§2 . REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET INSTABILITE
POLITIQUE
Pendant la période de 90, le monde avait connu des
bouleversements de grande envergure. On a vite remarqué qu'à la
fin des années I980, l'humanité avait connu des bouleversements,
lesquels étaient appelés « sismique » . A la suite de
l'éclatement de l'URSS et de la chute du mur de Berlin, les pays de
l'Est ont été contraints sous la pression sociale à
transformer leur régime. On a alors parlé de la
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Perestroïka : une réorganisation du système
socio-économique et mondialisation des mentalités dans le sens de
l'efficacité et d'une meilleure circulation de l'information
.202
Ce vent de l'Est va traverser la méditerranée et
souffler sur le continent Africain. Les modèles de gouvernance
adoptés les Etats africains à savoir la dictature composite ou
chauve-souris n'ont pas permis aux Etats africains de décoller. C'est
ainsi que l'Afrique avait saisi l'opportunité pour aménager son
environnement politique. Comme nous l'avons dit dans la partie introductive de
cette étude, le continent noir va connaitre une nouvelle donne
politique, entre autre la démocratisation des Etats africains, comme
conséquences : la transition, les conférences nationales, les
gouvernements d'union nationale.
Sur ce, le Zaïre n'était resté en dehors de
la réalité du moment, par le biais de son Président,
Mobutu va initier une série des consultations populaires dès le
mois de janvier I990 . Lesquelles vont aboutir à la
démocratisation ouvrant la voie au multipartisme bâti sur un Etat
de droit et de la réhabilitation du constitutionnalisme occidental.
Selon le professeur Jacques DJOLI203, cette
période dite de transition est répartie en phases, à
savoir : la transition emphatique ou euphorique, celle instinctive ou
autoritaire, celle partagée.
Mais qu'est-ce que nous pouvons retenir de la transition, sur
ce, le professeur Félix VUNDUAWE préfère le concept «
d'interrègne constitutionnel » .204 Mais, le concept de
transition est défini comme « le processus de transformation qui
fait passer d'une phase vers une autre avec comme but de changer la condition
des hommes » .205
Ce concept comme l'a analysé le professeur Jean-Louis
ESAMBO206, parle d'une part de transition démocratique et
d'autre part celle politique, dont d'après lui, ces deux concepts ont
été donnés pour synonymes.
La transition démocratique selon Patrick Quintin est
une période allant du lancement du processus de dissolution d'un
régime autoritaire jusqu'à l'élection des nouvelles
autorités selon une procédure d'élections multipartites
.207 L'auteur considère la
202 Cette idée est paraphrasée, DJOLI ESENG'EKELI,
J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I29 .
203 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit, p . I34 .
204 VUNDUAWE te PEMAKO, Op. cit, p . I24 .
205 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit,, p . I32 .
206 ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18
février 2006 à l'épreuve...Op. cit, p . I2
207 QUINTIN Patrick cité par ESAMBO KANGASHE, J .L .,
Op. cit ., p . I2 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
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transition démocratique comme une période allant
du déclenchement du processus de libéralisation politique
à la mise en place des institutions transitoires vers un régime
démocratique. Les élections libres et transparentes constituent
d'après Gérard CONAC, le seul moyen d'expression de la
volonté populaire et la source de la légitimité du pouvoir
.208
Alors que la transition politique est constituée de la
transformation de la société politique africaine par le passage
d'un régime à parti unique vers le multipartisme,209
la transition démocratique est considérée comme
l'aboutissement d'une transition politique, celle-ci étant
constituée par un mouvement de transformation institutionnelle entre
deux périodes, transformation dictée par le dysfonctionnement
d'un système politique et la nécessité de son remplacement
par un autre plus adapté .2I0
2*1* Loi constitutionnelle n°90-022 du 05 juillet
1990
La loi constitutionnelle du 05 juillet est en
réalité la seizième révision de la constitution du
24 juin I967 . Elle est l'application, mieux la conséquence logique de
l'exécution des décisions prises par le Président de la
République dans son discours du 24 avril I990, consécutivement
aux consultations populaire qu'il avait initiées sur le fonctionnement
des institutions .2II
A* Contexte politique et changement
constitutionnel
Le 24 avril I990, à l'issue d'une longue consultation
populaire sur le fonctionnement des institutions politiques, le
Président Mobutu annonça au peuple zaïrois ses graves
décisions qu'il avait seul arrêtées :l'introduction au
Zaïre du multipartisme à trois et du pluralisme syndical ;
l'abolition de l'institutionnalisation du impliquant de ce fait la
réhabilitation des trois pouvoirs traditionnels que sont le Mouvement
Populaire de la Révolution législatif, l'exécutif et le
judiciaire comme les seules institutions.
A dater du 5 juillet I990, date de la promulgation de la
nouvelle constitution, les institutions de la République sont le
Président de la République, l'Assemblée Nationale, le
Gouvernement et les Cours et Tribunaux .2I2 Cette réforme
institutionnelle était certes fondamentale et historique mais dans la
pratique le chef de
208 CONAC Gérard cité également par ESAMBO
KANGASHE, J .L ., Idem.
209 BRETON J .M cité par ESAMBO KANGASHE, J .L ., Op.
cit ., p . I3 . 2I0 Idem.
2II DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit,, p . I35 . 2I2 Art. 34 de la Loi n°90-022 du 5 juillet I990,
Recueil, p . I35 .
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l'Etat a conservé sa mainmise sur toutes les
institutions. Dans les rapports de l'Exécutif avec le Législatif,
il a gardé le droit de dissoudre le Parlement et de prendre des
ordonnance-lois sans délégation du Parlement .2I3
Tirant toutes les conséquences de ce discours, la
révision constitutionnelle du 05 juillet I990, outre qu'elle change
intrinsèquement la philosophie des pouvoirs publics, annule
expressément l'article I9 bis de la constitution du 24 juin I967 telle
que révisée en I970 : « le Mouvement Populaire de la
Révolution est l'institution suprême de la République. Il
est représenté par son Président. Toutes les autres
institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous son
contrôle » ; ainsi que l'article 32 de la même constitution
telle que révisée par la loi constitutionnelle du I5 août
I974 : « le Mouvement Populaire de la Révolution est la nation
Zaïroise organisée politiquement. Sa doctrine est le Mobutisme.
Tout Zaïrois est membre du Mouvement Populaire de la Révolution
» .2I4
Selon feu le professeur SAMBA KAPUTO, la suppression du
monopartisme par un simple discours était une démarche
anticonstitutionnelle dangereuse aussi bien pour celui-là même qui
l'avait initié et pour le peuple Zaïrois qui allait en subir les
fâcheuses conséquences. En effet, en décidant de s'aborder
d'auteur le Mouvement Populaire de la Révolution, parti Etat, le
Président MOBUTU semblait oublier que, d'après la constitution en
vigueur jusqu'au 24 avril I990, la qualité du Chef de l'Etat
était indissociable avec celle du Président du MPR que le Chef
devenait automatiquement Président de la République. En d'autres
termes, en perdant sa qualité du Président du MPR, il cessait
d'être Chef de l'Etat et perdait par la même occasion la
légitimité qui aurait pu lui permettre de conduire avec quelque
chance de succès le délicat processus de démocratisation
.2I5
B* Contexte politique et changement
constitutionnel
Les mesures partielles de libéralisation du
régime n'avaient pas suffit à rendre démocratique l'Etat.
Il a fallu, pour annoncer une transition vers la démocratie, repenser
l'ensemble du système. Dans plusieurs pays d'Afrique francophone, la
démocratisation a été introduite par les
conférences nationales regroupant toutes les forces vives de la nation.
Mais fort malheureusement, le régime zaïrois a tenté
cette
2I3 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I76 .
2I4 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit, p . I36 .
2I5 SAMBA KAPUTO cité par DJOLI ESENG'EKELI, J .,
Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I37
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" Révisions constitutionnelles et leur
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expérience en organisant la conférence
nationale débutée en août I99I dont les acquis ne seront
pas mis en oeuvre à cause de l'absence du processus
d'apprentissage.
Dans un régime semi-parlementaire comme celui
adopté par cette réforme constitutionnelle, l'équilibre
entre les institutions politiques était envisageable si au pouvoir du
chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale, il y avait un
contre-pouvoir réel détenu par l'Assemblée nationale
à l'encontre du Gouvernement. Or, nous savons que la
responsabilité politique du Gouvernement dont fait mention l'article 97
de la Loi constitutionnelle du 5 juillet I990, était une
responsabilité politique sans véritable conséquence. En
effet, comme nous l'avons dit ci-haut, le Gouvernement était encore
nommé et révoqué par le Président de la
République ; il ne devait pas obtenir un vote confiance de
l'assemblée nationale avant son entrée en fonction et il
n'était pas soumis tout au long de son existence à une
procédure de défiance ou de censure que l'Assemblée
ouvrirait contre lui.2I6
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