3) Une population marginalisée
Le réseau Migreurop est formel à ce sujet :
« la stigmatisation des deux derniers pays entrés dans l'UE
vise principalement la forte proportion des Roms parmi leurs habitants, surtout
en Roumanie. »41 En effet, selon eux, en 2008, 12 000
citoyens européens, principalement Roms, ont été
déplacés, d'un pays à un autre, au sein de l'UE. Ils
rappellent « qu'il n'y a pas si longtemps, leurs semblables avaient pu
se voir reconnaître la qualité de réfugié, eu
égard aux persécutions qu'ils avaient subies en Roumanie.
»42 Pour certains, les discriminations qu'ils subissent en
Europe centrale et orientale seraient la raison principale de leur migration.
Les représentations que l'on se fait d'une population peuvent donc
évoluer rapidement. Les Roms, qui furent considérés comme
une population à aider et à accueillir, sont devenus une
population à refouler. Dès lors, on peut
37 Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op.
cit., p. 85.
38 Diminescu D., « Stratégies roumaines »,
Plein droit, n°55, décembre 2002.
39 Arab C. « La circulation migratoire : une notion pour
penser les migrations internationales », e-migrinter, 2008,
n°1, Poitiers.
40 Hily M-A., « Les migrations comme objet de recherche
», in Akoka K., Gonin P., Hamelin D. (dir.), Migrants d'ici
et d'ailleurs. Du transnational au local, 2009, Ed. Atlantique, Poitiers,
p. 36.
41 Migreurop, Atlas des migrants en Europe.
Géographie critique des politiques migratoires, 2009, Armand
Colin, Paris. p. 25.
42 Ibid. p. 27.
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considérer qu'un changement, dans les
représentations que l'on se fait d'une communauté, est le
corollaire d'un changement de pratique à son égard.
Les Roms sont toujours très largement
marginalisés et discriminés en Roumanie. Le terme « Tsigane
» est souvent employé de manière péjorative. Notons
que les Roms discriminent, également, les « non-Roms » : les
« Gadje ». Malgré cela, je tiens à préciser que
des politiques publiques ont été lancées pour tenter de
lutter contre ce phénomène. Le gouvernement roumain et l'Agence
Nationale pour les Roms (ANR) ont lancé le projet Stop
prejudecatilor despre etnia roma (SPER) en mai 2007. Ce projet est
financé par les fonds européens Phare (fonds de
pré-adhésion et de passage aux fonds structurels). Comme nous le
voyons ici, les Roms sont identifiés et comptabilisés comme
appartenant à « l'ethnie Rom ». Tout le paradoxe de cette
situation réside dans le fait que cette « identification »
peut également être la pierre angulaire de discriminations. Ces
politiques publiques font suite aux recommandations de l'UE en matière
de respect des Droits de l'Homme. Une grande partie de la société
roumaine reste méfiante par rapport à ces politiques.
Les évolutions de l'imaginaire collectif
français peuvent expliquer, en partie, les évolutions des
pratiques de retour des ressortissants roumains. Ces derniers s'adaptent
à leurs nouveaux statuts et aux nouvelles représentations dont
ils sont affublés. L'OFII adapte également ses pratiques aux
évolutions des représentations des Roumains, et notamment des
Roms roumains. La communauté Rom roumaine est aujourd'hui
considérée comme « refoulable » et occupe le premier
rang des bénéficiaires d'ARH.
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