L'obligation d'information du banquier( Télécharger le fichier original )par Laure Reine Betga Menguete Université de Douala - Cameroun - Master 2 recherche en droit des affaires 2008 |
B- Les autorités de contrôle ou de décision des établissements de créditLa loi de 2003 sur le secret bancaire, prévoit que ce dernier est inopposable aux institutions supérieures de contrôle des finances publiques. Autrement dit, le banquier a l'obligation de donner des informations de toute nature aux institutions supérieures de contrôle des finances publiques sans se voir opposer le secret bancaire. Il sera judicieux de distinguer ces autorités de contrôle selon qu'elles sont nationales (I) ou régionales (II). I- Les autorités nationalesAu Cameroun, les autorités de contrôle des finances publiques, sont l'autorité monétaire (a), l'administration publique (b) et l'agence nationale des investigations financières (l'ANIF) (c). Le banquier doit répondre positivement à toute demande d'information provenant de l'autorité monétaire. En effet l'autorité monétaire est représentée au Cameroun par le ministre des finances. C'est donc envers celui-ci que les banques doivent donner tous les renseignements sur leurs opérations courantes avec leurs actionnaires145(*). Il est alors normal que la loi relative au secret bancaire prévoie que le secret bancaire soit inopposable à l'autorité monétaire. Il nous semble que cette loi a été adoptée en vertu de la place qu'occupe l'autorité monétaire, cette dernière étant l'organe de tutelle des établissements de crédit, et c'est par son agrément qu'un établissement de crédit ouvre ses portes. Ainsi, aucune banque ne peut exercer sur le territoire national sans avoir été agréé par l'autorité monétaire. C'est ce qui est également prévu en cas de fermeture d'une banque. L'administration publique, peut, tout comme l'autorité monétaire réclamer au banquier des informations, ceci en vue de la protection de l'intérêt général.
L'Administration publique est représentée par plusieurs administrations à savoir : les administrations fiscale et douanière, le trésor public, la prévoyance sociale et la société de recouvrement des créances146(*). Agissant dans le cadre d'une procédure de communication écrite prévue par le code général des impôts, l'administration fiscale a un droit de communication des documents comptables et bancaires dont la connaissance lui est nécessaire pour le contrôle de l'assiette et le recouvrement de l'impôt. Elle n'a le droit ni de prélever, ni de saisir les pièces et de les emporter. Le droit de communication, encore appelé droit de savoir, permet également aux agents du fisc de contrôler l'imposition du contribuable, le paiement de l'impôt et, s'il y a lieu, leur fraude. A cet effet, les documents fournit par une banque offrent un grand intérêt en raison des opérations que les clients effectuent par son intermédiaire et qui sont soumises à la taxation. L'administration des douanes a un pouvoir de consultation sur place des documents bancaires. Ainsi, le secret bancaire ne peut être opposé aux fonctionnaires de la douane assermentés agissant en matière de détermination de l'assiette et de recouvrement des droits et taxes dans le cadre d'une procédure écrite conformément au code des douanes. L'article 61 alinéa 1, i du code de la douane énonce que : « les agents de douane ayant au moins le grade de contrôleur et les officiers des douanes peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressants leur service...dans l'établissement de crédit ». À l'égard des documents, les pouvoirs de l'administration douanière connaissent très peu de limites. Les banques sont tenues de fournir aux agents des douanes les « papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service. Mais que faut-il entendre par document de service ? La jurisprudence de la cour de cassation française a pu répondre à cette question en s'inspirant de deux principes fondamentaux147(*). Le secret bancaire ne peut être opposé aux agents assermentés du trésor public et à la commission des marchés financiers. Les banques ont l'obligation de mettre dans leurs locaux, à la disposition des agents assermentés du trésor public, ceux mandatés par les organismes de contrôle de l'activité bancaire, leur comptabilité ainsi que les documents y relatifs. Le secret bancaire cède encore le pas devant la commission des marchés financiers agissant dans le cadre des opérations boursières148(*). Depuis décembre 1999149(*) il est crée et organisé au Cameroun un marché financier150(*), dont l'autorité de surveillance est la commission des marchés financiers charger de veiller à la protection de l'épargne investie en valeurs mobilières151(*). Les banques sont les partenaires obligés du marché financier, et des opérateurs sur le dit marché, c'est pourquoi la commission des marchés financiers a le droit de recevoir des informations concernant leurs clients. La loi sur le marché financier précise que la commission des marchés financiers ne peut se saisir des documents, autrement dit les enquêtes se font sur pièce et sur place152(*). Les banques ont l'obligation de fournir, aux agents de poursuite de l'organisme national chargé de la prévoyance social, agissant dans le cadre du recouvrement des cotisations dues par leurs employeurs, des informations nécessaires à leur mission. Il en est de même pour la société de recouvrement des créances au Cameroun lorsqu'elle agit dans le cadre du recouvrement des créances appartenant aux personnes morales de droit public. En dehors de l'administration publique et de l'autorité monétaire, l'agence nationale des investigations financières est aussi un organe national appelé à recevoir l'information bancaire, ceci dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux. L'ANIF est un organisme institué par l'article 25 du règlement n° 01/03 CEMAC-UMAC du 14 Avril 2003 dans chaque Etat membre. Au Cameroun l'ANIF est organisé par le décret n° 2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'agence nationale des investigations financières. Elle est chargée de recevoir, de traiter et le cas échéant de transmettre aux autorités judiciaires compétentes les déclarations auxquelles sont tenus les établissements de crédit assujettis. Ainsi tout établissement de crédit est tenu de déclarer à l'ANIF les sommes ou tout autre bien qui soient en sa possession, lorsqu'ils pourraient être liés à un crime ou à un délit ou s'inscrire dans un processus de blanchiment des capitaux153(*). Ils doivent aussi informer l'ANIF des opérations qui portent sur des biens ou sommes qui pourraient provenir d'un crime ou d'un délit ou s'inscrire dans le processus de blanchiment des capitaux, et celles dont l'identité du donneur d'ordre ou bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément aux dispositions en vigueur en matière d'identification de la clientèle154(*). Par ailleurs, les établissements de crédit doivent informer l'ANIF des opérations effectuées pour compte propre ou pour compte tiers avec des personnes morales y compris leurs filiales155(*) ou établissement agissant sous forme ou pour le compte de fonds fiduciaires156(*). Ils doivent également informer l'ANIF de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation dont l'identité des constituants ou des bénéficiaires n'est pas connu. En outre, lorsqu'un établissement de crédit a des motifs raisonnables de suspecter que des fonds ou mouvements de fonds sont liés ou associés au terrorisme ou encore destinés à être utilisé pour leur financement, il doit déclarer sans délai son soupçon à l'ANIF. Cette déclaration peut être verbale ou écrite, elle peut portée sur des opérations qui ont déjà été exécutées, dans ce cas, la déclaration précise les raisons pour lesquelles les opérations ont été exécutées157(*). Lorsque la déclaration est faite verbalement, elle doit être confirmée par tout moyen laissant trace écrite, car l'établissement assujetti doit pouvoir justifier l'accomplissement de ses diligences. Les autorités nationales habilitées à recevoir l'information du banquier sus cités sont dans leurs missions, accompagnées des autorités régionales.
* 145 Art 47 de l'ordonnance de 1885 modifiée et complétée par la loi de finance de 1997. * 146 V. NYAMA (J-M), op.cit. p. 246-248. * 147 Le premier consiste à faire la distinction entre les documents proprement dits , à l'égard desquels les pouvoirs de l'administration des douanes sont complets , quelle que soit la nature du document, et les renseignements oraux, lesquels ne peuvent être demandés qu' aux services publics stricto sensu, mais non aux simples établissements soumis au contrôle de l'autorité publique tel que les banques. Le second principe qui limite le droit de communication de la douane résulte de la précision selon laquelle les documents dont la douane peut demander communication doivent se rapporter à des opérations régulières ou irrégulières relevant de la compétence de leur service, doivent être propres à faciliter l'accomplissement de sa mission. * 148 Art 13 de la loi de 2003 sur le secret bancaire. * 149 La loi n° 99/015 du 22 décembre 1999 relative à la création d'un marché financier. * 150 Les valeurs mobilières sont des titres émis par des personnes morales, publiques ou privées qui confèrent des droits identiques par catégories et donnent accès à la quotité du capital de la personne morale émettrice, soit à un droit de créance général sur son patrimoine. * 151 Ce sont des titres émis par des personnes morales publiques ou privées, transmissibles par inscription en compte qui confèrent des droits identiques et donnent accès à une quotité du capital de la personne morale. * 152 SOUOP (S), op. cit. p. 97. * 153 Règlement COBAC R 2005/01 relatif aux diligences des établissements de crédit en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale. * 154 Ibid. chapitre 2 : identification de la clientèle. * 155 Société dont le capital est détenue en tout ou partie par un établissement assujetti ou par un établissement de crédit étranger. * 156 Organisme qui recueille des sommes à charge de les rétrocéder à un tiers bénéficiaire ou au constituant après gestion. * 157 Règlement CEMAC N° 01/03 CEMAC/UMAC/CM du 4 Avril 2004 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale. |
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