Para. 2 : UN ENCADREMENT NECESSAIRE DE LA NOTION D' «
EMPLOIS DANS
LES DOMAINES PUBLIC, PARAPUBLIC ET STRATEGIQUE »
La nécessité d'un encadrement de cette notion
vient de ce qu'elle nous semble vague, ouvrant ainsi la voie à une
élasticité nocive pour le droit au travail communautaire. Cet
encadrement doit alors intervenir en la matière en zone CEMAC par
l'impulsion du Conseil des Ministres qui, à travers le droit
dérivé dont il a la compétence, doit donner à la
notion quelque peu vague d' « emplois dans les secteurs public,
parapublic et stratégique » des limites en vue d'éviter
son extrême extension par les Etats. En effet, le dynamisme qui doit
caractériser l'action intégrative en Afrique Centrale doit amener
cet organe à cantonner la dérogation dans une conception
restrictive qui va « limiter sa portée à ce qui est
strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts
qu'elle permet aux Etats membres de protéger
».146
Le mouvement souhaité ici a déjà
été expérimenté dans le cadre de l'Union
Européenne car la Commission Européenne est intervenue pour
donner à la notion
d' « emplois dans l'administration publique »
un contenu restrictif.147 Il consisterait à donner les
grandes articulations de la notion et fixer une définition, à
tout le moins, qu'elle devrait revêtir. A ce titre, et comme l'a fait la
Commission Européenne suivie en cela par la jurisprudence, il devrait
reconnaître que certains emplois, bien que pouvant rentrer dans le champ
d'application de la restriction, puissent valablement être offerts
à un étranger ressortissant communautaire, pour autant qu'ils
n'exigent pas une forte relation entre l'Etat et l'agent en question. Il peut
être question ici, par exemple des organismes chargés de
gérer un service public industriel et commercial (SPIC), tel que les
transports publics, la distribution d'électricité ou du gaz, les
compagnies de navigation aérienne, les postes et
télécommunications ou encore les organismes de radiodiffusion,
les services opérationnels de santé publique, l'enseignement dans
les services publics, quels que soient le niveau d'enseignement (primaire,
secondaire ou supérieur) et le type d'enseignement, la recherche au sein
des établissements publics de recherche. D'ailleurs, en ce qui concerne
l'enseignement, on peut dire que l'exemple est déjà donné
par certains Etats de la CEMAC en ce sens qu'ils disposent dans leurs rangs des
ressortissants d'autres pays membres. C'est le cas des pays comme le Congo ou
le Gabon où on rencontre bon nombre d'enseignants camerounais.
A noter que cette action pourrait être
bénéfique à plus d'un titre car outre la garantie offerte
à la libre circulation des travailleurs et leur droit à la non
discrimination, elle va
146 CJCE, Aff. Lawrie-Blum précitée.
147 Question écrite N°255/79 du 17 juillet 1979, JOUE
N°C.253 du octobre 1979, JO C 72 du 18 mars 1988, p.2.
favoriser l'action intégrative et la constitution du
Marché Commun dans d'autres domaines comme le déplacement et la
collaboration des chercheurs d'origine communautaire, l'harmonisation des
politiques des transports, la coordination des politiques d'enseignement
(etc.), toute chose qui favorisera l'intégration communautaire
sous-régionale.
Les discriminations permises aux Etats membres de la CEMAC par
le législateur communautaire obéissent au final à une
double réalité contradictoire : autant il est nécessaire
et même indispensable pour les Etats de leur laisser un minimum de
souveraineté nécessaire pour faire face à des situations
difficiles ou pour éviter que la présence sur leurs territoires
d'étrangers ressortissants communautaires ne soit un motif de
désordre social ; autant il est nécessaire et tout autant
indispensable de ne pas leur laisser une trop grande marge de manoeuvre en
matière de ces restrictions, le risque étant, pour l'une comme
l'autre nécessité, si elle n'était pas respectée,
d'entraîner la non application ou la non application correcte des
libertés communautaires et du droit communautaire. C'est dire qu'un
équilibre strict et mesuré s'impose à cet effet afin que
les intérêts dignes de protection des Etats ne puissent pas
occulter l'application tout autant digne de respect de ces libertés, par
le biais des faits et actes qui n'ont rien à voir avec le droit
communautaire et qui relèvent plutôt des égoïsmes
nationaux des différents membres.
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