C) Des aides à la réinsertion
improductives ?
Comme nous venons de la voir, sans les aides à la
réinsertion, les programmes d'aide au retour ne peuvent pas être
humanitaires. Ce sont des associations locales, qui sont chargées par
l'ANAEM d'effectuer un suivi social des personnes, puis de réaliser une
étude de faisabilité du projet de réinsertion
économique du migrant. Ce suivi social semble très difficile
à obtenir en
94 Annexe 1 : extraits d'entretiens.
95 Annexe 1 : extraits d'entretiens.
96 Costa-Lascoux J., « Quels étrangers la France
accueille-t-elle ? », Hommes et migrations, n°1261, juin
2006, p. 1013.
97 L'OFII ne publie pas ses statistiques concernant les aides
à la réinsertion.
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Roumanie.
De retour en Roumanie, nombreux sont ceux qui espèrent
recevoir cette aide. En effet, D. m'a confié que les personnes
reconduites n'avaient pas été informées du fait qu'il
fallait monter un projet pour recevoir les aides à la
réinsertion. Selon l'Atlas des migrants en Europe98,
moins de 1 % des 8 470 Roumains retournés avec l'ANAEM en 2008 ont
bénéficié d'une aide à la réinstallation.
L'OFII ne publie pas ses statistiques concernant les aides à la
réinsertion. Les ONG locales conventionnées par l'OFII pour
redistribuer les aides à la réinsertion ne connaissent que leurs
propres statistiques et n'ont aucun moyen d'avoir une vision plus globale de la
situation. D. m'a expliqué avoir tenté d'en savoir plus sur ce
programme.
D. - «I found out that for all the people that were
sent back the year before, only 10 or 15 actually got the
money.»99
Les chiffres que D. a obtenus ne sont que des estimations mais
ils démontrent la très faible diffusion des aides à la
réinsertion. M.P., présidente de Generatie Tanara, ONG
directement conventionnée par l'OFII, est restée très
vague lorsque je lui ai demandé combien de personnes avaient,
effectivement, reçu cette aide.
M.P. -[Long silence.] « Je peux dire que les
personnes qui arrivent et qui sont repérées chez nous, ils ne
repartent pas parce que nous sommes très attentifs avec le programme
médical, avec le programme de scolarisation, avec le programme social de
réinsertion, avec le programme culturel que nous pouvons faire... de
septembre 2000 à aujourd'hui je pense qu'il y a les trois-quarts qui
sont repartis. [...] Quand je peux aider une personne à rentrer dans son
pays d'origine, et avoir un parcours de vie très normal dans son pays
d'origine... c'est déjà quelque chose d'exceptionnel pour la
Roumanie, parce que je suis ONG, je suis une association non-gouvernementale.
[...] [Les migrants], ils ne sont pas toujours tous sérieux, dommage.
»100
Le premier constat concernant l'aide à la
réinsertion est qu'elle est très peu diffusée.
Deuxièmement, cette faible diffusion paraît volontaire. Une fois
sur place, les migrants et les opérateurs locaux doivent entrer en
contact, sans l'intermédiaire de l'OFII101.
M.P. - « Nous nous chargeons de faire les recherches
dans les
98 Migreurop, op. cit., p. 93.
99 Annexe 1 : extraits d'entretiens.
100Ibid.
101Biro J.,Ba A., Charles, C. Mission CCFD-GISTI en Roumanie.
mai 2008.
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communautés, nous sommes en contact avec le maire,
nous avons une convention avec la ville de Timisoara et nous parlons avec les
autorités locales et les autorités locales nous disent qu'il y a
telle situation, et après je cherche à l'ANAEM et je discute avec
eux de la possibilité de faire un projet. Nous allons voir les
autorités locales et ensuite les familles, parce que les
autorités locales aussi peuvent avoir leur vision et leur
intérêt. Nous rencontrons les familles après avoir une
très bonne connaissance de leur situation. [...] De nombreuses fois nous
avons été en mesure de faire un projet pour les personnes en tant
qu'association. Je peux te prouver que nous avons envoyé les cadeaux,
les boites avec les vêtements et les différentes choses
nécessaires pour les personnes. »102
Nous pouvons voir, grâce à ce témoignage,
que pour Generatie Tanara, les termes « suivi social » et « aide
à la réinsertion » correspondent à de l'aide
d'urgence. De plus, l'OFII, qui est pourtant le seul organisme en Roumanie
sachant exactement combien de personnes sont revenues et d'où elles
venaient, n'intervient que dans la dernière étape du processus.
Les ONG doivent donc, rentrer en contact, avec les communautés roms de
leur localité. Les ONG roms sont celles qui communiquent le plus
aisément avec ces communautés. Or, l'OFII n'en conventionne
aucune.
D. - «They contracted an NGO in Baia Mare to do the
social reintegration of the people in Timisoara and Timis county. They don't
know anything about Timis county, about the local communities and how we run
things here. Also, the romanian NGOs, they don't know anything about
Roma.»103
Baia Mare est à plus de 400 km de Timisoara et il faut
plus de 7 heures de bus et plus de 13 heures de train pour aller d'une ville
à l'autre. Rappelons que cette aide à la réinsertion est
l'un des cinq axes du programme 301 « développement solidaire et
migration » du ministère de l'Immigration, de l'Intégration,
de l'Identité nationale et du Développement solidaire. En
d'autres termes la réinsertion des migrants doit profiter au
développement local des régions. Le fait que l'OFII ait
contracté une ONG de Baia Mare pour prendre en charge la
réinsertion des migrants de Timisoara, nous montre, que rien n'est fait
pour qu'une réelle réinsertion locale ait lieu.
Les projets doivent être d'ordre individuel. Une
commission est chargée d'évaluer les dossiers et de les
sélectionner. Qui est membre de cette commission ? Est-elle en France
où en Roumanie ? Quels sont les critères retenus ? J'ai
tenté de trouver des réponses à ces questions sur le
102Annexe 1 : extraits d'entretiens. 103Ibid.
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terrain.
M.P. - « [Les critères à respecter pour
les projets de réinsertion sont] dans une convention qu'il nous faut
respecter. Les conventions sont confidentielles, parce que nous travaillons
pour les personnes, non ? [...] Elle a été rédigée
en collaboration avec la Suisse, avec le secrétariat
général [du SSI]. »104
Des critères existent mais M.P. n'a pas souhaité
me les communiquer. D., s'occupait de l'étude de faisabilité des
projets de réinsertion, au sein de Parudimos. L'ONG de Baia Mare,
conventionnée par l'OFII, leur avait, en effet, sous-traité cette
tache, pour les migrants originaires de Timisoara. D. n'a pas eu la chance de
prendre connaissance de ces critères.
D. - «We had sent the business plan to be checked and
they told us : « it's missing this, it's missing that». [...] I asked
: «what are the rules ? You have
some guild line or some specific criteria to be used when
you right down the business plans ?» - «No, no.» Any, they don't
have any rules, nothing.»105
Ainsi, les aides à la réinsertion ne sont que
très peu diffusées et que cette faible diffusion est
volontaire.
Nous savons que les ARH ne sont pas humanitaires s'il n'y a
pas de réelle réinsertion des migrants en Roumanie. Une
réelle réinsertion des migrants entraînerait un
développement local et stabiliserait, peut-être les populations.
Une chose est sûre, sans réinsertion, il n'y a ni retour
humanitaire, ni expulsion. Au contraire, les ARH, sans aide à la
réinsertion, ne font que favoriser la circulation migratoire des roms
roumains.
D.- «Maybe if they re-discuss the program and they
put on the table all the factors, all the institutions involved in that... it
will be better. Right now, it's just a joke. The French government tries to
show to the French population that : «we send them
back».»106
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