II- L'USINAGE DU PADDY
Des usines ont été créées dans
l'intention de drainer la production de paddy vers le réseau de
transformation de la société rizicole. Pour l'usinage du paddy,
la Soderiz a mis en place un système de collecte de paddy. Après
la collecte elle assurait la transformation puis la distribution du riz blancs
à travers certaines structures.
1- Le système de collecte du paddy
La collecte est la première étape de
commercialisation du paddy après la production. Elle consistait à
approvisionner les usines de décorticages de la Soderiz
installées sur l'ensemble du pays et disséminées dans onze
villes du pays. L'objectif de la Soderiz était de faire de la
riziculture irriguée une culture très rentable à l'image
du café et du cacao. Allant dans ce sens, la société a
79
organisé un système de collecte de paddy devant
servir les usines créées pour la circonstance. Ainsi, la collecte
du paddy dès la première année d'expérimentation de
l'institution en 1971, s'est élevée à 16 000 tonnes dont
70% dans les zones encadrées par la Soderiz110.
Après 1971, la Soderiz ne pouvant plus seule couvrir la
collecte du paddy du faite de l'augmentation de la production a fait appel
à des collecteurs privés composés de commerçants et
de producteurs comme il l'a été en 1966. Ils
bénéficiaient d'un certains nombres d'avantages au niveau du prix
et réalisaient des bénéfices a travers la collecte. Ils
étaient perçus comme des agents d'achat et disposaient des moyens
financiers et matériels nécessaire à la collecte. Ces
collecteurs privés effectuaient la première étape de la
collecte officielle qui consistait à transporter le paddy du paysan de
son champ jusqu'à la campagne. La seconde étape était le
transport du paddy du village à l'usine. Les collecteurs privés
opéraient au moyen de véhicule dont la capacité variait
entre une à cinq tonnes. Ils percevaient une commission de 10% sur le
paddy payé. Un agrément particulier leurs était
délivré par les autorités de la localité telles que
le Préfet et le Sous-préfet. L'introduction du secteur
privé dans la collecte répondait à un objectif celui
d'alimenter les unités industrielles qui étaient sous
utilisées en paddy. Aussi la société avait le souci de
pouvoir acheter le paddy au producteur, car selon le contrat de culture, le
paddy produit par les paysans devrait être acheté par la Soderiz
afin d'approvisionner les rizeries.
A partir de 1973, suite à l'uniformisation du prix
d'achat à la production, les responsables de la société
vont généraliser l'expérience tentée avec
succès en 1972, de l'association des collecteurs privés sur la
base d'un barème leur assurant une marge intéressante de prime
allant de francs à 42 francs par kilogramme en fonction de la
quantité de paddy acheté. Soit une somme compris
110 AGRIPAC : 1974, « Halles et marchés
de Côte d'Ivoire » Tome III, p 67
80
entre 1000 francs et 42000 francs sur la tonne de paddy entre
la collecte bord champ et les magasins de collecte.
Entre la campagne rizicole 1966/1967 et celle de 1977/1978,
les collecteurs privés ont réalisés entre le magasin de
collecte et l'usine un bénéfice allant de 1francs à 47
francs CFA le kilogramme de paddy soit 47000 francs CFA la tonne.
Ce réseau d'achat n'avait pas pour rôle
d'être concurrent de la Soderiz, mais
de jouer le rôle de secteur « privé
témoin » c'est-à-dire un secteur privé au
service de la Soderiz en l'aidant à développer la
riziculture111.
Tableau n°8 : Evolution du bénéfice
des acteurs pendant la collecte de 1966 - 1967 à 1977 - 1978 (en francs
CFA/ KG)
Années
|
Prix à la
production (p0)
|
Prix à l'entrée du magasin
(P1)
|
Bénéfice brut (p1 - p0)
|
Prix à l'entrée de l'usine
(P2)
|
Bénéfice brut (p2 - p1)
|
Bénéfice brut (p2 - p0)
|
66 /67
|
18
|
19
|
1
|
19
|
0
|
1
|
67/68
|
18
|
20
|
2
|
20
|
0
|
2
|
68/69
|
20
|
20
|
0
|
20
|
0
|
0
|
69/70
|
22
|
22
|
0
|
22
|
0
|
0
|
70/71
|
22
|
22
|
0
|
22
|
0
|
0
|
71/72
|
22 /28
|
22/31
|
0/3
|
22/31
|
0
|
0/3
|
72/73
|
23/28
|
31/70
|
8/42
|
31/75
|
0/5
|
8/47
|
73/74
|
23/65
|
31/70
|
8/5
|
31/75
|
0/5
|
8/10
|
74/75
|
65
|
70
|
5
|
75
|
5
|
10
|
75/76
|
65
|
70
|
5
|
75
|
5
|
10
|
76/77
|
65
|
70
|
5
|
75
|
5
|
10
|
77/78
|
65
|
70
|
5
|
75
|
5
|
10
|
Source: HIRSCH RD, op.cit. p56
111Ministère de l'Agriculture et des ressources
animales, Rapport final ; Etude pour la formulation de la politique
rizicole de la Côte d'Ivoire, Février 2002 p24
81
Ce circuit témoin devait effectivement appliquer les
prix officiels fixés par la Soderiz et mettre ainsi les producteurs en
confiance. Les magasins de collecte et d'approvisionnement constituaient autant
de points de contact pour l'achat du paddy entre les paysans et les
collecteurs. L'organisation de ce réseau de collecte et l'insertion de
personnes privées dans le circuit de collecte Soderiz devrait permettre
l'efficacité et apporter un certain dynamisme à la
société.
L'Etat avait fixé un prix d'achat de paddy sur tout le
territoire comme il faisait pour les cultures du café cacao. Au
début de chaque campagne l'Etat fixe le prix d'achat du paddy au
producteur et le prix d'achat à l'entrée de l'usine. En effet, en
1971 par le décret n°71 - 504 du 10 novembre 1971 portant fixation
des prix d'achat à la production du paddy112. L'Etat fixe le
prix en fonction de la qualité du paddy. Le conseil des ministres a
adopté à ce effet le 17 octobre 1972, le décret n°72-
658 qui fixait le prix du paddy au producteur à 25 F /kg113.
Ce prix suivait les normes de la qualité. Selon ces normes le paddy
devait être mur, exempt de poussière de cailloux, le taux
d'impureté devait être inferieure à 18%. Le paddy qui
respectait ces normes était qualifié de qualité
supérieure et celui qui ne répondait pas à ces normes
était dite de qualité inférieure.
En 1973, le prix d'achat était fixé à
25,13 F le kilogramme et 12 687 tonnes avaient été
collectées dont 25 % de cette collecte se sont effectués en
janvier et février114. La Soderiz avait institué trois
formules de ramassage avec prime à la livraison. Elle veillait à
ce que le prix soit respecté, car ce prix de collecte variait selon le
lieu de collecte. Pour la première formule, la collecte de paddy chez le
producteur était achetée à 65F/kg. Si cela s'effectuait au
niveau des magasins de collecte, le paddy était acheté à
70F/kg et enfin à l'usine le paddy était acheté à
75F/kg. Le prix était majoré en fonction de
l'accessibilité de la production. La Soderiz versait ses primes aux
acheteurs ou aux paysans qui se déplaçaient soit à
112 JOCI DU 10 novembre 1971, P 616
113JOCI du 20 octobre 1972, p 1236
114ADS, Résumé Rapport annuel Soderiz
1973, p20
82
l'usine, soit dans les magasins de collecte pour livrer leur
production. Cela visait à compenser les dépenses de transport
fournies et le paiement de la main d'oeuvre pour les chargements.
L'organisation de la collecte du paddy par la Soderiz a bien
fonctionné vu l'évolution de la quantité de paddy
collectée depuis 1971 à 1974. La Soderiz a réussi à
collecter grâce à son système de collecte des milliers de
tonnes de paddy pour alimenter ces usines. On est passé de 16 000 tonnes
de paddy collectées en 1971 à 30 000 tonnes en
1974115.
Selon le tableau n°9 (p79), de 1966 à 1969 le prix
garanti aux producteurs par la Satmaci était compris entre 18 francs et
20 francs. Ce prix d'achat a seulement augmenté de 2 francs durant 4
ans. A partir de 1970 avec la création de la Soderiz on observe une
fluctuation du prix d'achat qui s'élève à 22 francs. Ce
prix d'achat atteint 28 francs en 1973. Cela témoigne de la
volonté de la Soderiz de bien rémunérer les paysans. De
1973 à 1977, le prix garanti d'achat augmente et atteint 70 francs. Cela
résulte de la perturbation des marchés internationaux de
céréale par la crise pétrolière qui ont
été soumis à de très fortes tensions. Cette
situation a permit au cours mondial du riz d'atteindre son record historique.
Par la même occasion les autorités ivoiriennes pour faire face a
cet phénomène ont encouragés la production locale en
associant les collecteurs privés a la collecte du paddy en leur assurant
des primes variables en fonction du lieu de livraison. Pour Brindoumi Atta
Kouamé Jacob, les raisons de cette hausse étaient « la
croyance à la primauté du prix en tant que facteur d'inclinaison
à la production, la nécessité d'un alignement des prix du
riz local sur les prix du riz importé et les pressions de la Soderiz qui
estimait ne pas pouvoir remplir sa mission avec des prix qu'elle jugeait trop
bas »116.
115 Agence Ivoirienne de Presse « Dans cinq ans
avec l'encadrement la Soderiz produira 70 000 tonnes de Paddy
» in Fraternité matin du 31 juillet 1973 p2
116 A, K, J BRINDOUMI, op.cit, p 100
83
Tableau n°9: Evolution du prix d'achat de paddy
garanti au producteur de 1966 à 1978
Campagne d'achat
|
Prix Bord champ producteur en F/KG
|
Prix Magasin de collecte en F/KG
|
Prix Rendu usine ou silo en F/KG
|
1ère
qualité
|
2eme
qualité
|
1ère
qualité
|
2eme
qualité
|
1ère
qualité
|
2eme
qualité
|
1966 - 1967
|
19
|
18
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1967 - 1968
|
18
|
17
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1968 - 1969
|
19
|
18
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1969 - 1970
|
20
|
20
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1970 - 1971
|
22
|
20
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1971 - 1972
|
22
|
20
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1972 - 1973
|
28
|
23
|
31
|
-
|
-
|
-
|
1973 - 1974
|
65
|
28
|
70
|
-
|
75
|
-
|
1974 - 1975
|
65
|
-
|
70
|
-
|
75
|
-
|
1975 - 1976
|
65
|
-
|
70
|
-
|
75
|
-
|
1976 - 1977
|
65
|
-
|
70
|
-
|
75
|
-
|
1977 - 1978
|
65
|
-
|
70
|
-
|
75
|
-
|
Source: Ministère de l'Agriculture Statistique
agricole de Côte d'Ivoire 1981, p 84
|