2*3* Acte constitutionnel de la Transition du 09 Avril
1994
Le I4 janvier I994, le Chef de l'Etat déclare
démissionnaire le gouvernement BIRINDWA, totalement
dépassé par les pressions internes et internationales, il
convoque le Haut Conseil en session extraordinaire et le I9 Janvier I994, le
nouveau Parlement se réunit en session extraordinaire et des
négociations sont entamées pour dégager un nouveau cadre
constitutionnel. Ces négociations ont tourné autour de l'article
76 relatif au mode de désignation du Premier ministre et l'article 90 se
rapportant à l'inviolabilité du Président de la
République.
L'acte constitutionnel de transition du 09 Avril I994
qui avait mis en place un régime parlementaire est la réponse de
la classe politique à la suite des concertations politiques du Palais du
Peuple en vue de mettre fin au dédoublement des institutions de la
transition et des textes constitutionnels au lendemain de la clôture des
travaux de la Conférence Nationale Souveraine.
L'exposé des motifs de cet acte constitutionnel
précise que depuis le déclenchement du processus de
démocratisation le 24 Avril I990, notre pays traverse une crise
aiguë et multiforme ayant pour origine essentielle les divergences de vues
de la classe politique sur l'ordre institutionnel de la transition vers la
troisième république.
Se fondant sur le compromis politique global du 3I
juillet I992, la Conférence Nationale Souveraine regroupant les forces
vives de la nation, a établi un ordre institutionnel de la transition
reposant sur l'acte portant dispositions constitutionnelles relatives à
la période de transition, afin de mettre fin à la crise politique
et institutionnelle. Les divergences de vue de la classe politique au sujet de
cet ordre institutionnel ont aggravé la crise et conduit à la
tenue de conclave politique de Kinshasa. Celui-ci, par la loi n°93-00I
Avril I993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la
période de transition, a établi un autre cadre institutionnel de
la transition.
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette situation a occasionné le dédoublement
institutionnel et la multiplicité des textes constitutionnels pour la
période de transition et provoqué la confusion et le blocage du
fonctionnement de l'Etat, avec des conséquences regrettables sur le plan
social et économique pour notre peuple. Ainsi, en vue de redonner de
l'espoir au peuple Zaïrois et de trouver des solutions durables et
définitives à cette situation, les concertations politiques du
Palais du Peuple, initiées par Monsieur le Président du Haut
Conseil de la République, avec l'accord du Chef de l'Etat, ont
été sanctionnées par un protocole d'accord qui donne des
orientations précises pour la fin du dédoublement des
institutions de transition et des textes constitutionnels de la transition
.220
Au regard des différentes analyses abordées dans
le cadre de ce chapitre, nous avons vite remarqué la souffrance qu'a
connue le constitutionnalisme et la démocratie sous la Première
et la Deuxième République du Congo-Zaïre à
l'époque. Cela n'a pas permis ou favorisé un environnement
propice pour l'émergence du constitutionnalisme et de
démocratie.
Cette situation politique chaotique n'a pas permis aux partis
politiques de jouer pleinement leur rôle d'encadrer le pouvoir afin de le
limiter dans ses tentatives d'excès et de déviation.
L'environnement conflictuel était très favorable aux abus et aux
excès dans l'exercice du pouvoir politique. C'est ce qui permit la
confusion dans le fonctionnement des institutions, situation hostile à
l'émergence du constitutionnalisme et de démocratie.
En tout état de cause, le diagnostic de la situation
constitutionnelle et politique que nous venons de passer en revue,
relève que le constitutionnalisme et la démocratie n'ont pas
trouvé un environnement favorable à leur avènement.
L'analyse de l'ordre constitutionnel et institutionnel a
indiqué que les institutions relativement équilibrées dans
les textes constitutionnels fonctionnaient néanmoins dans un
déséquilibre prononcé tant l'exécutif s'emparait
chaque fois des pouvoirs étatiques à son profit.
Dans le cas du Congo, l'exécutif a toujours eu tendance
à s'approprier aussi cette importante prérogative
législative. On l'a vu deux fois sous le règne du
Président KASA VUBU. Une fois, dans le cas du Conseil des Commissaires
Généraux qui avait cumulé le pouvoir exécutif et
législatif (29 septembre I960) . Une deuxième fois dans le cas du
Gouvernement Provisoire, dirigé par Joseph ILEO et qui fut formé
en
220 Extrait tiré de l'exposé des motifs de
l'Acte Constitutionnel de la Transition du 09 Avril I994 (cfr . DJOLI
ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, pp . I44-I45) .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
attendant la convocation des chambres (9
février I96I) . On a vu aussi sous le règne du Président
MOBUTU qui était devenu Chef de l'exécutif et du
législatif sans pourtant avoir jamais fusionné l'exécutif
et le législatif en une seule institution, mais en usant et en abusant
seulement de droit qu'il avait de promulguer des ordonnances-lois pendant les
vacances parlementaires.
Cette confusion des pouvoirs entrainait logiquement
l'arbitraire dans l'action du pouvoir de l'Etat avec de fâcheuses
conséquences sur les droits et libertés fondamentaux de la
personne, sur l'émergence d'un Etat de droit, sur la stabilité de
la loi fondamentale et suprême et bien sûr, sur
l'indépendance du juge en général et du juge
constitutionnel en particulier. D'ailleurs, l'absence sur terrain de ce dernier
non seulement a rendu impossible le contrôle de constitutionnalité
mais surtout a constitué un véritable frein à
l'émergence du constitutionnalisme congolais sous la première
République. La situation de celle-ci ne sera pas très
différente de celle de la deuxième République.
L'analyse a démontré quatre
régimes de dictature, lesquels ont marqué des ruptures avec les
constitutions en vigueur. Une première fois, de septembre I960 à
février I96I, au profit d'un comité baptisé « Conseil
des Commissaires généraux », installé par le Colonel
Mobutu, puis par le Président Kasa Vubu. Ce Conseil a centré sur
lui les pouvoirs exécutif et législatif en agissant sous l'empire
d'un Décret-loi constitutionnel promulgué par le Chef de l'Etat.
Une deuxième fois, quand ce Conseil a cédé la place et les
mêmes pouvoirs au Gouvernement Provisoire présidé par
Joseph ILEO de février en août I96I . Une troisième fois
encore, au profit du Haut commandement militaire, qui a fini par céder
la place au seul Général Mobutu. Une quatrième fois
encore, au profit de l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo-Zaïre), qui a fini par céder la place au
seul Président LD KABILA .22I Mais comme dans les autres
régimes connus, la personnalisation a toujours été plus
forte que l'institutionnalisation des organes de l'Etat. C'est donc davantage
un phénomène de personnalisation poussée qui se
dégage des pratiques observées au Congo-Zaïre. Chaque
dirigeant gère la durée de son pouvoir sans se soucier
d'organiser l'Etat et les conditions de sa continuité.
De tout ce qui précède, l'analyse du
premier chapitre a démontré qu'il y avait absence de la promotion
du constitutionnalisme et même de la démocratie. Les pratiques
constitutionnelles de ces périodes ont finalement débouché
par des instabilités
87
22I KABUYA LUMUNA, Op. cit, p .
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
politiques, y compris les diverses réformes
constitutionnelles, lesquelles ont eu des impacts très négatifs
sur le constitutionnalisme et regardés loin ce concept
démocratie. L'instrument qui sous-tend l'idée du
constitutionnalisme était ad nutum secoué par la seule
volonté chef de l'Etat. Mais quand est-il de la constitution dite de
troisième République à l'épreuve du
constitutionnalisme et de la démocratie en RDC sous la
loi-constitutionnelle n°II/002 du 20 janvier 20II222 ? Le
deuxième chapitre de cette dernière partie nous fixera
bientôt.
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222 Loi n° II/002 du 20 janvier 20II portant
révision de certains articles de la Constitution de la République
Démocratique du Congo du I8 février 2006,
JORDC, n°3 , Kinshasa, du Ier février
20II .
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
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