C- L'ADOPTION DES PROCEDURES APPLICABLES AU PROJET
L'adoption des procédures de la Banque mondiale
est réservée à la compétence de son Conseil
d'administration. C'est ainsi que les directives pour la passation des
marchés relatifs au projet financé par le FIDA ont
été adoptées au cours de son 100ième
Conseil d'administration tenue en septembre 2010. Si cette adoption s'est faite
en présence des représentants des pays membres du conseil
d'administration, il n'est pas certain que tous les pays potentiels emprunteurs
eussent été représentés.
Dans l'une des dispositions des directives il est dit
que: « Pour les fournitures, les travaux, les services (autres que les
services de consultants) qui ne sont pas financés intégralement
ou partiellement par la Banque, mais qui sont inclus dans le cadre du projet
auquel est relatif l'accord de prêt, l'emprunteur peut suivre d'autres
règles et procédures. Dans ce cas, la Banque doit pouvoir
s'assurer que les procédures adoptées permettront
à
72 Annick Osmont : « La
"governance». Concept mou, Politique ferme », in Gouvernances. Les
Annales de la recherche urbaine n°80-81, déc. . 1998,p
25.
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l'emprunteur d'exécuter le projet avec la
diligence et l'efficacité voulues et que les fournitures, les travaux
les services (autres que les services de consultants) à fournir seront
de qualité satisfaisante et compatibles avec le reste du projet ;
pourront être livrés ou achevés dans les délais
voulus ; et sont proposés à un prix qui ne compromet pas la
viabilité économique et financière du projet
»73.
On observe donc que la BM même en admettant
l'application partielle d'autres procédures pour un projet auquel il est
intervenant, exige d'avoir un droit de regard et de suivi sur les
activités qui ne relèvent pas de son financement. Au-delà
du souci d'efficacité, on peut y voire une velléité
d'hégémonie.
La disposition ci-dessus soulève la
problématique relative à la considération que le bailleur
de fonds accorde aux Etats emprunteurs. Pour notre part, l'analyse à
laquelle nous force la réflexion pense que les institutions de
financement ainsi que les personnes qui les incarnent n'accordent pas assez de
considération aux Etats emprunteurs quant à leur sérieux
ou même leur capacité à conduire à terme les projets
de développement. Cette situation en définitive donne raison
à René Dumont et Marie France Mottin quand ils dénoncent
le paternalisme occidental vis-à-vis de l'Afrique : « Toutes nos
approches européennes du « sous-développement »
reflètent un certain paternalisme, un certain mépris de
l'Africain (...). Nous l'avons trop facilement persuadé qu'il
était incapable d'élaborer son modèle de
développement adapté à son milieu, sa situation
économique, ses traditions, ses valeurs. Au lieu de cela, le voici qui
se précipite, parfois pour oublier ses angoisses dans nos avions qui lui
permettent de parcourir le monde ; dans nos autos, qui lui donnent l'illusion
d'une puissance quasi illimitée. Le voici engagé sans y avoir
réfléchi dans « notre » développement...
»74.
On voudrait bien croire à l'incapacité
des gouvernements de la CEMAC à conduire efficacement les projets, mais
on ne peut nier que : « Dans toute aventure humaine, malgré les
calculs et les dispositifs, malgré les précautions prises,
demeure un taux incompressible d'erreurs et d'échecs ; l'aventure du
développement ne pouvait, pas plus qu'une autre, éviter tous les
échecs. » (Solages).
La réalité du sous- développement
est têtue ( Salmon, 2002) et les défis du 21ème
siècle auxquels les peuples de l'opulence et de la pauvreté
devront faire face sont multiples : la question démographique, le gap
riches - pauvres et l'écart pays riches - pays pauvres, les revers d'une
mondialisation à deux vitesses, les problèmes de l'eau, de
l'énergie, de la santé,
73 Directives passation des
marchés, de fournitures de travaux et de services (autres que ceux du
consultants), janvier 2011.
74 René Dumont, Marie-France Mottin :
« L'Afrique étranglée » éd. Du Seuil, 1980 et
1982, pp36-37.
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d'écologie, du développement
imprévisible des technologies et de l'urbanisation à
outrance75, tout cela nécessite une approche à la fois
sectorielle et holistique du développement en Afrique.
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