Première partie :
5
PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE
6
Chapitre I : ANALYSE DE LA SITUATION ET ENONCE DU
PROBLEME
1.1 Analyse de la situation
1.1.1 Situation de l'enseignement au Togo
En Afrique Subsaharienne plus particulièrement au Togo,
les progrès réalisés dans le domaine de l'éducation
depuis les indépendances sont considérables. Cependant l'on
constate ces dernières années que malgré les efforts
consentis au niveau national, le système éducatif togolais est en
voie de dégradation en ce qui concerne la qualité de
l'enseignement.
Depuis les indépendances, le Togo a pris des
initiatives en ce qui concerne le système éducatif en vue de
garantir un enseignement de qualité aux citoyens. Parmi celles-ci, on
note la formation professionnelle des enseignants.
Depuis que la Banque mondiale a imposé aux pays
africains les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) entre 1983 et 1994, tous
les pays concernés ont cessé de recruter et de former les
enseignants en nombre.
Au cours des dernières décennies, dans le
contexte de massification de l'éducation, et par extension dans le cadre
de la bureaucratisation des systèmes éducatifs, le syndicalisme
enseignant (Fédération des Syndicats de l'Education Nationale :
FESEN) et les associations professionnelles ont insisté, à juste
titre, pour que l'enseignement soit reconnu comme un métier et que les
enseignants, en tant que travailleurs qualifiés, soient convenablement
traités par l'Etat, tant au plan matériel, social que
symbolique.
7
Cependant avec l'engouement qu'a connu l'école et les
effectifs qui n'ont cessé de croître, le gouvernement s'est
lancé dans le recrutement d'enseignants auxiliaires, vacataires,
contractuels, qui pour la plupart n'ont reçu aucune formation pour le
métier d'enseignement.
Depuis le début de l'éducation formelle au Togo
et surtout après les indépendances, il s'est établi une
sorte d'accord tacite entre les scolarisés et l'Etat qui se traduisait
par une relation quasi-automatique entre l'école et l'emploi. Car tous
ceux qui sortaient du système trouvaient un emploi. Mais, la crise
économique qui a commencé à toucher le pays en 1975 et qui
s'est accentuée dans les années 1980, a remis en cause cette
liaison traditionnelle entre école et emploi, (Lange,
1998 : 48).
De plus les mesures d'austérité qui ont suivi la
crise financière ont en même temps créé une
pénurie d'emploi.
C'est ainsi que les jeunes diplômés ont
commencé par s'engager dans l'enseignement sans une formation
préalable. Aussi constate-t-on qu'une quantité de jeunes gens
viennent dans l'enseignement par hasard, souvent après des échecs
dans leurs projets. Les causes sont diverses, soit parce qu'ils n'avaient pas
pu suivre la voie universitaire à laquelle ils aspiraient, soit parce
que leur vie familiale a changé et leur rend impossible la poursuite
d'études, soit encore parce que, selon le hasard du marché de
l'emploi, les débouchés auxquels ils aspiraient se sont
fermés devant eux, (Georges et al. 1974:23). Tout ceci
conduit à une dépréciation continue du corps
enseignant.
Par ailleurs, évoquant les conditions
socioéconomiques et le problème de la non qualification des
enseignants, le Fond des Nations Unies pour la Population écrit dans son
rapport consacré à l'étude sur la
déscolarisation et la non scolarisation des filles au Togo, que
:
8
« Les formations et les recyclages séquentiels
devraient être organisés pour renforcer les compétences
prestataires aux enseignants [...] De tous ces aspects, il n'en a rien
été, les enseignants sont sous payés, mal formés
» (FNUAP 2007 : 23). De plus un enquêté
disait dans une interview que « la qualité de l'enseignement
est aujourd'hui moins bonne qu'elle ne l'était avant 1975 »
FNUAP (op. cit.)
Evoquant le statut des enseignants en Europe,
(Darriso-Ceuster 1995 : 12) écrit: «dans la
moitié des pays européens, les enseignants sont engagés en
tant qu'agents contractuels de droit commun et si, dans les autres nations, ils
sont fonctionnaires, seule une minorité d'entre eux est nommée
à vie... Au niveau du recrutement, la diversité est telle qu'elle
n'autorise pas de généralisation pertinente ». Plus
loin, l'auteur ajoute que « rare point commun, la sélection des
formations initiales donnant accès à l'enseignement
privilégie des candidats relativement jeunes, sans expérience
professionnelle, qui terminent des études secondaires ou des
études dans l'enseignement
supérieur».
Dès lors, on remarque cette même
dépréciation du corps enseignant au Togo et ceci de façon
permanente. De même s'agissant du statut des enseignants, on note les
mêmes problèmes au Togo que partout ailleurs.
Ainsi, les enseignants fonctionnaires de l'enseignement
primaire ne dépassent pas 30% depuis 2000-2001. Les enseignants
auxiliaires quant à eux représentent plus de 50% du corps
enseignant du primaire. La proportion d'enseignants temporaires
représente moins de 10% en 20042005 alors qu'elle était encore
près de 50% entre 2001-2002 et 2002-2003 (Annuaire des
statistiques scolaires 2004-2005 : 13).
De plus, les enseignants auxiliaires et temporaires de niveau
de qualification professionnelle inférieure, représentent
près des trois quarts du personnel enseignant du primaire.
9
Cette dépréciation continue de la qualité
du personnel enseignant est préjudiciable à la qualité de
l'enseignement dispensé dans les écoles.
Par ailleurs, la situation est encore plus accentuée
dans le secondaire où les enseignants fonctionnaires ne
représentent que 21,5% pour 22,2% au collège et 18,5% au
lycée du corps enseignant tandis que les enseignants auxiliaires et
temporaires représentent à eux seuls près de 80% du corps
enseignant.
Ce nombre très élevé des enseignants
auxiliaires et temporaires s'explique comme nous l'avons dit
précédemment par les restrictions budgétaires
imposées au gouvernement depuis le début des années 1980
et qui se sont traduites par une diversification des recrutements du personnel
dans la Fonction Publique.
C'est la raison pour laquelle de nouvelles catégories
de personnel enseignant sont venues s'ajouter à la seule
catégorie qui existait dans le secteur éducatif d'avant 1990
à savoir les enseignants.
Ainsi, pour continuer à assurer sa fonction
régalienne d'éducation du citoyen, l'Etat a eu massivement
recours à ces enseignants dont les niveaux de qualifications
professionnelles sont relativement inférieurs d'où la perte de
qualité du personnel enseignant qui influence négativement le
rendement scolaire des élèves.
10
Tableau 1 : Répartition des enseignants
(collège public) par diplôme académique et par
région (2004-2005)
Régions Diplômes
|
Lomé-Golfe
|
Maritime
|
Plateaux
|
Centrale
|
Kara
|
Savanes
|
|
|
Total
|
%
|
Ingénieurs
|
31
|
5
|
9
|
3
|
5
|
0
|
53
|
0,59
|
Maîtrise
|
432
|
68
|
104
|
44
|
25
|
37
|
710
|
7,97
|
Licence
|
1047
|
263
|
347
|
191
|
230
|
165
|
2243
|
25,17
|
BAC
|
1741
|
496
|
723
|
241
|
290
|
163
|
3654
|
41,01
|
Probatoire
|
273
|
184
|
281
|
66
|
99
|
24
|
927
|
10,40
|
BEPC
|
283
|
187
|
294
|
117
|
136
|
21
|
1038
|
11,65
|
CEPD
|
56
|
32
|
46
|
28
|
27
|
14
|
203
|
2,28
|
Sans diplôme
|
21
|
7
|
40
|
7
|
8
|
0
|
83
|
0,95
|
Autres
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0,00
|
Ens, Togo
|
3884
|
1242
|
1844
|
697
|
820
|
424
|
8911
|
100
|
Source : Annuaire des statistiques scolaires (2004-2005 : 65)
Les enseignants brevetés au nombre de 1038 soit 11,65%
et ceux sans diplôme au nombre de 83 soit 0,95%, sont de plus en plus
importants dans le système. De même les enseignants ayant le CEPD
comme diplôme académique sont au nombre de 203 soit 2,28% du corps
enseignant. Ce qui semble peser sur la qualité de l'enseignement voire
sur les résultats scolaires car le premier cycle du secondaire est
supposé avoir en son sein, les enseignants titulaires de licence
à la rigueur le BAC des disciplines d'enseignement avec une formation
pédagogique à la base. Ce qui n'est pas le cas.
De même on note un nombre important de redoublement dans
le système éducatif togolais.
11
Tableau 2 : Evolution de la proportion des
redoublants par cours de 1990 à 2001
Année Degré
|
1990-91
|
1998-99
|
1999-00
|
2000-01
|
Primaire
|
35,8
|
31,2
|
27,0
|
24,0
|
CP1
|
39,6
|
37,1
|
33,8
|
29,5
|
CM2
|
40,8
|
27,1
|
14,5
|
17,0
|
2ème degré
|
32,6
|
21,1
|
18,4
|
17,9
|
6ème
|
40,5
|
18,7
|
14,3
|
18,5
|
3ème
|
32,0
|
22,6
|
23,6
|
19,7
|
3ème degré
|
38,7
|
30,8
|
31,1
|
28,5
|
1ère
|
40,6
|
32,1
|
28,4
|
27,5
|
Terminale
|
53,8
|
49,2
|
45,9
|
45,0
|
Source : le système togolais :
Eléments d'analyse pour une revitalisation, éléments de
synthèse pour la politique éducative, 2002 : 9
Il a été démontré que les
redoublements n'avaient pas de vertus pédagogiques alors qu'ils
impliquent des coûts très élevés et inutiles pour
les élèves et le système. Par ailleurs, il est
observé que les redoublements induisent des abandons, en particulier
dans les groupes plus fragiles de la population (filles, ruraux, revenus
faibles). On considère qu'un taux de redoublement de 10% constitue un
maximum dans un système efficace. (MENRS, 2002 : 9)
Dans le deuxième degré, ce taux est passé
de 32,6% entre 1990-91 à 17,9% entre 2000-01 au BEPC, soit une baisse de
14,7 points. Il en est de même du tableau ci-dessous en ce qui concerne
les redoublements.
12
Tableau 3 : Taux de redoublement par niveau et
par région de 2002 à 2005
Niveaux
Régions
|
6è
|
5è
|
4è
|
3è
|
02-03
|
04-05
|
02-03
|
04-05
|
02-03
|
04-05
|
02-03
|
04-05
|
Lomé-Golfe
|
15,8
|
13,6
|
15,3
|
12,4
|
20,6
|
16,8
|
33,4
|
19,9
|
Maritime
|
21
|
21,1
|
15,2
|
15,9
|
21,4
|
24
|
29,9
|
25,9
|
Plateaux
|
21,5
|
20
|
18,7
|
16,7
|
26,8
|
22
|
32,5
|
14,2
|
Centrale
|
28,5
|
27,4
|
18,6
|
19,8
|
29
|
23,4
|
38
|
14,3
|
Kara
|
30,8
|
25
|
23,3
|
19,8
|
28
|
26,9
|
28,4
|
16,5
|
Savanes
|
36,7
|
34,9
|
29,8
|
27,8
|
33,5
|
38,4
|
36,8
|
20,5
|
Total
|
23,3
|
21,4
|
18,4
|
16,6
|
24,5
|
22,2
|
32,6
|
18,8
|
Source : Annuaire des statistiques scolaires 20002-03 : 89 et
2004-05 : 75
On note de plus en plus une diminution croissante des taux de
redoublement au BEPC. Les taux globaux sont passés de 32,6% entre
20022003 à 18,8% entre 2004-2005 soit une diminution de 13,8 points.
On note une légère amélioration des
résultats au BEPC mais beaucoup reste à faire car le taux de
réussite ne sont pas satisfaisants.
Tableau 4 : Résultats des examens au BEPC
par région de 1996 à 2004
Année Région
|
1996-97
|
1999-2000
|
2002-2003
|
2003-2004
|
Eff.
|
Admis
|
%
|
Eff.
|
Admis
|
%
|
Eff.
|
Admis
|
%
|
Eff.
|
Admis
|
%
|
Lomé-Golfe
|
5387
|
2425
|
45,02
|
6250
|
3767
|
60,27
|
7580
|
4778
|
63,03
|
8132
|
6021
|
74,04
|
Maritime
|
4030
|
2136
|
53,00
|
5224
|
3543
|
67,82
|
5903
|
2983
|
50,53
|
6445
|
4012
|
62,25
|
Plateaux
|
5593
|
2694
|
48,17
|
7332
|
4857
|
66,24
|
9058
|
4875
|
53,82
|
9788
|
8407
|
85,89
|
Centrale
|
2696
|
1525
|
56,57
|
2890
|
1960
|
67,82
|
4021
|
2061
|
51,26
|
4230
|
3532
|
83,50
|
Kara
|
3841
|
2698
|
70,24
|
3828
|
3147
|
82,21
|
4725
|
3139
|
66,43
|
5216
|
4164
|
79,83
|
Savane
|
1007
|
523
|
51,94
|
1449
|
872
|
60,18
|
1888
|
794
|
42,06
|
2063
|
1664
|
80,66
|
Total
|
22554
|
12001
|
53,21
|
26973
|
18146
|
67,27
|
33175
|
18630
|
56,16
|
35874
|
27800
|
77,49
|
Source : Annuaire des statistiques scolaires 1996-97,1999-00 et
2002-2004
Les taux de réussite au BEPC au niveau national sont
passés de 53,21% en 1997 à 67,27% en 2000.
13
Cependant, on note une baisse en 2003 avec 56,16% de
réussite et un bond considérable en 2004 avec un taux de
réussite de 77,49%.
Les résultats au BEPC s'améliorent au fil des
années, mais toutefois, les redoublements par niveau et par
région restent de plus en plus importants (voire le tableau
ci-après).
Ainsi, pour endiguer le problème de non qualification
professionnelle des enseignants et surtout pour permettre à ceux qui
sont déjà sur le terrain et qui n'ont reçu aucune
formation pédagogique d'en bénéficier, l'Etat organise de
temps en temps des séminaires de formation pédagogique, de
recyclage et de perfectionnement. Mais tout ceci paraît insuffisant pour
répondre aux nouvelles exigences du métier avec des innovations
pédagogiques et didactiques qui présupposent une formation
professionnelle adéquate pour toute personne désirant s'y
engager.
La maîtrise des contenus, de la didactique et de la
psychologie de l'enfant exige inévitablement une formation initiale de
l'enseignant qui se fait dans les écoles normales (Ecole Normale des
Instituteurs) et dans certains instituts universitaires (Institut National des
Sciences de l'Education).
De nos jours, les autorités politiques conjointement
avec les spécialistes de l'éducation ont pris conscience de la
situation de la non qualification des enseignants surtout les nouveaux
recrutés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le concours de
recrutement des enseignants auxiliaires lancé le 31 janvier et
publié dans le Journal Officiel (Togo presse) le 1er février 2008
a exigé une formation pédagogique pour les candidats du second
cycle du secondaire (lycée).
14
Ce qui semble respecter l'une des recommandations de la
réforme qui soutient que : « l'entrée dans la fonction
enseignante devra obéir aux critères suivants :
- Recrutement
Les épreuves des concours de recrutement tiendront
compte non plus seulement du niveau de culture générale, mais
aussi des aptitudes à l'enseignement. Un ensemble d'outils
d'évaluation objective des candidats permettra au jury souverain
d'identifier les futurs enseignants possédant les qualités
requises pour l'éducation », (Réforme
1975 : 33-34).
- La formation initiale
C'est elle qui prépare le futur enseignant à son
métier. C'est une formation qui englobe à la fois la
théorie et la pratique.
La même réforme a établi les conditions de
réussite relatives au personnel enseignant. Elle souligne ceci : «
pour que l'Ecole nouvelle puisse porter les fruits attendus, il faut que le
maître soit un individu sain, équilibré, discipliné,
possédant une maîtrise des méthodes et techniques
pédagogiques modernes et de solides connaissances scientifiques
soutenues par une conception dialectique du monde »,
Réforme (op. cit.)
Ce qui implique inévitablement que tous les enseignants
doivent passer par une formation initiale avant de s'engager dans
l'enseignement.
Au Togo, la formation pédagogique des enseignants est
l'oeuvre des institutions spécialisées dans ce domaine.
15
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