La voie de fait administrative( Télécharger le fichier original )par Ousmane Bakary KABA Université Hassan II Casablanca Maroc - Etudes fondamentales en droit public 2009 |
Section II : LA VOIE DE FAIT ET D'AUTRES THEORIES SEMBLABLESLa voie de fait présente des similitudes très remarquables avec certaines notions juridiques du contentieux administratif. Certaines de ces notions, très récentes, sont à même de réduire considérablement le recours à la voie de fait23(*), plus particulièrement en France. Il arrive que la voie de fait et certaines de ces notions se confondent à tel point qu'on les associe, c'est le cas notamment de l'acte inexistant dans le cas du Maroc. Dans le cadre de cette section, notre étude se limitera principalement à l'emprise, au liberté-référé et au référé-suspension ou le sursis à exécution en raison des caractéristiques particulières qui les rapprochent de la voie de fait d'une part, et d'autre part, du fait que dans la plupart des ouvrages que nous avons consultés, les auteurs essaient d'établir la distinction entre la voie de fait et ces mêmes notions. A- L'EMPRISEOn évoque la théorie de l'emprise lorsque l'administration prend possession d'une propriété privée immobilière. En d'autres termes, c'est lorsque l'administration dépossède un particulier d'un bien immobilier, légalement ou illégalement, à titre temporaire ou définitif, à son profit ou au profit d'un tiers ; ce qui signifie que l'emprise peut être régulière comme elle peut être irrégulière. Lorsque l'emprise est régulière, ce sont les juridictions administratives qui sont compétentes. En revanche, lorsqu'elle est irrégulière c'est la compétence judiciaire qui s'impose, précisément le juge de l'expropriation, car on considère que l'administration agit indépendamment de la loi, il faut donc l'intervention du juge pour faire cesser cette attitude irrégulière de l'administration, d'où un point de concurrence avec la théorie de la voie de fait. Mais la différence qui existe entre la voie de fait et l'emprise irrégulière est que le champ d'application de l'emprise irrégulière est limité à la propriété immobilière, elle n'exige pas une irrégularité aussi grave que la voie de fait ; la compétence du juge judiciaire se limite à la fixation de l'indemnité due et le juge ne peut adresser des injonctions à l'administration, ce qu'il n'hésite pas à faire en cas de voie de fait. Ainsi constituent une emprise, entre autres, l'occupation de terrain en dehors de toute procédure d'occupation temporaire24(*), exécution irrégulière de travaux déclarés d'utilité publique dans le sous-sol de terrain appartenant à des particuliers25(*). Cependant, au Maroc la théorie de l'emprise n'existe pas. Lorsque l'administration dans ses agissements porte atteinte à la propriété immobilière même en cas de réalisation d'un dommage, le litige qui en résulte est jugé en matière administrative26(*). Cette pratique a été consacrée par la Cour suprême dans l'arrêt Consort Félix en 1958 et demeure jusqu'à présent inchangée : « Attendu que l'organisation judiciaire du Royaume du Maroc comporte un ordre unique de juridictions compétent à la fois en matière civile et en matière administrative ; que l'article 8, premier alinéa du dahir du 12 août 1913, comprend au nombre des instances relevant de cette matière celles qui tendent à faire déclarer débitrices les administrations publiques notamment tous les actes de leur part ayant porté préjudice à autrui ; que ces dispositions ne comportent aucune exception ni réserve et que dès lors toute action en responsabilité dirigée contre l'Etat, y compris celle qui serait fondée sur une emprise, ressortit au contentieux administratif... »27(*). * 23 _ PEISER G., op. cit, p. 91. * 24 _ T.C, 19 janvier 1990, Préfet de Morbihan, ibd, p. 87 * 25 _ T.C, 4 novembre 1991, Mme Antichan, ibd. * 26 _ ROUSSET M et GARAGNON J, Droit administratif marocain, La Porte, 6e éd., 2003, p. 658 * 27 _ C.S.A, Consorts Félix, op. cit. |
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