2.1.2.2.5. Performance sociale
Si la littérature relative à la GRH regorge
d'études ayant analysé l'impact des pratiques de GRH
spécifiques ou d'un ensemble de pratiques de GRH sur la performance des
entreprises en général (BOSELIE et al. 2005, GUEST et al. 2003,
HILTROP 1996, HUSELID 1995, ...), peu de ces études se sont
attardées spécifiquement et uniquement sur l'analyse de la
performance sociale des entreprises. Ainsi, quand la notion de performance ne
se focalise pas principalement sur des mesures financières (GUEST et al.
2003, ROGERS et WRIGHT 1998, ...), elle est alors appréhendée de
manière plus globale. La performance est dans ce cas approchée
selon différents niveaux qui sont généralement
combinés et qui sont sensés s'influencer les uns les
autres : un niveau social via l'analyse du turnover, de
l'absentéisme, ... ; un niveau organisationnel via notamment
l'analyse de la productivité, de l'innovation, ... ; un niveau
économique via l'analyse de la rentabilité, de la performance
financière, de la croissance des ventes,...Dans le cadre de cette
étude, c'est plus spécifiquement à la performance sociale
que nous nous intéressons.
Diverses approches fondatrices de la pensée en
management, se sont préoccupées de montrer l'utilité d'un
lien entre la performance attendue par les dirigeants, et une certaine
satisfaction des composantes sociales. Elles s'opposent aux approches
théoriques qui estiment que la performance sociale est à
proscrire, quand l'objectif essentiel est de servir les intérêts
des propriétaires-actionnaires. Elles entendent pour leur part, que les
dirigeants trouveraient avantage à faire preuve d'une attention
particulière à l'égard d'autres parties prenantes.
TAYLOR a pensé que l' « organisation
scientifique du travail » (OST) pouvait parvenir à
établir l'harmonie au sein des entreprises, grâce à la
satisfaction conjointe des intérêts économiques bien
compris, de l'employeur et des ouvriers. La performance qui l'a
préoccupé en priorité, est la performance humaine, et en
particulier la productivité individuelle du travail. L'ouvrier est
supposé faire de nombreuses concessions en vue du seul gain
économique. Il ne doit pas travailler au gré de son inspiration,
mais au contraire en se conformant strictement aux règles
comportementales très précises, prédéfinies en
dehors de lui, par des spécialistes des méthodes de travail. Il
accepterait de faire l'apprentissage, puis de se plier aux normes de
compétences requises. Il est prétendu être stimulé
par la perspective de recevoir un très haut salaire, s'il parvient
à réaliser la quantité de travail prévue.
Mais le courant de pensée dit « relations
humaines », apparait à travers plusieurs analyses de ses
représentants, comme une réaction contre le taylorisme.
L'idée que la satisfaction de besoin non économique des
salariés puisse améliorer la valeur ajoutée de
l'entreprise, est développée à travers différentes
analyses. Les enquêtes à l'atelier de Hawthome de la Werstern
Electric ont montré (F. J. ROETHLISBERGER, et W. J. DICKSON, 1939),
entre autres, qu'une personne pouvait tirer satisfaction de son travail et s'y
impliquer, si des liens de solidarité existaient entre les personnes, si
des relations de confiance étaient développées entre les
dirigeants et les employés, et si le groupe pouvait se mobiliser sur ses
objectifs. MASLOW (1954) a souligné qu'un individu serait incité
à s'engager dans son travail, s'il percevait que les besoins divers
(physiologique, sécurité, appartenance, estime,
épanouissement, ...) qu'il ressentirait, pourraient être satisfait
dans son organisation d'appartenance. Un style de commandement attentif aux
personnes, devrait encourager un bon moral, lui-même supposé
favorable à l'augmentation de la productivité, et à la
baisse de l'absentéisme et des départs.
La satisfaction de besoins affectifs et de
développement intellectuel, serait la condition d'un engagement dans le
travail, et dans les objectifs organisationnels. L'état d'esprit
général de ces analyses, traduit une morale personnaliste et
utilitariste. Ce type d'argumentaire sur les avantages économiques et
sur la régulation harmonieuse des relations intra-organisationnelles,
permis en raison du respect exprimé aux personnes, et grâce au
développement des ressources humaines, s'observe dans de nombreuses
analyses de GRH. Du fait de la difficulté à faire la preuve de
retours d'un investissement en ressources humaines, on en vient
fréquemment à invoquer les bienfaits de la philanthropie.
Quant à l'approche de théorie des organisations
dite « socio-technique », l'organisation du travail ne
dépend pas seulement de la technologie, ni seulement des comportements
humains, mais au moins des deux à la fois. Elle voit l'entreprise comme
un système ouvert, en interaction continuelle avec son environnement.
Elle s'inspire de « la théorie générale des
systèmes » définie par Von BERTALANFFY en 1937 (1956).
Un système étant une collection d'entités en interactions,
la vision socio-technique s'attache à explorer les rapports qui existent
entre la technologie et un groupe social. Si « le tout est plus que
la somme des parties », on aurait à gagner en
productivité et en qualité de la vie au travail, à tenir
compte de ces relations. L'analyse socio-technique, est une défense de
la légitimité productiviste de la notion de qualité de la
vie au travail. Elle se positionne comme une remise en cause radicale des
représentations mécanicistes de l'organisation du travail,
inspirées de l'OST. Elle montre les contradictions de la quête de
productivité de l'organisation taylorienne. En séparant
strictement les activités de conception du travail de celles
d'exécution, l'OST ne tirerait pas partie de la multiplicité des
capacités en réserve chez un être humain. Ces approches ont
été assez en vogue avec le courant « conditions de vie
au travail » des années 1960 et 1970. Si la question des
conditions meilleures de vie au travail est toujours apparente, on insiste
surtout aujourd'hui sur la formation et l'information des salariés, le
plus en amont possible d'un projet de changement technique. Cette approche
illustre, à travers sa conception de l'intervention
intra-organisationnelle, une recherche d'intersubjectivité entre les
protagonistes, sur ce que devrait être l'organisation. Ces concepteurs
soulignent fréquemment que le diagnostic et la recherche de solutions
aux problèmes rencontrés, doivent se faire avec toutes les
personnes qui seront touchées par les solutions décidées.
Les négociations qui en découleront permettraient
d'intégrer des solutions locales à un projet global, en tenant
compte des contraintes et des logiques propres à chaque situation de
travail.
Bien que chacune de ces approches soit l'une contre l'autre,
elles se rejoignent à certains niveaux. Ainsi, Taylor bien qu'il mette
l'accent sur la démarcation entre l'exécution et la conception
dans l'organisation, souligne le salaire au mérite. Il condamne alors
l'incompatibilité entre le travail et la
rémunération : les propos de Taylor sont fortement
imprégnés de morale. Le courant dit « relations
humaines » bien qu'en allant contre le taylorisme en
développant que la satisfaction des besoins non économiques des
salariés puisse améliorer la valeur ajoutée de
l'entreprise, parle indirectement de la récompense liée au
travail. C'est ainsi que MASLOW a souligné qu'un individu serait
incité à s'engager dans son travail s'il percevait que les
besoins divers qu'il ressentirait, pourraient être satisfaits dans son
organisation d'appartenance. L'analyse socio-technique, est une défense
de la légitimité productiviste de la notion de qualité de
la vie au travail. Elle se positionne comme une remise en cause radicale des
représentations mécanicistes de l'organisation du travail,
inspirées de l'OST. Elle montre les contradictions de la quête de
productivité de l'organisation taylorienne. En séparant
strictement les activités de conception du travail de celles
d'exécution, l'OST ne tirerait pas partie de la multiplicité des
capacités en réserve chez un être humain.
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