b) En quoi ce programme de retour est-il humanitaire
?
Rappelons, tout d'abord, que l'ANAEM s'est formée par
l'absorption du SSAE dans l'OMI. Ainsi, des assistants sociaux du SSAE
travaillent au sein de l'ANAEM, devenu OFII. Les assistants sont
nécessaires à l'OFII pour justifier l'existence des ARH et des
aides à la réinsertion. Nous avons vu que les assistants sociaux
n'ont pas la même conception de l'action sociale que les auditeurs.
« Certaines assistantes sociales se plaignent de ne pas vraiment faire
de l'accompagnement social : « pour le retour humanitaire notamment, c'est
un entretien de routine, très déclaratif et on ne peut pas faire
de l'accompagnement social ». D'autres, au contraire, estiment que «
les assistantes sociales ont tout à fait leur place lors de ces
entretiens car c'est une aide pour le migrant à se positionner, à
réfléchir à son projet migratoire »93.
Ainsi, tous les assistants sociaux ne sont pas d'accord, quant au
rôle qu'ils doivent tenir et au caractère social des ARH.
Le fait que l'ANAEM, puis l'OFII aient repris
l'activité du SSI permet de légitimer l'emploi du terme «
social », pour définir ses actions. Cela permet également de
s'assurer la collaboration de certaines organisations, dites humanitaires,
rattachées au SSI.
M.P. - « On a commencé à collaborer
avec l'ANAEM, parce que je suis correspondante du Service Social International
et le SSI français était
93 Chevron S., La réforme des structures en charge de
l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, op. cit., « Entretien avec
Julie Guivarch, assistante sociale à la direction OFII de Paris Centre
et avec Elisabeth Géradin, adjoint social à la direction OFII de
Toulouse. », pp. 182-183.
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incorporé à l'ANAEM. »94
Dans le contexte des ARH, la participation et le soutien
logistique apporté par la Croix-Rouge, justifie l'appellation «
humanitaire ».
N. - « L'implication de la Croix-Rouge aussi c'est
questionnable. C'est la Croix Rouge qui fait la logistique de ça, et
ça, c'est pas humanitaire du tout. C'est plus politique.
»95
Enfin, si l'ARH était un programme humanitaire, les
personnes reconduites ne ressentiraient pas le besoin de repartir et personne
n'utiliserait ce programme à plusieurs reprises. Or, comme nous l'avons
abordé en introduction, les Roumains sont devenus les premiers
bénéficiaires des ARH. Ceci est, en partie, causé par le
fait qu'ils en profitent plusieurs fois. Cela permet à l'OFII de «
faire du chiffre », légitimant ainsi l'existence de ces programmes.
J. Costa-Lascoux, explique également, que « le nombre alimente
toujours les fantasmes : les uns l'utilisent pour asséner des arguments
d'autorité, [...] les autres recourent aux effets d'échelle et de
masse pour impressionner les esprits, ainsi que le pratiquent les mouvements
populistes, afin de laisser croire à une « invasion
étrangère ». »96 Cependant, la mise en
place de l'AGDREF change d'ores et déjà la donne.
Les ARH et les aides à la réinsertion sont des
programmes distincts. Il est possible de les cumuler mais très peu de
personnes semblent recevoir les aides à la
réinsertion97. Les ARH se destinent à des personnes
vivant dans une situation de « grande précarité ». Or,
le niveau de vie en Roumanie est inférieur au niveau de vie
français. L'Opinion et les pouvoirs publics acceptent volontiers le fait
que les migrants quittent la Roumanie pour tenter d'échapper à la
misère. Dès lors, si la situation des migrants était si
terrible en Roumanie, le fait de les reconduire dans leur pays d'origine ne
serait pas une action humanitaire. Pour que ces reconduites soient
humanitaires, il faudrait qu'un seul et même programme prenne en charge
le retour et la réinsertion, pour s'assurer que la réinsertion ne
soit pas optionnelle.
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