La "vie de nuit " dans la ville de Ngaoundéré au Cameroun de 1952 à 2009( Télécharger le fichier original )par Nicolas OWONA NDOUNDA Université de Ngaoundéré Cameroun - Master en histoire 2009 |
2. L'administrationLes différentes administrations ont jusqu'ici eu beaucoup de mal à faire respecter la loi interdisant la prostitution. En effet, il faut déjà dire que, de l'avis de la gérante d'un circuit au quartier Baladji I, les «gros bonnets» de la ville comptent parmi ses clients les plus fidèles. Comment faire respecter une loi dont on profite soi-même ? C'est donc assez paradoxal de demander aux administrateurs de mettre fin à un commerce dans lequel ils participent comme clients. Ce fait est d'autant plus important que la gérante nous confie que ses services sont très souvent sollicités quant il y'a un haut responsable de l'administration centrale dans la ville. Il faut dire que, que ce soit dans la partie septentrionale du Cameroun, ou dans la partie sud du pays, la prostitution prend une place aussi importante que les autres métiers. Elle est pratiquée au vu et au su de tous, et les tenancières de ces maisons n'ont peur de personne, de par leur position sociale. Abdelnasser Garboa, parlant de la pratique de la prostitution dans la région septentrionale, révèle par ailleurs que : Les tenancières de bordel s'attaquent à n'importe qui dans un franc parler qui frise l'insolence. Connaissant chacun des membres de la société qui les auraient contactées à un moment ou un autre, elles sont le véritable baromètre de la société dans laquelle elles vivent. L'affluence dans leurs commerces détermine le niveau de vie de la crise économique dans la ville. La mine des visiteurs permet de mesurer le pool de l'humeur collective. De toutes manières, aucune information, aucun fait, aucune situation nouvelle, ne peut se dérouler à l'insu de la "Dada Sare" ou tenancière de bordel. 296(*) Une autre raison pourrait expliquer cette situation à savoir le réemploi des prostituées. La difficulté se trouve au niveau de la réinsertion sociale de ces prostituées qui généralement n'ont aucune qualification. Elles sont plusieurs centaines dans la ville. Et si l'on doit considérer toutes les personnes qui vivent parallèlement à ce commerce, les enfants des prostituées, les propriétaires des débits de boissons, les vendeurs de beignets et de poissons braisés...le nombre de personnes va à plusieurs milliers car la prostitution est un réseau. Cela poserait donc un véritable casse-tête au gouvernement qui ne parvient déjà pas à employer les jeunes diplômés. Ainsi, pour ne serait-ce que marquer un frein au phénomène, l'administration s'appuie sur les actions de la police. 3. La policeDans un article de Claudia Engouté297(*), le commissaire central de Ngaoundéré, Joseph Temde parle de la lutte contre la consommation du Tramol et des problèmes qu'il rencontre. Pour lui, C'est un véritable fléau qui sévit au sein des exploitants de motos-taxis. Notre premier objectif était d'identifier les sources d'approvisionnement. Ce qui a déjà été fait : ce sont les vendeurs de médicaments de la rue, mais également ceux qui vendent du thé en bordure de route. Seulement, il est difficile pour nous de mener une quelconque opération, bien que nous parvenions tout de même à mettre la main sur les consommateurs et les dealers tous les jours. Sur 10 conducteurs de motos, 7 en consomment. Ce qui est énorme. Ainsi, deux types d'actions sont menés par la police de Ngaoundéré : une préventive et une autre répressive. La méthode préventive consiste à lutter contre la vente de médicaments dans la rue. Nous allons à la source et empêchons l'approvisionnement de ce stupéfiant, et la méthode répressive est que ceux qui sont pris en possession de cette drogue sont déférés automatiquement au parquet. Il est malheureusement à déplorer la recrudescence des points de vente malgré tout. Cela s'explique par le fait que les différents dealers et consommateurs connaissent tous les agents de police. Qu'ils soient en civil ou en tenue, ils les connaissent tous précise le commissaire central. C'est un combat qui doit se faire avec des hommes qui ne sont pas connus. Généralement, nous passons par personnes interposées. Ce qui est vrai, c'est que les pouvoirs publics ne prennent pas cette affaire au sérieux. On nous abandonne tout, alors que chacun doit mettre la main à la patte pour lutter contre ce fléau. Nous n'avons pas tous les moyens nécessaires. Je n'ai que mes yeux pour pleurer. Il n'y a rien dans ce commissariat, pas d'hommes, pas de matériel de travail. On nous amène à nous surpasser ; c'est d'ailleurs ce qu'on fait.298(*) La consommation de la drogue n'est pas seulement le problème de la nuit. Mais, on en ressent les conséquences à travers les agressions, les braquages, les viols et autres méfaits. Les auteurs de ces forfaits usent de la drogue comme source de courage. Mais à cours terme, l'excitation constante des nerfs provoquée par ces médicaments peut se révéler dangereuse. Plusieurs jeunes dans la ville se promènent du soir au matin et vice versa, dans un état de quasi folie, et les témoignages des populations incriminent la drogue. En ce qui concerne la prostitution, les rafles sont régulièrement effectuées dans les quartiers Baladji I et Joli Soir, mais sans autre forme de procès. Il est donc clair que les problèmes que pose la vie de nuit sont loin de trouver solution. Ils sont l'expression même de la conjoncture sociale et ne peuvent se régler qu'à la source : résoudre les causes de la prostitution par exemple serait déjà faire un grand pas vers la fin de ce métier, le plus vieux du monde. * 296 Abdelnasser Garboa, "Cameroun : la prostitution à l'ombre du Sare", in Mutations du vendredi 9 juillet 2004. Article en ligne sur le site http://www.afriquechos.ch site Internet visité le jeudi 06 août 2009) * 297 Engoute C., Les "benskinneurs" se shootent au Tramol, article paru dans le journal Mutations du 07 avril 2009. Article mis en ligne sur le site www.cameroon-info.net. Consulté le 06 août 2009. * 298 Ibid. |
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