2. L'action de la Caisse Générale de
Péréquation et des Prix dans la commercialisation du riz
La Caisse Générale de Péréquation
et des Prix (CGPP), a été créé par le décret
n°71-169 du 25 mars1971126. Elle fait son apparition, sur la
scène rizicole en Côte d'Ivoire, à la même
période que la Soderiz. Elle avait pour rôle principal de
régulariser et stabiliser les prix de vente des produits et marchandises
de grande consommation. Auparavant, il existait une réglementation
particulière de l'importation et la fixation du prix du
riz127. La CGPP exerçait ses activités sous la tutelle
mal définie. En effet elle était rattachée à la
fois au Ministère du
123 ADS : rapport annuel Soderiz 1975, p9
124 A, SAWADOGO op.cit p 53
125 ADS, rapport annuel Soderiz 1975, p45
126 JOCI du 5 avril 1971, p 414
127 Arrêté 10- 549 SEC du 10 décembre 1956
cité par Jacqueline De la Rochère DUTHEIL, op. Cit, p 361
88
commerce, au Ministère de l'Economie et des Finances,
au Ministère de l'agriculture pour la coordination de la collecte des
produits agricoles et enfin à la Présidence de la
République. Ce qui faisait penser selon Brindoumi Atta Kouamé
Jacob que sa gestion était plutôt « du politique
» que celle d'un établissement public national
normal128.
Pour Dutheil de la Rochère, la nature juridique de la
CGPP était difficile à déterminer. Dès sa
création elle fut dirigée par le directeur des affaires
économiques et des relations économiques extérieures. Elle
n'avait officiellement ni personnalité juridique ni autonomie
financière129. Elle possédait des antennes à
l'intérieur du pays. Les activités de la caisse de
péréquation portaient sur le riz officiel, c'est-à-dire
produit localement dans les unités industrielles de la Soderiz et riz de
luxe importé.
En créant la CGPP, l'Etat envisageait assurer
l'uniformité des prix fixés à la consommation sur
l'ensemble du territoire. Cette garantie était réalisable
grâce à une subvention du transport du riz. Le circuit de
distribution de la Caisse de péréquation était assujetti
à un agrément délivré par la caisse de
péréquation elle-même. En 1974, des agréments de
grossiste ont été livrés. Environ 450 grossistes
opéraient pour ce circuit.
La logique de l'intervention de la CGPP dans la filière
riz était d'assurer la sécurité alimentaire du pays et
favoriser la transformation industrielle du riz et faciliter aussi son
écoulement. En d'autres termes, c'était d'éviter des
ruptures de stocks dont les conséquences pouvaient s'avérer
préjudiciables. Pour Louis Berger, cela permettait « d'assurer
la permanence des approvisionnements en riz de la population d'environ 90 000
tonnes et d'assurer également, l'écoulement du riz du circuit
officiel tout en maintenant l'uniformité des prix du riz blanc sur
l'ensemble du territoire, national grâce à une
péréquation du
128 A, K, J BRINDOUMI, op.cit, p 55
129 Jacqueline De la Rochère DUTHEIL, op. Cit p 361
89
transport »130. Ainsi, la CGPP
réglait la distribution du riz blanc au niveau
national. Elle estimait et rachetait toute la production
locale du riz des unités industrielles de la Soderiz. La caisse de
péréquation du riz utilisait une partie de ses ressources pour le
soutien de la collecte et de l'usinage du paddy local. Les ressources de la
CGPP devaient servir à la régularisation et à la
stabilisation du prix de vente du riz. Environ 60% de ses ressources
étaient versées à la Soderiz comme frais de transport,
d'usinage et pour la redistribution du riz131. Le reste
des ressources étaient versées au Budget
Spécial d'investissement et d'Equipement (BSIE), en vue de leur
affectation à des opérations différentes de la
stabilisation des prix, telles que la mise en valeur des bas-fonds et la
vulgarisation de la culture du riz. Elle a joué un rôle
très capital dans la commercialisation du riz en général
et la production de la Soderiz en particulier. Par ses actions, elle a permit
une accessibilité du riz à toutes les couches sociales.
L'association de la CGPP à la commercialisation marque
l'intervention de l'Etat dans le commerce du riz. Elle intervient dans le
financement du coût de transport du riz. Ce qui permettait aux
commerçants de bénéficier d'un soutien en fonction de la
localisation de son magasin. La caisse de péréquation pratiquait
des prix variant entre 1,10 francs le kilomètre à 4 francs CFA.
Pendant la période 1973 - 1974, la caisse versait 4 francs entre Abidjan
et Man, 2 francs Cfa le kilomètre, Gagnoa - Abidjan, 2 francs Cfa le
kilomètre Bouaké - Korhogo132.
La caisse a régulé près de 100 000 tonnes
de riz en 1973, soit près de 14 % de la consommation totale du
pays133. Elle était une caisse de stabilisation pour
le secteur de la commercialisation et en même temps elle
était perçue comme
130 L, BERGER, op.cit p v-2
131Jacqueline De la Rochère DUTHEIL, op. Cit,
p362
132 Ministère du commerce, commercialisation
des produits vivriers en Côte d'Ivoire : analyses et
recommandations, Abidjan, BETPA, 1982, p 53
133 K, DIOMANDE op.cit p 56
une source de revenu pour l'Etat ivoirien, car elle percevait
les taxes sur les importations de riz.
En effet, comme l'indique le tableau n°10 ci-dessous la
caisse de péréquation a réalisé des
bénéfices énormes sur les importations du riz de 1971
à 1977. En 1971, lorsque la caisse de péréquation achetait
97 000 tonnes de riz importé, le prix était 21 000 francs la
tonne. Ensuite elle revendait aux grossistes à 45 000 francs la tonne,
soit un bénéfice brut de 24 000 francs CFA la tonne. L'Etat
réalisait un bénéfice total de 2 340 000 000 francs Cfa.
Entre 1971 et 1973, l'Etat a réalisé un bénéfice de
plus de 5 milliards de francs Cfa. De 1973 à 1974, les chiffres furent
négatifs du fait de la hausse des prix à l'importation et
à la forte production du riz de la Soderiz. A partir de 1975, le pays
réalise d'énormes bénéfices atteignant 2 655 000
000 francs Cfa en 1977. Ces devises ont servi à alimenter le budget
général de l'Etat.
Tableau n°10 : Estimation des revenus bruts de l'Etat sur la
commercialisation
du riz importé de 1971 à 1977
Années
|
Volume importé en Tonne
|
Prix CAF en francs CFA
|
Prix de cession aux grossistes f CFA /T
|
Bénéfice brut en f CFA/T
|
Total du bénéfice milliards FCFA
|
1971
|
97 000
|
21 000
|
45 000
|
24 000
|
2,340
|
1972
|
77 000
|
28 000
|
45 000
|
17 000
|
1,3107
|
1973
|
147 000
|
59 000
|
57 000
|
-2 000
|
-0,294
|
1974
|
72 955
|
112 000
|
107 000
|
-5 000
|
-0,365
|
1975
|
1 636
|
50 000
|
97 000
|
47 000
|
0,0752
|
1976
|
1 300
|
30 000
|
87 000
|
57 000
|
0,1311
|
1977
|
121 708
|
69 000
|
87 000
|
18 000
|
2,655
|
Sources: BRINDOUMI (A K J), op.cit p 12
90
Ministère du Commerce, statistiques
douanières, 1977, p 54
Les circuits de distribution du riz pendant la période
Soderiz étaient très complexes. La vente du riz blanchi a
nécessité la présence de deux structures commerciales,
à savoir la Chambre de Commerce et la CGPP. Ces structures qui ont
fonctionnées simultanément visaient à écouler les
stocks de riz usinés par la Soderiz.
Les succès techniques ont été
indéniables. Ainsi dans des délais très courts, soit en
moins de quatre ans la production de paddy a été
multipliée par 2 tandis que la quantité de paddy collectée
et usinée a été multipliée par 1,5134.
Ce meilleur résultat obtenu grâce à l'action de la Soderiz
aura des effets positifs sur l'économie du pays. Cette synergie a permis
à la Soderiz d'atteindre entre autre l'un de ses objectifs à
partir de 1974.
91
134 S Y, AFFOU, op. Cit p 21
92
|