II- L'ACTION PARTICULIERE DU PRESIDENT FELIX
HOUPHOUËT BOIGNY EN FAVEUR DE LA RIZICULTURE
Le premier président ivoirien, Félix
Houphouët Boigny a toujours accordé de l'importance aux cultures
vivrières notamment la riziculture. Ainsi au lendemain de
l'indépendance, face à l'évolution démographique,
il encourage la culture du riz à travers plusieurs actions.
1- Un volontarisme politique
Félix Houphouët Boigny était certes un
homme politique mais également un paysan. En 1944, il fut à
l'origine de la création du Syndicat Agricole Africain (SAA). Il n'a
jamais rompu les liens avec l'agriculture. Il avait pour souci le
développement de la riziculture.
Déjà en 1946, à la tête du SAA, il
montre son intérêt pour la culture du riz en recrutant des jeunes
pour la traite du riz dans l'ouest du pays. Ces derniers devaient travailler
dans les rizeries pour la réussite de la campagne rizicole. Signe
évident que les intérêts de l'économie de plantation
n'occultaient nullement ceux de l'économie vivrière pour le
président Houphouët Boigny45.
Au lendemain des indépendances, Houphouët Boigny
lança un programme intérimaire pour le développement de la
riziculture. Ce programme avait pour objectif d'analyser et de renforcer la
politique rizicole à travers des prêts étrangers. Ainsi, de
1960 à 1963, les actions de ce programme ont été
coordonnées par Houphouët Boigny, qui dès 1964 décide
de la création d'une section de riz au sein de la Satmaci avec pour
mission de mécaniser et développer la culture du
riz46. Ce désir devient une réalité quelques
mois plus tard, puisque le 03 octobre 1964 le président Houphouët
au cours d'un meeting du PDCI-RDA au stade Félix Houphouët Boigny
à Abidjan affirmait que « Grâce aux prêts Allemands
de 1,890 milliards de francs Cfa pour la
45 J, P, CHAUVEAU, op.cit p98
46 Jacqueline DUTHEIL de la Rochère : 1976,
l'Etat et le développement économique de la Côte
d'Ivoire, p155
37
riziculture nous allons pouvoir intéresser nos
paysans à de nouvelles cultures en particulier le riz, le coton, la
canne à sucre dont ils obtiendront d'heureux résultats par la
pratique de méthode moderne notamment la mécanisation
»47.
En outre, le président Houphouët prenait souvent
l'initiative de réunir chez lui à Yamoussoukro, les planteurs
pour montrer ce qu'il fait en matière de riziculture. D'ailleurs, comme
le souligne Gérard YAO, ancien directeur régional centre de la
Soderiz, « Le Président Félix Houphouët Boigny
avait ses rizeries à Yamoussoukro, de prés d'une quarantaine
d'hectares. Tous les bas-fonds situées à gauche en partant vers
la basilique étaient occupés pour la riziculture
»48. Il leur expliquait les difficultés
surmontées et les encourageait à l'imiter. Aussi faisait-il
visiter ses réalisations agricoles à ses camarades membres du
PDCI-RDA et aux jeunes cadres, tout en les pressant de l'imiter, afin
d'entrainer l'adhésion de la population à l'opération riz
de 196749. Cette opération consistait à diminuer, si
possible à mettre fin aux importations de riz jusqu'en 1970. Durant
cette période, Félix Houphouët Boigny prit son bâton
de pèlerin en sillonnant tout le pays.
En 1965, revenant d'un voyage officiel en Haute Volta, c'est
à Korhogo qu'il s'arrête pour inviter « les paysans ses
frères» a redoubler d'effort pour que la Côte d'Ivoire
n'importe plus du riz et qu'elle puisse consacrer les devises gagnées
à l'achat d'équipements et non d'aliments50. Ainsi ses
tournées dans le Nord du pays avaient pour but de
rééquilibrer la croissance au profit des zones
déshéritées de savanes. Cela ne serait possible que si les
populations s'impliquaient d'avantage à faire la
riziculture51. Lors de ses tournées, il exhortait les paysans
à produire le riz, qui était considéré comme
l'aliment le
47 Fraternité Matin du 04 octobre 1964 n°
234 p 13
48 G, YAO, ancien directeur régional Centre
Soderiz, 1973- 1977, entretien réalisé le 14 Octobre 2011
à Abidjan Marcory.
49 A, SAWADOGO : 1973, L'agriculture en Côte
d'Ivoire, Paris, PUF, p238
50Idem, p 239
51 B, COMTAMIN, A, Yves FAURE : 1990, La bataille
des entreprises publiques en Côte d'Ivoire 1960 - 1980, Edition
Karthala, Paris, p187
38
plus consommé des Ivoiriens. En outre, il leur
promettait de moderniser la culture du riz. Ainsi à l'occasion du nouvel
an, dans son discours du 31 décembre 1966, Félix Houphouët
Boigny affirmait que : « la mécanisation de la riziculture est
une nécessité impérieuse pour le développement de
notre pays. Nos paysans doivent s'approprier la culture du riz afin
d'éviter un déficit alimentaire au pays
»52.
Dans le cadre de cette politique de développement de la
culture du riz, le président Houphouët Boigny initia un concours
national, qui mettait en compétition les différents producteurs
et les sous préfectures. Cela fut suivi des finales régionales.
Ce concours était organisé dans le cadre de la valorisation de
l'agriculture notamment la riziculture. Les meilleurs riziculteurs
régionaux étaient primés dans le cadre de « la
coupe nationale du progrès »53. C'est le cas de
madame Silué Tchafaga qui a remporté la coupe nationale du
meilleur riziculteur de la région des savanes en 196854. Les
lauréats bénéficiaient d'une somme importante d'argent et
de moyens matériel pour la riziculture. En plus de ces
récompenses en nature et en argent, les différents
lauréats reçoivent une distinction honorifique. Le premier de la
coupe nationale du progrès est décoré des grades
d'officier de l'ordre national et d'officier du mérite agricole. Avec
l'instauration de la coupe nationale du progrès, Félix
Houphouët Boigny amenait les médias à porter un
intérêt aux actions en faveur du monde rural à travers
plusieurs émissions organisées à la radio et à la
télévision nationale. Les émissions étaient
réalisées et diffusées en langues nationales et en
français. Au cours de ces émissions, des spécialistes de
la culture du riz sont invités pour donner des conseils aux paysans sur
les techniques de culture du riz irrigué et du riz pluvial. Aussi la
radio organise des reportages auprès des riziculteurs. Au départ
la coupe nationale était une émission de la radio diffusion
ivoirienne
52 F, H, BOIGNY : 1978, Anthologie des
Discours 1946 - 1978, édition CEDA, tome 2, p 706
53 Elle a été institué par le
président Félix Houphouët Boigny après
l'indépendance afin de sensibiliser et faire participer de façon
active les collectivités rurales et les paysans au développement
global du pays.
54 Fraternité Matin du 10 avril 1968, p 7
39
instituée sur instruction du président
Houphouët Boigny avant d'être par la suite transformée en une
compétition agricole. Comme émission on avait « brave
paysan, en route pour le champ, etc.. »55. Ces
émissions indiquaient le bien fondé de la riziculture pour le
paysan et pour le développement économique du pays. Félix
Houphouët Boigny a marqué sa volonté de développer la
culture du riz, tout en amenant les paysans à conjuguer leurs efforts
pour satisfaire les besoins alimentaires de la population. Toutes ces actions
visaient à faire face à la forte croissance démographique
due à l'augmentation rapide du taux d'urbanisation.
|