1-Le manque d'infrastructures
Les capacités de stockage de paddy n'ont pas suivi
l'évolution des unités industrielles de la Soderiz. Elles
devenaient de plus en plus importantes dans la mesure où la collecte du
paddy en 1976 était plus élevée que la capacité
d'usinage. Cette dernière ne répondait plus aux normes
légales. On a pu constater ainsi des difficultés de stockage du
riz. Cela constituait l'un des points faibles de la Soderiz.
En 1975, avec 140000 tonnes de paddy ; la collecte a
été prématurément stoppée du fait de
l'insuffisance des moyens de stockage. Durant la période de 1976-1977
plusieurs unités industrielles n'avaient plus d'espace pour accueillir
le paddy collecté ni pour stocker le riz blanchi, avant son
écoulement sur les marchés. C'est le cas de l'usine
d'Odienné qui avait collecté 3457 tonnes de riz, mais 2500 tonnes
sont restées devant l'usine, exposées à la pluie.
Plusieurs autres unités industrielles arrêtèrent de
travailler et furent à la suite fermées. Ce fut le cas de l'usine
de Daloa en 1976196.
La Soderiz n'ayant pas les moyens d'une politique
adéquate de stockage, a décidé de facturer les frais de
stockage du riz à la Chambre de commerce. Cette mesure a
été prise, car selon le Directeur général de la
Soderiz, la Chambre de commerce avait pris un retard dans l'enlèvement
du riz de la Soderiz. Ce retard a provoqué une défaillance du
système de stockage. Le stock de riz disponible devrait être avant
tout déclaré à la Chambre de commerce qui se devait de
l'écouler sur le marché dans un délai d'un mois.
Pour résoudre ce problème de stockage, la
société proposa en 1977, un projet d'extension de la
capacité de stockage de près de 65000 tonnes. Le projet
196 Anonyme « Les usines de la Soderiz en
dangers »in Fraternité Matin du 16
Février 1976 p12
118
d'extension devait être exécuté au cours
de trois ans, soit une capacité effective de stockage de près de
200 000 tonnes par an. Il devait coûter plus de 10 milliards de francs
CFA197. Mais ce programme n'a pas pu être
exécuté à temps. La conséquence de ce retard est
que, les productions de riz blanc s'accumulèrent dans les usines Soderiz
et étaient stockées dans de mauvaises conditions. Cette situation
entraina des pertes énormes à l'institution.
2- la sous capacité de la sacherie.
Les problèmes de la Soderiz se sont
particulièrement accentués au niveau du réseau industriel.
Après la transformation du riz, ce produit devait être mis en
sachet. Or la Soderiz avait opté pour un sachet de 60 kg qui
était d' ailleurs apprécié par les consommateurs. Avec la
production excessive du riz blanc les sachets de la société
furent insuffisants pour la mise en sachet. Même le stock de
réserve de sachets de plus de 1000 tonnes avait été
utilisé. L'insuffisance de la sacherie devint un véritable
problème pour la Soderiz, à partir du troisième trimestre
de l'année 1976. En outre, les sacs Soderiz était
détournés par certains agents de l'institution .Cette situation
accentuait la pénurie de sachets dans les usines.
En effet, 17000 sacs correspondant à une
capacité de sacherie de 1020 tonnes avaient été
frauduleusement vendus à un expert maritime, par des responsables de la
société198. Par ailleurs la situation
financière de la société prolongeait la pénurie de
sachets. Les engagements de la Soderiz n'ayant pas été
honorés vis-à-vis de la société FIBAKO fournisseur
des sacs, celle ci a décidé de rompre le contrat de livraison des
sachets. Ces difficultés observées au niveau de la sacherie
rendaient très incertain le stockage du riz. La production s'accumulait
dans les usines où elle était dans de très mauvaise
qualité
197 ADS : Rapport annuel Soderiz 1975, projet BIRD 1975-1978,
p156
198 Anonyme : « Les sachets : un autre problème
de la Soderiz » In Fraternité Matin du 08
février 1976
119
entrainant de ce fait des pertes énormes
évaluées à quelques millions de francs
CFA199.
Comme l'indique le tableau n°14 (p116), en 1976, du fait
du retard accumulé pour l'enlèvement du riz, plusieurs tonnes de
paddy et de riz sont restées dans les usines. L'usine de Bongouanou
avait dans ses locaux 22501 tonnes de paddy avec 41 tonnes de riz blanchi.
Quant à celle de Séguéla il y avait plus de 1800 tonnes de
riz blanchi. Au total les usines de la Soderiz avaient en leur sein 91021
tonnes de paddy et 5001 tonnes de riz décortiqué. Cette situation
témoigne des difficultés de stockage auxquelles la Soderiz est
confrontée.
Tableau n°14 : Volume de paddy et de
riz stocké dans les usines Soderiz en Février 1976
Usines
|
Tonnage paddy
|
Tonnage riz blanchi
|
Gagnoa
|
12 113
|
48
|
Daloa
|
11 821
|
305
|
Man
|
8 706
|
766
|
Bouaké
|
9 210
|
533
|
Séguéla
|
6 298
|
1 855
|
Bongouanou
|
22 501
|
41
|
Korhogo
|
12 910
|
1 252
|
Odienné
|
3 457
|
161
|
Bouna
|
664
|
-
|
San-Pedro
|
650
|
-
|
Yamoussoukro
|
2 691
|
40
|
Source : Chambre de Commerce, compte rendu n°8 de
la commission riz du mercredi 24 mars 1976
La sacherie était mal maîtrisée et
quasiment inexistante pour la société. Hema Namboin Augustin,
directeur chargé de la coopération internationale 1972- 1977
à la Soderiz, soutien que : « le problème de la sacherie
s'est posé et
199 ADS : Procès verbal du conseil d'administration
Soderiz, 1976 du 16 Juillet 1976 p8
était à deux volets : d'abord il y'a la
production. Pour l'achat du paddy on prend la sacherie de deuxième main
dans les magasins « bana bana ». L'achat de ces sacs si tu ne
l'organise pas, ça devient un problème. Ensuite pour la sacherie
finale, on commande avec une grande marge mais l'argent n'était pas
suffisant. Les sociétés FIBAKO et FILTISAC n'en fabriquaient en
qualité et quantité industrielle. Elles fabriquaient pour rentrer
dans leur sous. A certains moments quand les sacs manquent les gens se
plaignent. Sinon nous devrions nous occuper de la sacherie du riz blanchi. Nous
étions occupé à l'usinage, souvent la sacherie ne couvrait
pas »200.
Le riz blanchi produit devenait encombrant sans sachet, ce riz
ne pouvait pas être commercialisé. La sous-capacité de
sacherie créait en général, un dysfonctionnement au sein
de l'institution et engendrait la pénurie de riz local sorti des usines
sur le marché. Les problèmes de stockage que connurent la
société tant au niveau du paddy qu'au niveau du riz blanchi ont
entrainé l'institution dans la décadence.
La faillite du secteur industriel poumon de la transformation du
paddy a
porté un coup fatal à l'institution. Elle ne
fait qu'entériner les dysfonctionnements antérieurs
consécutifs constatés. Ainsi ces problèmes en amont vont
se répercuter en aval sur la distribution et la commercialisation du
riz.
120
200 H, NAMBOIN AUGUSTIN, Directeur chargé de la
coopération internationale à la Soderiz entretien
réalisé le 28 Août 2011 à Abidjan Cocody Riviera
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