DEUXIEME PARTIE. LES INSUFFISANCES DANS LA MISE EN
OEUVRE ET LES MESURES CORRECTIVES POUR UNE AMELIORATION DE L'EXECUTION DU
PROJET
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En abordant cette deuxième partie
consacrée aux insuffisances qui pourraient freiner le processus de
construction de l'intégration sous régionale, on peut
d'emblée dire que d'un point de vue général, l'Afrique
centrale à mal à sa gouvernance ; à son désordre
économique qui ne permet pas d'établir des politiques
convergentes. C'est dans ce contexte que Sadikou ALAO69 affirmait
mutatis mutandis : « les efforts à fournir par les
dirigeants africains en vue de la bonne exécution des marchés
publics concernent (...) la gouvernance ». A cette affirmation qui semble
à toute évidence vraie, nous ajoutons la capacité à
négocier les accords de financement avec les bailleurs de fonds
multilatéraux et l'usage des bonnes pratiques professionnelles dans la
gestion des projets lorsque les financements sont disponibles.
En effet, l'expertise de la Banque mondiale dans le
domaine des projets, et les compétences qu'on reconnait aux agents
publics affectés dans les structures de gestion n'ont pas suffit
à garantir une exécution satisfaisante des activités. Nous
soulignons tout de même des pratiques jugées bonnes, notamment la
prise en compte des résultats issus des études d'impacts
environnementaux et sociaux dans les sites touchés par les
travaux.
Nonobstant ce qui précède, il demeure
possible de relever des tares dans le processus d'exécution du projet
(Chapitre 3), auxquelles il est déterminant de suggérer un
ensemble de mesures correctives pouvant permettre l'amélioration
qualitative et quantitative des objectifs de développements poursuivis
(chapitre 4).
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69 Sadikou ALAO,
cité dans « Actes de la table ronde préparatoire n°3 :
La bonne gouvernance : Objet et condition du financement » où il
déclare s'agissant de la passation des marchés publiques : «
(....) les carences sont aussi bien relatives aux besoins de transparence
à proprement parler qu'à la bonne gouvernance au sens stricte du
terme... »
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CHAPITRE 3 : LES INSUFFISANCES DE LA STRATEGIE
DE MISE EN OEUVRE DU PROJET
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La complexité de la question du
développement est si grande qu'il ne suffit pas d'élaborer une
stratégie politico-économique (gouvernance-multi-niveaux), pour
s'assurer le succès de sa mise en oeuvre ou même son
efficacité à résoudre les problèmes liés au
développement.
Le contexte historique de l'Afrique qui a
enduré un siècle de traite négrière dont l'histoire
reste à écrire et les conséquences à mesurer
(Noël, 1997), la colonisation dont les objectifs furent d'exploiter les
richesses des pays colonisés, de trouver les débouchés
pour les produits manufacturés, a fait que les soleils des
indépendances tombés sur l'Afrique comme une nuée de
sauterelles pour reprendre l'expression d'Ahmadou Kourouma (1968), n'ont pas
tenu leur promesse malgré le retour de l'autonomie
politique.
Le contexte institutionnel et culturel est aussi
à prendre en compte pour comprendre pourquoi, les politiques qui
s'appliquent et connaissent un succès en occident peinent à
inverser la tendance de la pauvreté en Afrique.
En effet, loin de nous constituer avocat
défenseur des dirigeants Africains au sujet de la misère sous
laquelle vivent les populations alors même que l'Afrique regorge les deux
tiers de la richesse mondiale ; loin de se faire disciple du
cartiérisme70 ; loin de vouloir pointer un doigt accusateur
sur le peuple Africain dans la logique du titre de l'ouvrage
célèbre de Kabou (1991) : « Et si l'Afrique refusait le
développement? », il serait peut être important de
chercher à découvrir, à comprendre avant toute prise de
position, s'il existe une conception Africaine du développement et
ensuite, faire la comparaison entre le modèle occidental de
développement qui lui est très souvent proposé et celui
propre à l' Afrique et ne choisir à la fin que celui qui
correspond à ses aspirations de croissance.
Pour ce qui concerne la zone CEMAC en
général et le PFTT en particulier, il demeure important de
souligner que les initiatives de développement ne font pas l'objet d'un
refus de la part des gouvernements ou même des populations, mais ceux-ci
connaissent plutôt des insuffisances notoires liées au
caractère non participatif des procédures applicables (section1),
ce qui pourrait justifier en partie la sous consommation des financements
disponibles (section2).
70 Discours selon lequel
seuls les dirigeants du Tiers-Monde seraient responsables de la misère
de leurs peuples.
SECTION 1 : LE CARACTERE NON PARTICIPATIF DE LA
REDACTION DES PROCEDURES APPLICABLES
L'élaboration des procédures applicables
dans les projets financés par la Banque mondiale demeure
unilatérale (I), et oblige les emprunteurs à s'engager dans une
sorte de contrat d'adhésion (II).
I - L'UNILATERALISME DE LA BANQUE MONDIALE
L'unilatéralisme de la Banque mondiale est
manifeste du point de vue de la conception de ses procédures (A), et
même en ce qui concerne leur adoption (B).
B- LA CONCEPTION ET LA REDACTION DES PROCEDURES
APPLICABLES
AU PROJET
Les crédits et dons octroyés par la
Banque mondiale pour le financement des projets dans les pays en voie de
développement poursuivent en général des objectifs qui
ressortent des raisons avouées et inavouées définis en
amont par le bailleur de fonds. Il s'agit très souvent de l' exigence de
la bonne gouvernance, de l'instauration d'un Etat de droit garantissant la
sécurité des citoyens et le respect des lois, une bonne
administration qui exige une gestion correcte et équitable des
dépenses publiques, la responsabilité et l'imputabilité
qui imposent que les dirigeants rendent compte de leurs actions devant la
population et en fin, la transparence qui permet à chaque citoyen de
disposer et d'accéder à l'information71.
Si on peut admettre l'importance de ces mesures dans
la réussite des projets macroéconomique et l'amélioration
significative des conditions de vie des citoyens, il ne demeure pas moins vrai
que la conception des procédures qui sous-tend cette idéologie
est exclusivement à l'initiative du bailleur de fonds.
En effet, les responsables de l'administration
centrale de l'institution financière depuis Washington,
conçoivent un certain nombre d'outils standards (directives), dont
l'usage est rendu obligatoire dans le cadre de la passation des marchés
et la réalisation des études. Bien ficelés, ces
instruments de procédure déterminent les contrats de fourniture
et de travaux ainsi que le recrutement de consultant pour les études et
ne font malheureusement pas partie des points de négociations au moment
des pourparlers de demande de financement. Au contraire : « (...) les pays
récipiendaires et leur société civile ne sont point
impliqués dans l'élaboration des conditions de l'aide (Hermes et
Lensink, 2001) ». Lancaster(1999), pense dans ce
71 Marie Claude Smouts :
« Du bon usage de la gouvernance en relation internationales »,
p.88
contexte que la question importante à laquelle
une réponse diligente doit être apportée de la part des
donateurs et des bénéficiaires est de savoir quand les premiers
devraient pousser à réaliser les projets et programmes et, quand
les derniers devraient le faire.
En tout cas, il n'a pas été possible de
nous rendre compte en regardant dans l'histoire contractuelle du partenaire
financier du projet objet de cette investigation que la rédaction des
procédures applicables dans le cadre des prêts devant financer les
projets élaborés par les gouvernements aient fait l'objet d'une
concertation entre le partenaire financier et les Etats ou, le groupe d'Etat
emprunteur. Pourrait-il en être autrement dans la mesure où un des
objectifs de la Banque mondiale ainsi que les autres agences de
coopération pour le développement international est de limiter
les prérogatives des Etats (Marie Claude Smouts), et de renforcer le
rôle des acteurs de la société civile.
Le regret que notre analyse exprime dans la
démarche des bailleurs de fonds est relatif à la tendance qui
consiste à vouloir réduire la marge de manoeuvre de l'Etat avec
qui ils ont bel et bien passé un contrat de crédit. Car comme le
souligne Annick Osmont : « il y a bien un contrat ici, mais celui-ci est
établit de manière extra- territoriale, entre un gouvernement
agissant dans le meilleur des cas de manière technocratique, et un
organisme multilatéral agissant au nom d'une logique de
développement exogène » 72.
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