CHAPITRE II L'INSTITUTION DU PRINCIPE DE NON
DISCRIMINATION DANS LES DOMAINES JUDICIAIRE, DE L'ENSEIGNEMENT,
LA RECHERCHE ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE
L'intégration communautaire en CEMAC, comme partout
ailleurs, commence par une reconnaissance des libertés traditionnelles
à des agents économiques. Pourtant, s'il est important de
conférer à ceux-ci une condition confortable et confortée
par le droit communautaire, l'intégration personnelle passe aussi - et
surtout - par la communautarisation des avantages à ceux qu'il est
désormais convenu d'appeler les « non actifs »,66
c'est-à-dire ceux qui n'interviennent pas dans le circuit
économique et par conséquent ne sont pas visées par les
dispositions relatives au travailleurs salariés ou à la main
d'oeuvre, à la libre prestation des services et au libre
établissement. Par ailleurs, et dans le même ordre d'idées,
il importe tout aussi de fonder une sorte de citoyenneté de la
communauté qui confère à tous les ressortissants
communautaires des droits certains où qu'ils se trouvent.
Le législateur communautaire en est parfaitement
conscient puisqu'à côté des libertés
économiques consacrées, il en a consacré d'autres dans les
domaines qui n'ont aucune relation avec le circuit économique
stricto sensu. Ainsi, tout en prévoyant un traitement
égal en matière d'enseignement, de la recherche et de la
formation professionnelle (section 1), il assure une certaine garantie à
l'étranger ressortissant communautaire dans le domaine judiciaire
(section 2).
SECTION 1 : L'ABSENCE DE DISCRIMINATION DANS LES
DOMAINES DE L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LAFORMATION PROFESSIONNELLE
Les actions visant l'intégration personnelle dans ces
domaines sont révélatrices à plus d'un titre car elles
marquent un autre seuil franchi par le législateur communautaire qui
consacre alors les libertés autres que celles dites traditionnelles. Le
législateur communautaire traite de tous ces domaines dans un seul
article lorsqu'il parle de la « rationalisation et
l'amélioration des performances de l'enseignement notamment
supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle
».67 Pourtant, le droit communautaire européen
parle de ces domaines dans des articles différents consacrés
à l'éducation, à la formation professionnelle et à
la recherche.68 La multitude des dispositions dans le droit
européen témoigne de leur état d'avancement en ces
matières, contrairement au contexte CEMAC où les actions
prescrites ne le sont encore qu'en des termes très
génériques, trop génériques. Il importe dès
lors de préciser les domaines respectifs de ces matières (para.
1) avant de s'attarder sur les actions qui ont été prises dans le
but de consolider l'intégration personnelle en ces matières
(para. 2).
66 CARTOU (L) : L'Union Européenne. Les
Traités de Paris - Rome - Maastricht, 2ème
édition, p.265.
67 Article 29 para.1 Convention régissant
l'UEAC.
68 Articles 123, 126, 127 et 130 F, G, H, I, K, l, M,
N, O, P du Traité de Maastricht.
Para. 1 : LE DOMAINE DES NOTIONS D'ENSEIGNEMENT, DE
RECHERCHE ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE
Même si le législateur CEMAC comprime ces trois
notions dans un seul et même article, force est de reconnaître
qu'elles désignent des réalités diverses et fort
variées. Il faut donc les préciser les unes après les
autres.
A- L'enseignement
On pourrait considérer que l'enseignement constitue le
droit commun de ces matières et les autres les droits spécifiques
car de manière générale, l'enseignement pourrait englober
à la fois la recherche et la formation professionnelle. Qu'à cela
ne tienne, la précision des deux autres notions laisse entendre que
l'enseignement a un domaine précis.69 A ce titre, on dirait
que le législateur communautaire n'a pas la prétention de
créer une dimension communautaire de l'enseignement en ce sens qu'il ne
commande pas une harmonisation des dispositions législatives nationales
des Etats membres. En effet, il se borne à préciser que les
actions à entreprendre dans ce domaine comportent la «
coordination des programmes d'enseignement ».70 C'est dire
que la compétence communautaire dans la détermination du domaine
et du contenu de l'enseignement est sinon inexistante, du moins infime. Il
revient alors aux différents Etats membres à travers leurs
législations respectives, de donner un contenu à la notion
d'enseignement. Ainsi, l'organisation du système éducatif ainsi
que la fixation du contenu de l'enseignement, c'est-à-dire des
programmes relèvent de la compétence des législations
nationales, la Communauté n'intervenant que pour encourager la
coopération entre les Etats en complétant et en appuyant leurs
actions. A vrai dire, il est souhaitable que ce soit ainsi car comme le
souligne la doctrine, il s'agit de laisser libre cours aux Etats,
nécessaire pour respecter leurs diversités culturelles et
linguistiques, maintenir un système éducatif propre à
chaque Etat et qui reflète sa culture et son histoire, ce qui
représente une garantie du respect de l'identité
nationale.71 Dans ces conditions, l'exigence d'une
69 Les textes européens parlent de l'
« éducation » (Article 126 du Traité de
Maastricht). Soulignons que ce texte marque la première
consécration textuelle d'une politique européenne de
l'enseignement, le Traité instituant la CEE s'étant borné
à la formation professionnelle et laissé le soin à la
jurisprudence d'y inclure l'éducation stricto sensu.
70 Article 29 para.1 Convention régissant
l'UEAC.
71 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous la
direction de) : Traité sur l'Union Européenne (Signé
à Maastricht le 7 février 1992) Commentaire article par article,
Economica 1995, p.347.
harmonisation des législations nationales en
matière d'enseignement serait comme une mesure ne tenant pas compte de
la spécificité des Etats membres.
Par ailleurs, si la détermination du contenu et des
programmes d'enseignement relève de la compétence
étatique, ce qui implique une diversité dans les programmes
d'enseignement dans les différents pays, il reste communément
admis que l'enseignement dans tous ces pays doit être entendu de
manière large de telle enseigne que soient pris en compte les
enseignements primaires, secondaires et supérieures, c'est-à-dire
inclure les structures comme les écoles, les lycées et
collèges et les universités pour autant qu'ils ne sont pas
compris dans la formation professionnelle.
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