2) Une population migrante méconnue
Le terme « Rom » regroupe des communautés bien
différentes. Dans une première partie, je tenterai de mieux
définir cette population. De nombreuses idées reçues
subsistent à l'encontre des Roms. Nous verrons quels sont les stigmates
qui les touchent toujours, à l'heure actuelle.
a) Les enjeux de la définition d'une
population
Les Roms forment le groupe tsigane le plus important d'Europe.
Le terme Rom est souvent considéré comme une dénomination
« politiquement correcte » des Tsiganes. G. Fleck, I. Florea, D. Kiss
et C. Rughinis soulignent la complexité que représente la
définition d'un groupe. « While in survey questions and in our
discussions we often use the ethnonym «Roma», it is important to keep
in mind that this is still contested in Romanian society, also by Roma people
themselves, and Tigani is still widely used by Roma and non-Roma alike -
although with different meanings and connotations. »128
Sauf exceptions, ils sont tous sédentaires et sont loin de former une
population homogène. En effet, il y a au sein de ce groupe, de multiples
communautés et de fortes inégalités sociales et
économiques. Les différentes communautés ne sont pas
nécessairement liées les unes aux autres. Le sentiment
d'appartenance à l'une de ces communautés est parfois plus fort
que le sentiment d'appartenance au groupe Rom. Les auteurs mettent en
lumière le fait que 45 % des Roms interrogés se
considèrent « Rom romanisés », 23 % se
définissent comme « simplement tsiganes » et 32 % se
réfèrent à une communauté « (Rudari,
Cãldãrari, Ursari, etc) ».
Ceci nous permet d'affirmer que l'appartenance d'une personne
au groupe Rom n'est pas une donnée fixe. Certaines personnes ont des
origines tsiganes mais ne se considèrent pas, ou ne sont pas
considérées, comme tel. À l'inverse, certaines personnes
n'ont aucune origine tsigane mais se considèrent, ou sont
considérées comme tel. L'écart que l'on peut parfois
observer entre la manière dont une personne se définit et la
manière avec laquelle elle est définie par les autres, est
révélateur du caractère subjectif de l'appartenance d'une
personne à un groupe, ou à une ethnie. « Categories of
classification such as ` Roma' are not fixed or immutable; they may be expanded
or contracted to include or exclude. [...] Therefore, the author suggests that
the stigma of the Gypsy identity takes
128Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer.
Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, op. cit.,
p. 63.
50
precedence over the stigma of extreme poverty, and in some
cases the poor actually become classified as Gypsy. »129
Ainsi, être Rom ou Gipsi peut, pour certaines personnes se résumer
à être pauvre. Dès lors, ce groupe n'est plus perçu
par ces personnes comme une ethnie, mais comme une classe. Il est très
délicat de tenter de définir qui sont les Roms et ce qui fait
d'eux des Roms. Le seul critère valable, à mon sens, est la
manière dont les personnes se considèrent. Il ne s'agit pas
seulement de la manière dont elles se définissent, mais ce
qu'elles ressentent. Lors des recensements roumains, les personnes doivent
s'autodéclarer de telle ou telle ethnie. Au cours des périodes
pendant lesquelles les discrimination subies par les Roms sont les plus
intenses, le nombre de personnes déclarant être Rom, est faible.
Lors d'une période plus calme, ce chiffre augmente. Le dernier
recensement en Roumanie fait état de 500 000 Roms présents sur le
territoire. Certaines ONG déclarent qu'ils sont jusqu'à 2 000
000, sur un total de plus de vingt-et-un millions d'habitants130.
Comme nous venons de le voir, cerner qui sont les Roms et quel
est leur mode de vie n'est pas une tache facile. Cela demande d'aller à
la rencontre des personnes et d'essayer de comprendre ce qui sous-tend leur
sentiment d'appartenance. Les pouvoirs publics, ainsi que les ONG et le milieu
associatif ne semblent faire cet effort que très rarement.
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