SECTION II. AFFAIRE
Société ALCATEL BELL-ZAIRE c/ N. RUKIYE Stanislas (RTA 2772 COUR
D'APPEL KINSHASA/GOMBE)
Soulignons que dans cette section, nous allons analyser un
arrêt rendu par la Cour d'Appel de Kinshasa/Gombe en matière de
licenciement basé sur la crise de confiance.
PARAGRAPHE 1. Données de
l'espèce
Il résulte des éléments du dossier
auxquels la Cour précitée peut avoir égard qu'en date du
28/12/1967, l'appelante, la Société ALCATEL BELL-ZAIRE, avait
engagé, pour ses services, l'intimé, Monsieur N. RUKIYE, en
qualité d'ingénieur technicien, qui accédera, après
de nombreuses années d'expériences, au grade de directeur. Le 19
octobre 1988, l'intimé se vit notifier une lettre de licenciement avec
préavis pour un motif lié à la crise de confiance.
Ayant estimé ce licenciement abusif, l'intimé,
après l'échec de la tentative de conciliation devant l'inspecteur
du travail, a saisi le premier juge, qui a condamné l'appelante au
paiement des sommes de Z 20.000.000 et FB 5.000.000 à titre de
dommages-intérêts pour tous préjudices confondus.
Contre ce jugement, les parties ont relevé chacune, en
ce qui le concerne, appel. L'appelante s'insurge contre le jugement du premier
juge attaqué pour l'avoir condamnée au paiement de Z 20.000.000
et FB 5.000.000 pour tous les préjudices confondus, sans motiver sa
décision.
Selon le premier juge, déclare-t-elle, la crise de
confiance retenue comme motif de licenciement par l'appelante n'a pas
été prouvée, car les faits antérieurs
reprochés à l'intimé n'ont jamais fait l'objet d'une
plainte ou d'une enquête. Donc le motif est imprécis et
équivaut à l'absence de motif.
Pour l'appelante, la motivation du premier juge n'a aucune
assise juridique, car la doctrine tout comme la jurisprudence, fondent comme
motif de licenciement sans dispense du respect du préavis, la crise de
confiance. Ainsi, poursuit-elle, le professeur LUWENYEMA LULE dans son
Précis de droit du travail, précité,
écrit : « les faits démonstratifs s'analysent en
faute même légère comme le sont les erreurs, les
négligences professionnelles, le manquement à la discipline, les
retards occasionnels, l'oubli de pointer, le manque du respect au personnel
dirigeant, etc. ; et il est de jurisprudence que : il suffit encore,
pour justifier la résiliation du contrat du travail, que les agissements
du travailleur entament la confiance que l'employeur doit avoir en son
collaborateur (Soc., 24 nov. 1965, D., 1966, 288 et la note relative à
la perte de confiance justifiant le renvoi) ou qu'il existe un doute concernant
son intégrité, même si sa culpabilité n'est pas
prouvée (Paris, 12 juin 1959, D., 1959, voir aussi Soc., 20 octobre
1965, Bull. civ., IV, 564) ».
L'appelante fait observer que les faits retenus à
charge de l'intimé rencontrent bien les cas de jurisprudence et de
doctrine évoqués, car il y a à relever :
Ø L'irrespect envers les dirigeants sociaux et pour le
cas précis, l'intimé, à la suite des reproches lui faits
pendant la réunion du 19/10/1988, a claqué la porte avant la fin
de la réunion et a quitté l'enceinte de la société
pour ne rentrer que le lendemain ;
Ø Le mépris affiché par l'intimé
face aux instructions de service. A la même date du 19/10/1988, il a
été constaté, contrairement aux instructions, que
l'intimé ne faisait pas pointer dans le registre l'heure de sa sortie,
ni de son retour et qu'il s'absentait trop pour des motifs personnels ;
Ø L'indifférence affichée par
l'intimé en dépit des observations lui faites.
L'intimé s'occupait de ses affaires personnelles en
utilisant du papier en-tête de la société pour transmettre
à sa clientèle privée des propositions commerciales et se
servait des comptes en banque de la société pour régler
ses propres factures et ce, pendant qu'il se trouvait en mutation en poste
à Lubumbashi.
Pour l'appelante, tous ces faits et cas relevés
prouvent à suffisance l'état de crise de confiance. Il en
découle que le licenciement intervenu est régulier. Elle demande
à la Cour de recevoir son appel en la forme et de le dire fondé,
d'annuler le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de dire l'action
originaire de l'intimé recevable mais non fondée, de constater
que le licenciement intervenu est fondé sur des justes motifs.
L'intimé n'ayant pas conclu quant au fond, la Cour n'aura égard
qu'aux seules conclusions de l'appelante quant à ce.
La Cour relève que l'état de crise de confiance
né entre l'appelante et l'intimé, retenu par l'appelante comme
motif justifiant le licenciement, est fondé au regard des griefs
articulés contre l'intimé, car ceux-ci, contrairement aux
prétentions du premier juge, ne nécessite pas une plainte ou une
dénonciation et n'ont pas besoin d'une enquête
préalable.
Il est d'ailleurs de jurisprudence qu'est justifié le
licenciement du travailleur, peu importe que l'employeur ne puisse apporter la
preuve du fait incriminé tel le prétendu mauvais caractère
du travailleur ou le grief d'avoir écouté à la porte du
directeur ; (Soc., 16 décembre 1963, Bull. civ., IV,
727 ; Soc., 19 janvier 1967, D., 1961, som. 36). Ainsi, le licenciement
sur base de la crise de confiance dans le cas sous examen est
justifié.
Par sa requête en date du 7 juillet 1997, le conseil de
l'intimé sollicite la réouverture des débats au motif que
la cause avait été malencontreusement prise en
délibéré par défaut. A Cour n'entende pas faire
droit à cette requête dans la mesure où la partie
intimée n'a pas réservé copie de sa requête à
l'appelante comme il doit selon la jurisprudence (C.A. Bukavu, RCA 740,
10/1/1984, S. VILU c/ MWANIA et DEKWA, inédit ; C.A. Kin., RCA
17986, MWENGA c/ BALOKA).
C'est pourquoi,
La Cour, section judiciaire,
Statuant par défaut,
Le Ministère public entendu en son avis
écrit,
Vu le code de procédure civile,
Rejette la demande de réouverture des débats,
Reçoit l'exception d'irrecevabilité de l'appel
soulevé par l'intimé mais la dit non fondée ;
Reçoit les appels tant principal de la
Société ALCATEL BELL-ZAIRE qu'incident de Monsieur N. KURIYE
Stanislas ;
Dit fondé celui de la Société ALCATEL
BELL-ZAIRE et non fondé celui incident ;
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses
dispositions ;
Statuant à nouveau et faisant ce qu'aurait dû
faire le premier juge ; mais la déclare non fondée et l'en
déboute ;
Dit valable le motif de licenciement ;
Délaisse le frais à l'intimé.
Ainsi arrêté et prononcé par la Cour
d'appel de Kinshasa/Gombe à l'audience publique du 2 octobre 1997,
à laquelle ont siégé les magistrats F.X. KADIEBWE,
Président, C. MAKAYA et DIMOKE, Conseillers, avec le concours de
Monsieur KASEMBE, Officier du Ministère public et l'assistance de
DIKIZEYIKO, greffier du siège.
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