. A
ce niveau, l'initiateur de cette réforme va s'appuyer ou se
référer à la dite disposition constitutionnelle, laquelle
constitue le fondement même de sa démarche ; et c'est en vertu de
cette disposition consacrée à la révision logée
dans la constitution que sa démarche pourra prendre effet.
Ainsi donc, les 229 articles que compte la constitution de
2006, peuvent voir leur révision d'être entamée sur base de
l'article 2I8 du titre VI, consacrée à la révision
constitution. A défaut de cette disposition constitutionnelle, la loi
fondamentale ne pouvait faire l'objet d'une modification. A contrario,
malgré les dispositions donnant lieu à la modification
constitutionnelle, certaines dispositions parmi les 229 articles ne peuvent
faire l'objet d'aucune révision.
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