3. L'endurance de sprints
Selon Bishop et al. (2003), la
résistance à la vitesse nommée également Repeated
Sprint Ability (RSA) est "la capacité à sprinter,
récupérer, et sprinter à nouveau, cette séquence
pouvant être réitérer une ou plusieurs fois". Autrement
dit, cette qualité se traduit par une aptitude à
répéter des sprints de haute intensité sans observer de
baisse de la performance entre le premier et le dernier sprint. Elle peut
être considérée comme une
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performance de type intermittente courte, mais à
vitesse maximale car les caractéristiques qui peuvent la décrire
sont relativement similaires à ce genre d'exercices intermittents
(Saltin, 1960). Nous pouvons noter les critères d'intensité, de
durée de l'exercice, d'intensité et de durée de la
récupération, ou encore du nombre de répétitions de
l'exercice. Cette qualité physique est parfois, voire même
souvent, sa propre méthode d'entrainement. En d'autres termes, un
entraineur ou un préparateur physique utilise
régulièrement des procédés liés à la
répétition de sprints pour développer cette qualité
physique (Hill-Hass et al., 2007). Nous verrons
cependant que d'autres méthodes peuvent améliorer celle-ci sans
pour autant faire subir aux athlètes un entrainement relativement
fatiguant, du point de vue de la charge d'entrainement avec notamment la
quantité de sprints à répéter avec un temps de
récupération court et la dépense d'énergie qui est
demandée à l'athlète liée à ce types de
méthodes.
Ø Principales sources de fourniture d'énergie pour
la RSA:
Comme mentionné auparavant, pour effectuer un sprint
unique, la fourniture d'énergie va être principalement
effectuée par la puissance des systèmes (CP) et glycolyse
anaérobie (Spencer et al., 2005). Le
système CP dispose de stocks importants lui permettant d'assurer la
majorité (60%) de la fourniture d'Adénosine Tri-Phosphate (ATP)
pendant environ six secondes pour un sprint maximal (Nevill et
al., 1996). Au-delà de cette durée, les auteurs
nous montrent qu'après 10 secondes la contribution de la glycolyse
anaérobie est d'environ 60% alors que la contribution de la CP est de
35% environ. Bogdanis et al. (2007) sont en accord
avec ces résultats et ajoutent qu'à la fin d'un sprint de 30
secondes, la part de la glycolyse anaérobie n'est plus que de 20
à 30%. Cette filière est très sollicitée en
début d'exercice maximal car elle permet de produire une grande
quantité d'énergie en peu de temps (jusqu'à 3 umol / g /
s), alors que la glycolyse et les acides gras ne peuvent fournir qu'une
très faible quantité (1 umol / g / s et 0,24 umol / g / s
respectivement) selon Poortmans et Boisseau (2003).
Il est également reconnu que le principal
système de fourniture d'énergie pour des efforts brefs et
intenses est le système anaérobie (Parolin et
al.,1999). Ces auteurs nous montrent également que le fait
de répéter les sprints oriente la contribution
énergétique selon la durée de récupération
principalement. La consommation maximale d'oxygène (VO2max) nous donne
une bonne estimation de la puissance du système aérobie. Ainsi,
selon certains auteurs (Spencer et al., 2005 ; Meckel
et al., 2009), la VO2max serait un bon indice de la
capacité d'un athlète à répéter des
sprints.
Il existe néanmoins un phénomène de
fatigue comparable aux efforts intermittents, c'est-
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à-dire que le système anaérobie (ATP-CP
et glycolyse) n'est plus capable d'assurer seul la fourniture d'énergie
nécessaire à la répétition de sprints (Balsom
et al., 1992). Ces auteurs nous expliquent comment la
filière aérobie joue un rôle très important dans la
répétition d'actions explosives. Effectivement, nous savons que
la capacité à récupérer entre deux actions ou deux
groupements d'actions et la capacité aérobie sont
étroitement liées (Louit et al., 2012).
De ce fait, une amélioration de la capacité aérobie
permettra d'augmenter la RSA. La capacité aérobie
nécessite néanmoins un certain délai avant de devenir le
principal système de fourniture d'énergie (Poortsman et Boisseau,
2003). Dans cet ouvrage, il est montré que les réserves de la
filière ATP-CP sont déplétées en 30 secondes
maximum et que la glycolyse et la glycogénolyse sont maximales avant 2
minutes d'exercice. Au-delà de ce délai, la filière
aérobie devient majoritaire dans la production d'énergie,
d'après la courbe d'Howald modifiée et actualisée par ces
auteurs. Le dernier déterminant majeur de la RSA, bien que cette liste
soit non exhaustive, est la capacité anaérobie. Bien
évidemment, cela dépend de la longueur des sprints à
effectuer à chaque répétition (Spencer et
al., 2005). Ces auteurs ont mis en évidence que la
participation du système anaérobie était majoritaire pour
un exercice de répétition de sprints de 15 mètres. En
revanche, la participation du système aérobie pour fournir de
l'énergie est plus importante pour des sprints
répétés de 30 ou 40 mètres comme nous l'affirment
Wedley et Le Rossignol (1998) qui se sont intéressés à la
part respective des deux systèmes principaux de fourniture
d'énergie pour un test de sprints répétés de 20
mètres avec 20 secondes de récupération.
Ø Déterminants physiques de la RSA:
Nous pouvons constater que la durée et la nature de la
récupération influencent fortement la capacité à
réitérer des sprints. Effectivement, plus la
récupération est courte, plus les performances au test de RSA
sont faibles (Balsom et al., 1992). Billaut et Basset
(2006), ont également montré que plus la durée de la
récupération était faible entre chaque sprint de 6
secondes, plus le pic de puissance à chaque sprint diminuait et
confirment donc l'hypothèse précédente. Spencer
et al. (2006) comparent les effets d'une
récupération passive ou active sur la performance en RSA et
montrent que la récupération active permet une diminution moins
importante du pic de puissance après chaque période de
récupération ainsi qu'une plus grande lactatémie
musculaire. Toubekis et al. (2005) confirment ces
hypothèses mais complètent celles-ci en nous informant qu'une
récupération passive est préférable dans le cas de
sprints répétés de courte durée, dans le cas de la
natation.
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Le deuxième facteur physique déterminant de la
RSA, directement en lien avec la récupération, est la notion de
fatigue, qu'elle soit musculaire, centrale, ou les deux (Balsom et
al., 1992). La fatigue lors des sprints
répétés se traduit principalement par une baisse de la
puissance à chaque répétition. Elle est le résultat
d'un changement de concentration dans le milieu intracellulaire et
principalement d'une altération des systèmes calciques (McIntosh
et Rassier, 2002), d'une augmentation d'ions hydrogènes et de phosphate
inorganique dans le sang et les muscles (Bishop et
al., 2003), ou encore de nombreux autres facteurs comme
l'altération de la commande motrice ou un déséquilibre
électrolytique (Na+, K+) (Edwards, 1983).
Les qualités purement musculaires comme la force, la
raideur musculaire, ou encore la puissance sont aussi des déterminants
physiques de la performance. Bon nombre d'auteurs mettent en évidence
que la capacité à répéter des sprints est
directement dépendante de la vitesse maximale de sprint sur une
répétition (Balsom et al., 1992). De ce
constat, nous pouvons affirmer que la part musculaire dans le travail de
sprints répétés est similaire à celle pour un
sprint unique (Morin et Belli, 2003). La raideur musculaire, plus que les
autres qualités musculaires, semble être déterminante pour
la RSA. L'effet de celle-ci sur les qualités de course n'est plus
à démontrer (Chelly et Denis, 2001). Cette qualité
musculaire peut se traduire comme étant le rapport entre la force
maximale appliquée sur un « ressort » (ici la Composante
Elastique Série ou la CES du muscle) et la compression maximale de
celui-ci (Millet et Le Gallais, 2007). Autrement dit, nous pouvons
définir la raideur musculaire comme la capacité d'un muscle
à résister à un allongement qui lui est imposé, ou
encore sa capacité à stocker puis restituer l'énergie
élastique emmagasinée. Cette dernière définition
nous indique l'importance de développer cette qualité pour
obtenir de meilleures performances en course à pied ou encore dans les
sports nécessitant de courir vite, comme le Handball. En effet, Millet
et Le Gallais (2007) nous montrent que l'augmentation de la raideur de la CES
aurait pour effet d'optimiser la transmission d'une force et de restituer plus
rapidement l'énergie potentielle emmagasiner lors du cycle
étirement-détente d'un muscle. Cette qualité apparait donc
déterminante dans la performance en sprint ainsi qu'en sprints
répétés. En effet, elle permettrait à
l'athlète de stocker l'énergie fournie par ses membres
inférieurs lors des phases de contact avec le sol et de la restituer le
mieux possible afin d'optimiser la poussée, et donc la vitesse de
déplacement. De même, certains auteurs ont montré le
rôle de la raideur musculaire dans l'économie de course (Spurrs
et al., 2003). Effectivement, ceux-ci affirment qu'un
entrainement en pliométrie permet de faire le lien entre l'augmentation
de la raideur musculaire (+ 7,8%) et
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l'amélioration de l'efficacité la foulée
en course à pied (+ 4,1 à + 6,7%) ainsi que la performance sur
3000 mètres (+ 2,7%). Même si le lien direct n'est pas
évident entre l'économie de course (qui représente la
capacité d'un athlète à dépenser le moins
d'énergie possible lors de sa course en essayant de restituer le maximum
d'énergie emmagasinée précédemment) et la
qualité de sprint, il convient toutefois de noter que l'efficience
énergétique et mécanique engendrée par
l'économie de course peut jouer un rôle très important dans
la qualité de répétition de sprints. En effet, nous
comprenons que si l'athlète réussi à être plus
efficient à chaque sprint et que l'on fait la somme de chaque sprint, la
fatigue sera d'autant moins importante. Il existe un certain nombre de
méthodes permettant d'améliorer cette raideur musculaire comme la
méthode stato-dynamique ou encore la méthode pliométrique.
Nous ne nous intéresserons ici qu'à cette dernière
méthode dans la mesure où son mode d'action musculaire est
équivalent à celui de la course. Effectivement, comme nous
l'avons vu précédemment, la pliométrie consiste à
mettre en jeu le système étirement-détente du muscle, tout
comme le fait la course par le fait d'absorber l'énergie dans la phase
de contact avec le sol et le fait de la restituer au moment où le pied
quitte le sol.
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