B- Le champ d'application de la libre prestation des
services
Ce champ d'application comprend deux éléments :
D'abord un champ d'application personnel. A ce sujet, la libre
prestation des services « bénéficie aux personnes
physiques et morales visées au paragraphe b ».61
C'est dire qu'autant une personne physique que morale peut prétendre
à cette liberté soit en tant que prestataire, soit en tant que
bénéficiaire ou destinataire de la prestation. C'est pourquoi la
doctrine parle, non d'une simple libre prestation de services, mais mieux,
« d'une libre circulation des prestataires et destinataires des
services ».62
D'autre part, un champ d'application matériel qui
commande que l'on s'attarde sur non pas la nature des services visées,
(ceci ayant déjà été étudié dans le
cadre de la notion même de prestation de services), mais sur la
caractéristique du service dont il est question. Et à cet effet,
pour qu'une prestation relève de cette liberté communautaire,
« ses éléments ne doivent pas se cantonner à
l'intérieur d'un seul Etat membre ».63
L'application de cette condition est relativement facile et rapidement admise
lorsque le prestataire de services se déplace lui-même sur le
territoire de l'Etat membre dans lequel réside le destinataire de la
prestation. C'est l'hypothèse ostensible. Cependant, il importe de
préciser que la libre prestation des services s'applique tout aussi
lorsque c'est le destinataire qui se déplace pour en
bénéficier soit sur le territoire de l'Etat membre sur lequel est
établi le prestataire, soit sur le territoire de l'Etat membre sur
lequel la prestation a été fournie. Ce qui compte alors, c'est
l'existence d'un élément transfrontalier, que celui-ci soit
constitué par le déplacement du
59 VIVANT (M) (Sous la direction de) : Droit
communautaire et liberté des flux transfrontières, LITEC
1988, p.19.
60 CJCE, Aff. 6159, Steymann, 1988.
61 Article 27 alinéa (b) para.2 de la
Convention régissant l'UEAC.
62 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes
dans l'Union européenne, op. cit., p.94.
63 CJCE, Aff. 52/79 Debauve, 18 mars 1980, Rec.1980,
p.833.
prestataire ou du destinataire (ou des deux) ; ou, en
l'absence de déplacement de leur part, par le fait que c'est la
prestation elle-même qui traverse les frontières, ou encore par le
lieu d'exécution de la prestation dès lors que celle-ci n'a pas
été fournie dans l'Etat où sont établis le
prestataire et le destinataire.
Les droits reconnus aux bénéficiaires de la
libre prestation des services ne doivent pas être substantiellement
différents de ceux reconnus aux bénéficiaires de la libre
circulation des travailleurs et du libre établissement. Il leur est en
effet reconnu le droit d'entrer, de circuler et de séjourner librement
sur le territoire de l'Etat d'accueil, en plus de l'interdiction de
discriminations fondées sur la nationalité qui, dans ce cas, est
définie comme « l'élimination de toute discrimination
à l'encontre du prestataire de services à raison de sa
nationalité ou de la circonstance qu'il réside dans un Etat
membre autre que celle où la prestation est fournie
».64 Le législateur européen reconnaît
même au prestataire, sans préjudices des dispositions relatives au
droit d'établissement, le droit d'exercer pendant un temps et à
titre temporaire son activité sans le pays où la prestation est
fournie.65 Ceci est normal lorsqu'on sait que la libre prestation
des services peut concerner les activités qui couvrent une
période plus ou moins longue sans pour autant se confondre au libre
établissement.
Au terme de ce premier chapitre, on dira que le
législateur communautaire reconnaît aux ressortissants de la
Communauté des droits dont la consécration marque sa
volonté d'assurer au ressortissant étranger d'origine
communautaire une condition confortable où qu'il se trouve dans la
Communauté. Cependant, il est à regretter la restriction et
l'extrême prudence qui caractérise cette consécration en
ceci que les différents droits reconnus ne le sont qu'en direction d'une
catégorie restreinte de personnes, à savoir les agents
économiques. C'est dire que toute personne n'entrant pas dans cette
catégorie ne peut bénéficier de ces droits, ce qui
constitue, à n'en point douter, une limite sérieuse à
l'intégration personnelle dans la sous région. Le
législateur européen a, quant à lui, vite franchi cet
obstacle, lui qui reconnaît la libre circulation à tout
ressortissant européen, sans exigence de toute autre condition
supplémentaire. Toutefois, il faut reconnaître que ce mouvement de
libéralisation des frontières entamé par le
législateur CEMAC constitue une fondation à la consolidation de
la condition des ressortissants communautaires sur toute l'étendue de la
Communauté car il doit être suivi nécessairement par la
reconnaissance en leur faveur des autres droits dans des autres domaines.
64 CJCE Aff. 33/74, Van Binsbergen, 3 décembre
1974, Rec. 1975, p.1299.
65 Article 60, para.2 du Traité UE.
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