III.8 Causes des ventes des terres agricoles
Aujourd'hui, on observe de plus en plus le passage de la terre
propriété collective (champ familial) à la terre
propriété individuelle (champ individuel). Une des
conséquences directes de cette nouvelle tendance est l'ouverture
à la voie des ventes des terres.
L'individualisation de la terre est un des facteurs qui
rendent possible la vente des terres, brisant ainsi les principes sacro-saints
d'inaliénabilité qui rend impossible tout transfert
définitif de doit de propriété à des fins
pécuniaires.
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Ceci dit, les ventes des terres agricoles par les paysans sont
toujours des phénomènes de désolation. Elles sont
généralement causées par les besoins sociaux.
Selon les paysans, les ventes des terres sont soit
causées par le manque des ressources financières pour
répondre aux dépenses des cérémonies et
éviter certaines humiliations dans la famille, soit par des
problèmes d'héritage ou par crainte d'être exproprié
sans contre partie, mais aussi compte tenu de la taille du champ n'est pas
viable suite aux multiples morcellements.
En effet, suite à un accroissement démographique
de plus en plus important, on assiste à un morcellement accru des champs
familiaux (gandu), entraînant du coup leur disparition progressive. Cette
situation constitue une des causes des ventes des terres agricoles.
III.9 Effets des ventes et expropriations des terres
sur la sécurité alimentaire
Que ça soit la vente des terres par les paysans aux
spéculateurs ou la dépossession par expropriation faite par les
communes, il s'agit là des actions de décapitalisation des
paysans de leurs terres agricoles. Cette situation impacte la
sécurité alimentaire des populations rurales par la
réduction ou la détérioration des superficies
cultivées.
En effet, dans le cas des ventes, il arrive que certains
paysans en vendant leurs terres n'achètent pas d'autres terres. Ils
essaient difficilement de s'adapter dans la pratique des activités
génératrices de revenus. Généralement ces paysans
se retrouvent sans revenus, sans activité et sans terre.
D'autres par contre, achètent des terres loin de leur
village. Mais l'inconvénient tient au fait que les paysans se voient
confrontés au problème d'apport en matières organiques,
puisque ne disposant pas de moyen de transport pour les acheminer. Et
généralement il s'agit des terres pauvres, ce qui explique le
besoin des propriétaires de s'en débarrasser.
Il est clair que les ventes des terres ont des
conséquences négatives sur la sécurité alimentaire
des ménages ruraux, puisqu'elles réduisent les superficies
cultivables.
III.9.1 Effets sur la production agricole
De façon générale, le bilan
céréalier des 5 dernières années fait ressortir que
la ville de Zinder enregistre chaque année un déficit
céréalier chronique de plus de 50%.
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Graphique 7: Bilan céréalier de
la ville de Zinder sur 5 ans (Source: Service Communal de l'agriculture de
Zinder, 2011)
Cette situation est ressortit dans plusieurs villages
périphériques comme le montre le tableau n°1.
Villages
|
Population 2011
|
Degré de déficit
|
Djambourou
|
469
|
60%
|
Kachéni
|
565
|
55%
|
Madatey
|
4289
|
55%
|
Banguia
|
290
|
55%
|
Kangna
|
4434
|
55%
|
Midick
|
3526
|
55%
|
Garin Liman
|
989
|
55%
|
Malam Amar
|
1079
|
55%
|
Tableau n°1 : Liste des villages
déficitaires à + de 50% au niveau de la ville de Zinder
(Source : Service Communal de l'Agriculture de Zinder, 2011)
Ce déficit céréalier s'explique en partie
par une croissance démographique galopante (3%), alors que le rendement
des différentes cultures vivrières connait de baisse en raison de
la faible utilisation des engrais, mais surtout de la réduction des
superficies (taux d'urbanisation en 2011 de 16,1% contre 21% pour le Niger).
INS, 2011.
Selon les résultats de l'évaluation
préliminaire sur la campagne agricole (2011), 74 075 personnes sont
concernées par le déficit céréalier au niveau de la
Ville de Zinder, ce qui est considérable et inquiétant compte
tenu des conditions dans lesquelles se pratique cette agriculture, la
réduction de la superficie se traduit par une diminution sensible de la
production.
L'étalement urbain, cause majeure de l'accentuation des
transactions marchandes entraine de plus en plus la transformation des terres
agricoles en habitation, au lieu de servir à produire
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des céréales pour les populations. Sachant que
dans les conditions actuelles de l'agriculture nigérienne un
accroissement sensible de la production s'explique par un accroissement des
superficies.
Aussi, comme bien d'autres, un paysan du village de Babban
Tapki (village périphérique de Zinder) qui possédait 3
champs d'une moyenne d'un ha chacun, s'est vu exproprié deux de ses
champs. Ce paysan s'est retrouvé après parcellisation de ses
terres avec 7500 m2 dont la production ne dépasse pas deux
à trois mois. Ce qui a réduit considérablement sa
production, alors que les parcelles obtenues ne peuvent pas faire l'objet d'un
investissement conséquent (nos enquêtes, 2011).
Au regard de tout ceci, et tenant compte des critères
de vulnérabilités classiquement retenus au Niger, dont le
déficit céréalier, on constate que cette zone fait partie
des zones vulnérables du Niger (i3N, 2012).
Ainsi, selon le classement fait dans le cadre de l'i3N, Zinder
figure parmi les moyennement vulnérables.
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