B- Le droit de circuler, de séjourner et le
droit de demeurer
Ce sont les effets directs de la libre circulation. L'article
27, alinéa (a) para. 3 et 4 confère au travailleur migrant
d'origine communautaire la possibilité d'entrer, de se mouvoir et de
séjourner sur le territoire de tout Etat membre (1), et le droit de
demeurer établi sur celui-ci (2).
1- Le droit d'entrer, de déplacement et de
séjour
Tout travailleur communautaire bénéficie du
« droit d'entrée, de se déplacer et de séjourner
sur le territoire des Etats membres ».40 Cette disposition
vise à réaliser le libre accès des travailleurs à
des emplois offerts dans d'autres Etats membres de la Communauté en
interdisant toute restriction à leur déplacement à
l'intérieur des celle-ci, qu'il s'agisse des restrictions à
l'accès au territoire national, ou à la circulation à
l'intérieur de celui-ci. Il s'agit là du droit d'entrer et de
déplacement qui implique la reconnaissance au profit des travailleurs de
quitter le territoire de leurs pays d'origine respectifs et traverser les
frontières internes de la Communauté41 pour
s'installer sur le territoire des autres Etats membres sans se voir exiger
d'autres conditions que celles imposées par le législateur
communautaire, d'une part, et d'autre part d'y circuler librement une fois
entrés. Nul besoin pour cela que l'autorité compétente du
pays d'accueil délivre un visa pour l'entrée ou un laissez-passer
pour le déplacement.
D'autre part, le droit de séjour implique que le
travailleur migrant d'origine communautaire bénéficie du droit de
séjourner, c'est-à-dire de rester et de s'installer sur le
territoire de tout Etat membre où il travaille ou entend travailler. La
jurisprudence européenne précise que ce droit est acquis
indépendamment de la délivrance par l'autorité
compétente de l'Etat d'accueil de tout titre de séjour, la seule
condition requise étant l'exercice d'une activité
économique.42 Il s'agit d'une position louable car
subordonner ce droit à la délivrance par l'autorité
nationale d'un titre de séjour reviendrait à lui laisser
l'arbitrage et l'appréciation de qui serait ou pas apte à en
bénéficier, ce qui nous semble contraire à la
volonté du législateur communautaire.
40 Article 27 alinéa (a) para. 3 Convention
régissant l'UEAC.
41 Selon l'article 1 de la Convention d'application
de l'Accord de Schengen, sont frontières intérieures « les
frontières communes terrestres des parties contractants ainsi que leurs
aéroports pour les vols intérieurs et leurs ports maritimes pour
les liaisons régulières de transbordeurs qui sont en provenance
ou à destination exclusive d'autres ports sur le territoire des parties
contractantes, sans faire escale dans ces ports en dehors de ces territoires
».
42 CJCE, Aff. 495 Royer, 1976 ; CJCE Aff. 1263
Commission/Allemagne « logement », 1989.
Il importe de mentionner que tous ces droits doivent aussi
être reconnus au chercheur d'emploi. En particulier le droit de
séjour doit lui bénéficier, même si les textes
communautaires ne le prévoient pas expressément. Pourtant, si
leur statut de chercheur d'emploi commande une application un peu
particulière du droit au séjour, cela est dû au fait qu'ils
ne sont pas des travailleurs au sens plein du terme. Il convient tout de
même de leur accorder un délai raisonnable qui leur permettrait de
prendre connaissance sur le territoire de l'Etat membre d'accueil des offres
d'emploi correspondant à leur qualification professionnelle. Mieux
encore, si à l'issu de pareils délais, l'intéressé
rapporte la preuve qu'il continue de chercher un emploi, et surtout qu'il a de
sérieuses chances d'être embauché, il est convenable de le
laisser continuer à bénéficier de son droit de
séjour.
Quoi qu'il en soit, le ressortissant d'un Etat membre perd son
droit au séjour dans un autre Etat membre dès lors qu'il perd la
qualité de travailleur, c'est-à-dire lorsqu'il cesse d'avoir dans
ce pays un emploi salarié avec rémunération, à
moins de satisfaire aux conditions du droit de demeurer.
2- Le droit de demeurer établiLe
travailleur étranger ressortissant de la CEMAC a le droit de demeurer
établi dans le
pays d'accueil, même en l'absence d'un emploi
salarié dès lors qu'il satisfait « à la condition
d'y avoir exercé un ou plusieurs emplois pendant une période d'au
moins quinze ans, [ou] de pouvoir justifier de moyens de subsistance
».43 Le droit de demeurer établi constitue le
corollaire des droits de circuler et de séjourner, mais à la
différence de ceux-ci, celui-là intervient à la fin de la
qualité de travailleur, c'est-à-dire au moment où
l'intéressé cesse d'exercer une activité
économique. C'est donc une consécration louable qui donne la
possibilité au travailleur de demeurer dans son pays d'accueil une fois
son travail achevé, de faire et organiser sa vie dans un pays qu'il
connait désormais bien et dans lequel il pourrait avoir lié des
relations lui permettant de s'intégrer parfaitement. Il est tout de
même entouré de deux conditions alternatives :
> soit l'intéressé doit fournir la preuve
d'avoir exercé une ou plusieurs activités
économiques pendant au moins une durée de quinze
ans dans le pays d'accueil. Le texte ne précise pas si cette
période de quinze ans doit être continue ou alors si elle peut
être la somme des périodes successives et entrecoupées de
travail passées dans le
43 Article 27 alinéa (a) para. 4 Convention
régissant l'UEAC.
pays concerné. En l'absence de précision
textuelle, nous pensons que la deuxième alternative doit être
prise en compte pour rendre mieux compte du droit conféré ;
> soit l'intéressé doit, à
défaut de totaliser ces quinze ans, fournir la preuve des moyens de
subsistance propres qui lui permettront de mener une vie décente, ce qui
lui éviterait d'être une charge pour la société. La
nature et la consistance de ces moyens de subsistance doivent être
fixées par un règlement du Conseil des Ministres de l'UEAC. Ce
règlement est toujours attendu et nous déplorons le vide
laissé autour d'une notion aussi importante pour l'intégration
personnelle. Toutefois, nous plaidons pour une somme qui, sans être
exorbitante et de nature à écarter un trop grand nombre
d'étrangers communautaire, évitera tout de même que des
aventuriers sans revenus soient appelés à rester sur les
territoires des pays d'accueil à la charge de la société.
Quoi qu'il en soit, ce règlement doit plaider en faveur d'une
application unanime des modalités d'exercice de la liberté de
circulation et posera les bases d'une harmonisation des législations
nationales en la matière.
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