Section 2 : DISCRIMINATIONS FONDEES SUR LA NATURE DE
CERTAINS EMPLOIS
Il est question ici des exceptions à l'interdiction des
discriminations fondées sur la nationalité en matière
d'emploi des étrangers, en ce sens que le législateur
communautaire admet la possibilité pour les Etats de réserver aux
nationaux exclusivement certains emplois, notamment « dans les
domaines public, parapublic et stratégique ».142
Les raisons d'une telle exception sont connues. En effet, bien que le
législateur n'en donne aucune justification, il est communément
admis qu'il s'agit de préserver la souveraineté des Etats membres
en leur laissant le soin de réserver à leurs ressortissants
exclusivement certains emplois qui commandent un degré de rattachement
intense et une solidarité soutenue des titulaires à
l'égard de l'Etat, de même que la réciprocité des
droits et devoirs qui sont le fondement de la nationalité. Il est
question des emplois qui nécessitent un lien fort et étroit entre
ceux qui les exercent et l'Etat. En effet, il est évident que la nature
de certains emplois, de part leur forte implication dans la vie et le destin
d'un Etat, nécessite qu'ils soient pourvus par des personnes pouvant
représenter au mieux les intérêts de cet Etat et à
ce sujet, nul autre qu'un national de cet Etat ne peut efficacement effectuer
cette tâche.
Ceci dit, il convient de préciser que le texte
communautaire est libellé en des termes trop génériques et
aucune précision n'est fournie à propos du contenu de ces
restrictions (para. 1) qui, à notre avis, doit faire l'objet d'un
encadrement communautaire (para. 2).
Para. 1 : LES EMPLOIS VISES
La disposition communautaire est claire, mais est loin
d'être précise. C'est ainsi que le contenu à donner
à la notion « d'emplois dans les domaines public, parapublic et
stratégique » peut révéler des
difficultés en ce sens que la compétence nationale en la
matière peut amener les Etats membres à lui donner des contenus
divers et variés. Il s'agit des problèmes d'interprétation
que pourrait rencontrer le dispositif communautaire, chaque Etat membre
étant compétent pour donner un contenu à la notion.
Pourtant on aurait de bonnes raisons de penser que l'héritage commun du
droit administratif français qui influence la quasitotalité des
pays de la CEMAC plaidera en faveur d'une uniformisation du contenu de la
142 Article 27 alinéa (a) para.2 in fine de la Convention
régissant l'UEAC.
restriction. Or, la culture hispanophone de la Guinée
Equatoriale ajoutée au parcours des constructions administratives
nationales postindépendances nous oblige à reconsidérer
notre quiétude sur le contenu susceptible d'être donné
à cette notion.143 Ceci est d'autant plus vrai que les Etats
membres de la CEMAC peuvent considérer cette dérogation comme une
porte ouverte au non respect des libertés communautaires.
Tout compte fait, le texte parle d' « emplois dans
les secteurs public, parapublic et stratégique ». C'est une
formulation somme toute meilleure que celle utilisée par le
législateur européen, lui qui se contente de parler d' «
emplois dans l'administration publique ».144 On peut
considérer qu'il s'agit des emplois « qui comportent une
participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique
et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts
généraux de l'Etat ou des autres collectivités publiques
».145 Ces restrictions visent des emplois qui impliquent
fortement la puissance de l'Etat, c'est-à-dire, par exemple ceux dont
les titulaires disposent des prérogatives de puissance publique, ceux
dont les titulaires participent à l'édiction des actes
administratifs ; bref, les emplois qui, compte tenu des tâches et des
responsabilités qui leur sont inhérentes, sont susceptibles d'en
appeler à la puissance de l'Etat. A ce titre, on peut considérer
comme rentrant dans le champ d'application de cette restriction de l'article 27
alinéa (a) para. 2 in fine les dispositions traitant de
l'entrée dans les administrations publiques (administration nationale,
territoriale ou locale pour les pays ayant opté pour la
décentralisation) ou dans la fonction publique des Etats, aux forces de
l'ordre ( police, gendarmerie et militaires, bref les corps veillant à
la sécurité intérieure et extérieure), la justice,
l'administration fiscale et douanière, la diplomatie, et de
manière générale tous les domaines où ces personnes
occupent des postes organisés autour d'un pouvoir juridique de l'Etat,
d'un de ses démembrements, ou d'une personne morale de droit public se
rattachant à lui, qu'il s'agisse de la décentralisation
territoriale ou par services.
La diversité des constructions administratives
nationales peut finalement être un obstacle à la bonne application
de cette disposition. Il devient alors nécessaire d'encadrer cette
notion dans des limites précises.
143 GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre circulation des
personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations
théoriques et hésitations politiques », op. cit., p.97.
144 Article 48 para.4 (39 para.4 nouveau) du traité CE.
145 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans
l'Union Européenne, op. cit., p.57.
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