La pratique du pentecôtisme et le développement intégral des fidèles lushois( Télécharger le fichier original )par Armand PASULA N'KUKITER Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010 |
1 CHAPITRE I. LE CADRE THEORIQUEDans ce premier chapitre, il est question, d'abord, de définir les concepts utilisés, à savoir : la pratique religieuse, le pentecôtisme et le développement intégral. Ensuite, nous présenterons le modèle théorique qui sous-tend notre étude sur le sujet traité. 1.1 La définition des concepts1.1.1 La pratique religieuseAvant d'évoquer la pratique religieuse, des précisions doivent être apportées sur le concept religion, étant donné qu'il revêt plusieurs sens selon l'angle sous lequel on l'aborde : philosophique, théologique, sociologique, etc. Pour surmonter cette difficulté épistémologique, nous nous penchons sur l'étymologie et l'historique de ce concept ainsi que sur les points de vue des sociologues. L'étymologie du terme religion reste incertaine. Elle est d'ailleurs controversée depuis l'Antiquité. Selon Oxford English Dictionary, en effet, Cicéron rapprochait les mots latins « religio » de « relegere », qui signifie relire. Cela laisse entendre qu'une personne religieuse observe scrupuleusement les prescriptions de son culte. Des auteurs ultérieurs, comme Lactance, rejettent cette explication et font dériver ce mot de « religare », qui signifie relier. La religion caractérise donc une vie liée par voeux et constitue un lien direct avec Dieu. Les Dictionnaires modernes, par contre, définissent la religion de façon beaucoup plus large et la décrivent comme étant la reconnaissance par l'homme qu'une certaine puissance supérieure invisible est maître de son destin et a droit à son obéissance, à son respect et à son adoration. En allant plus loin encore, on peut définir la religion comme attachement à quelque principe, une fidélité scrupuleuse, ou simplement comme la droiture21(*). Le mot latin religio a été employé de bien des façons, et il semble impossible de remonter à une signification première unique. On a plutôt l'impression que deux notions ont fini par coïncider en un seul terme. En gros, il avait deux conceptions de la religion : l'une mettait l'accent sur les réalités objectives extérieures à l'homme, auxquelles celui-ci est relié par la religion, l'autre concernait l'attitude subjective de l'homme et les actions qui pouvaient en découler. Un commandement ou un rite pouvait constituer la religion ; l'inobservation de l'un ou de l'autre était alors considérée comme un sacrilège. On constate ici un lien étroit entre la foi et l'éthique ; et même lorsque, plus tard, la morale fut dissociée de la religion organisée, elle fut aisément reliée à un autre concept qui transcendait l'individu, comme par exemple à un pays, à un parti politique ou à un mode de vie traditionnel. Le mot religion finit par désigner la doctrine et l'organisation d'un groupe, plutôt qu'une foi personnelle. On distingua ainsi les religions chrétiennes et juive, et les religions catholique et protestante. La découverte d'autres religions du monde moderne, expression utilisée par les auteurs catholiques dès 1508, constitua un nouveau facteur extrêmement important. Ce pluriel « religions » était nouveau, et il est significatif que d'autres mots, auparavant presque équivalents à religion, n'avaient pas du pluriel : « foi », « piété », etc. Ces religions du monde furent tout d'abord comparées à la foi chrétienne, et cette comparaison s'étendit bientôt. Le christianisme avait ses croyances, ses systèmes, ses controverses doctrinales, ses Eglises et ses organisations. On en vint donc à supposer que les autres religions lui étaient semblables. Elles étaient dans l'erreur, bien sûr, mais on pensait qu'elles devaient toutes avoir des croyances et des organisations analogues à celles des Eglises. W.C. SMITH distingue quatre sens du terme religion dans la période moderne. Le premier est celui de « piété personnelle », comme lorsque nous parlons d'une « personne religieuse », ou des « personnes dont la religion est fervente et généreuse ». Voici la définition qui en est donnée dans l'Epitre de Jacques au chapitre 1, verset 27 : « la religion pure et sans reproche aux yeux de notre Père consiste en ceci : visiter dans leur détresse les orphelins et les veuves et se garder soi-même indemne des souillures de ce monde ». Ensuite, on utilise le terme religion pour désigner un système de croyances et de pratiques. Lorsque nous parlons de la « religion chrétienne », c'est généralement cette organisation que nous avons à l'esprit, plutôt que la piété ou la dévotion des chrétiens, que ce terme aurait indiqué dans le passé. Cette acception du terme religion est peut-être la plus usuelle aujourd'hui. Il ne s'agit plus d'un terme général : on fait allusion à des systèmes de religions spécifiques, à certaines étapes et à certains endroits. Un troisième sens du mot religion, dans l'usage moderne, est lié au deuxième sens, car il se réfère à des religions spécifiques mais d'une façon idéale. L'expression « vraie religion » peut se rapporter à une foi personnelle ; mais elle peut également désigner le système parfait ou la communauté idéale, comme le « vrai christianisme ». Les défenseurs d'une religion, quelle qu'elle soit, sont habituellement conscients des lacunes de son organisation, mais prétendent que si elle était observée conformément à ses idéaux les plus élevés, elle serait parfaite. Pourtant, quand ils parlent des autres religions comme par exemple de l'islamisme, ils ont plutôt tendance à en souligner les erreurs apparentes, soit à les identifier avec ses idéaux, soit à ignorer purement et simplement ceux-ci. Le quatrième sens du mot religion, aujourd'hui, est celui de « religion en général », c'est-à-dire qu'il désigne l'ensemble des activités humaines qui doivent être qualifiées de « religieuses ». On peut l'appliquer aux activités tant individuelles que collectives, et aux époques historiques comme aux temps modernes. Le sens de cette religion en général est influencé par les autres significations (piété personnelle, système organisé, aspect concret et aspect idéal). On peut reconnaître que les religions diffèrent les unes des autres, mais on peut également essayer de dépasser ce cadre historique et organisé pour découvrir dans chacune d'elles, d'une certaine manière, l'essence de la religion. Il s'agit ici d'un emploi particulièrement moderne, et la recherche de la base commune ou des principes généraux de la religion s'est grandement développée depuis que l'on est mieux informé des religions d'Asie et d'Afrique. Ce quatrième sens du mot religion peut être utilisé pour distinguer la religion des autres activités humaines, telles que l'art ou l'économie. Mais cela peut aboutir à faire considérer la religion simplement comme un secteur de la vie humaine, traditionnel en voie de disparition, et moins important que le travail ou le jeu. Au cours de ces cent dernières années toutefois, de nombreuses théories concernant les origines de la religion nous ont été proposées la plupart du temps par des anthropologues ou des sociologues « de chambre ». Tylor et Frazer, Marx et Freud, Lévy-Bruhl et Durkheim ont tous élaboré des théories sur les origines de la religion en partant des peuples prétendument primitifs d'aujourd'hui. Ils se sont appesantis sur l'animisme, le totémisme, le stade prélogique ou encore sur la divinité sociale des australiens ou des africains. Cela étant, nous allons essayer de définir la religion avec les auteurs contemporains. Du point de vue théologique, nous prenons en compte la définition proposée par le professeur MULAGO GWA CIKALA dont voici la substance : « La religion est l'ensemble cultuel des idées, sentiments et rites basés sur : 1° La croyance en deux mondes visible et invisible ; 2° La croyance au caractère communautaire et hiérarchique de ces deux mondes ; 3°L'interaction entre les deux mondes, la transcendance du monde invisible n'entravant pas son immanence ; 4° La croyance en un Etre Suprême, Créateur et Père de tout ce qui existe22(*) ». Et le professeur ANYENYOLA WELO de renchérir : « cette définition revêt donc un caractère nettement théologique dans la mesure où son auteur met un accent particulier sur la transcendance et l'immanence du monde invisible, ainsi que sur la hiérarchie des mondes visible et invisible. Et l'interaction entre ces deux mondes semble en constituer l'un des éléments fondamentaux...Dans le même ordre d'idées, la religion se présenterait comme un lien spirituel par lequel l'homme cherche à entrer de nouveau en relation avec Dieu. Du point de vue anthropologique, toute religion constitue avant tout un trait ou un phénomène socioculturel. En d'autres termes, pour l'anthropologie, la religion est une institution sociale qui se fonde sur une culture donnée dont dépendent sa conception et son organisation structurelle et fonctionnelle »23(*). Du point de vue sociologique, selon Emile DURKHEIM, la religion est « un système solidaire de croyances et pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une communauté morale, appelée Eglise, tous ceux qui y adhérent »24(*). A la suite de E. DURKHEIM, le professeur ANYENYOLA WELO pense que la religion peut être définie comme la communion (relation) spirituelle entre puissance spirituelle adorée et croyant-adorateur humain seul ou en groupe, qui ne peut se réaliser effectivement que moyennant la mise en jeu de beaucoup d'éléments : la puissance surnaturelle adorée, l'homme ou les hommes adorateurs et les moyens utilisés pour adorer. MUSASA KABOBO, quant à lui, dans sa thèse doctorale, estime que « la religion est un rapport communiel entre la ou les puissance (s) et leurs adorants, rapport qui se réalise dans un ensemble d'activités physico-spiritualistes, accomplies dans un groupe ésotérique de personnes partageant une communauté de valeurs religieuses, dirigées vers une ou plusieurs puissances supranaturelles, en vue d'obtenir, par des efforts « ascétiques » répétés et un rituel approprié en compatibilité avec leur nature, le salut total dont ces puissances sont apparemment génératrices25(*) ». En ce qui nous concerne, nous pensons que les définitions sociologiques de la religion susmentionnées rencontrent notre préoccupation scientifique dans la mesure où elles se fondent toutes sur l'idée d'une communauté des croyants qui se réunissent à l'occasion du culte et d'autres circonstances précises, qu'ils rendent à l'Etre Suprême en qui ils partagent tous la même foi, et cela s'observe à partir d'une praxis. Cela étant, la pratique religieuse pour nous, c'est la façon dont l'être humain adore un être surnaturel sous forme de culte, autrement dit la façon dont il applique les principes ou les enseignements doctrinaux reçus au sein de sa communauté religieuse. Pour Joseph LALOUX, « la pratique religieuse, c'est l'ensemble des comportements religieux externes, facilement observables et quantifiables26(*) ». Explicitant sa pensée, ANYENYOLA WELO, quant à lui, définit la croyance religieuse comme « une attitude spirituelle consistant à admettre l'existence d'une puissance surnaturelle et ses oeuvres, et à se lier à elle pour une interaction réglementée ; et la pratique religieuse comme la mise en oeuvre exigée de la croyance religieuse, qui se traduit par des oeuvres concrètes telles qu'adoration, prière, prédication, guérison, délivrance, etc., en tant que pratique spécifique parmi tant d'autres (sociale, politique, économique, scientifique, professionnelle,...) »27(*). * 21 Oxford.English Dictionary, in La religion dans les manuels d'histoire, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1974. * 22 MULAGO GWA CIKALA, cité par le professeur ANYENYOLA WELO, Essai de sociologie de la religion, Lubumbashi, 1ère éd., P.U.L., UNILU, 2001, p.9. * 23 Cfr. ANYENYOLA WELO, op.cit, pp.9-10. * 24 DURKHEIM, E., Les formes élémentaires de la vie religieuse, 5° éd., P.U.F., Paris, 1968, p.65. * 25 MUSASA KABOBO, op.cit, p.93. * 26 LALOUX, J., Manuel d'initiation à la sociologie religieuse, éd. Universitaires, Paris, 1967, p.15. * 27 ANYENYOLA WELO, Essai de sociologie de la religion, 2ème éd., PUL, UNILU, 2008, p. 179. |
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