2) L'empirisme de terrain
a) S'entretenir en plusieurs langues
Lors du premier entretien réalisé, nous avons
conversé en roumain. Pour ma compréhension, Mh. a parfois
dû se répéter ou parler plus lentement. Il est donc
envisageable que Mh n'ait pas exprimé tout ce qu'elle voulait en une
heure. Il est également fort probable que je n'aie pas relevé
certains éléments signifiants, au cours de l'entretien. J'ai pris
la liberté de traduire cet entretien en français.
Lors des entretiens en anglais et en français, les
acteurs s'exprimaient dans un langue étrangère. Parfois, ils
n'ont pas utilisé le mot juste. Parfois, la tournure de leurs phrases
était incorrecte. Je me suis permise de corriger certaines erreurs, lors
de la retranscription. Toutefois, j'ai taché de rester fidèle au
sens que les acteurs avaient donné à leurs propos.
b) L'absence de l'OFII et des migrants
Avant mon départ en Roumanie, j'avais adressé
deux courriers à l'OFII, sollicitant des entretiens. L'un était
destiné à la direction territoriale de l'OFII de Poitiers.
L'autre était adressé au siège de Paris, dans le but
d'obtenir un rendez-vous avec le représentant de l'OFII à
Bucarest.
Aucune réponse ne m'a été
retournée et sur place, l'OFII de Bucarest n'a pas accepté de me
rencontrer.
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Les migrants roumains ayant bénéficié des
ARH sont quasi exclusivement des Roms. Toutefois, il est très
délicat de tenter d'identifier les Roms en Roumanie. En effet, peu
d'entre eux sont inscrits sur les listes électorales. De plus, lors
d'une brève rencontre, une personne rom préfèrera se
présenter comme « non-rom ».49 Ensuite, il faut
identifier les Roms ayant migré en France, puis ceux ayant reçu
des ARH. Cette entreprise s'avère très compliquée et son
succès n'est pas assuré.
C'est pourquoi j'espérais pouvoir obtenir des contacts
de migrants ayant été reconduits, dans le cadre d'ARH, par
l'intermédiaire des ONG conventionnées par l'OFII pour prendre en
charge leur réinsertion. Trois de ces quatre ONG ont refusé de me
rencontrer. La présidente de Generatie Tanara, avec laquelle je me suis
entretenue, n'a pas accepté de me communiquer ses contacts. M.P. n'a
pas, non plus, consenti à me révéler combien de migrants
avaient été reconduits par l'OFII, dans le comté de
Timis.
Les anciens membres de Parudimos qui avaient travaillé
avec des migrants à l'étude de faisabilité d'un projet de
réinsertion, n'ont plus de contacts avec ces personnes. Ils supposent
qu'ils sont repartis en France. En effet, une grosse majorité des
migrants repartent en France assez rapidement. Différentes sources
expliquent que 75 à 90 % des migrants reconduits par l'OFII seraient
repartis.50
Tous ces éléments m'ont conduite à me
demander en quoi le manque de cohérence politique du « programme de
retour » mis en place pour les Roumains, favorise non seulement la
circulation des populations, mais participe à masquer la
réalité sociale de cette migration, empêchant une gestion
appropriée de ce phénomène migratoire ?
Pour répondre à cette question, dans une
première partie, j'axerai ma réflexion sur le manque de
cohérence politique de ces programmes. En effet, ils incluent des
acteurs très hétérogènes, sans réelle
coopération entre eux. Ces différents acteurs ont des conceptions
bien différentes de l'action sociale, des programmes de retour
humanitaire et des aides à la réinsertion. De plus, l'absence de
réinsertion favorise la mobilité des migrants.
Dans une seconde partie, je montrerai comment le manque de
coopération entre les différents acteurs, conduit à une
méconnaissance des communautés migrantes et de leur
phénomène migratoire.
Enfin, je mettrai en avant, dans une troisième partie,
les tentatives de gestion des mobilités des Roms. J'expliquerai en quoi,
et pourquoi, ces tentatives ne sont pas appropriées aux
49 Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer.
Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, Human
dynamics, Bucharest, 2008, p. 10.
50 Annexe 1 : extraits d'entretiens.
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communautés qu'elles ciblent.
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