La voie de fait administrative( Télécharger le fichier original )par Ousmane Bakary KABA Université Hassan II Casablanca Maroc - Etudes fondamentales en droit public 2009 |
B- ATTEINTE AU DROIT DE PROPRIETE OU A UNE LIBERTE PUBLIQUEUne atteinte au droit ou à une liberté c'est lorsque l'administration dans la modification de l'ordonnancement juridique empiète grossièrement sur le droit de propriété ou sur la liberté publique d'un particulier. Le droit de propriété est un droit conférant toutes les prérogatives que l'on peut avoir sur un bien, soit d'user du bien, soit d'en apercevoir les fruits, soit d'en disposer, qu'il s'agisse d'un bien mobilier ou d'un bien immobilier. Les libertés publiques quant à elles, sont les droits de l'Homme reconnus, définis et protégés juridiquement. On peut les classer en trois catégories : droits individuels constitués par la liberté d'aller et venir, la liberté et inviolabilité de domicile, la liberté d'opinion, la liberté de conscience,... ; droits politiques regroupant les libertés de la presse, d'association, éligibilité aux fonctions publiques,... ; et les droits sociaux et économiques qui regroupent le droit à un travail, le droit à l'instruction, le droit à la santé,... Ainsi, l'administration ne doit pas intervenir pour limiter un droit quelconque ou une des libertés quelconque d'un particulier. Seules les dispositions législatives peuvent limiter ces domaines. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 15 de la Constitution marocaine16(*) qui dispose que la limitation des libertés et des droits de propriété ne peuvent avoir lieu que par la loi. Par conséquent, la saisie injustifiée d'un journal constitue une atteinte à la liberté de presse17(*), l'occupation par l'administration de terrains agricoles appartenant à un citoyen pour la construction d'un établissement scolaire18(*), violation du domicile avec scellés apposés par l'administration19(*), constituent autant de mesures qui sont qualifiées de voie de fait. Mais en revanche, la jurisprudence française a montré que certaines mesures ne sont pas constitutives de voie de fait : l'atteinte à une simple activité professionnelle20(*), ou le retrait d'autorisation d'exploiter un taxi21(*). L'atteinte à une liberté ou à un droit ne suffit pas pour la mise en oeuvre de la voie de fait, mais il faut que l'atteinte soit particulièrement grave. En effet l'atteinte peut être, bien sûr, dans l'aspect matériel de l'exécution de la décision mais la gravité tient surtout au fait que l'auteur de la décision a totalement ignoré les limites de son pouvoir et s'est en quelque sorte conduit comme une force qui ne se contrôle plus au regard des textes qui définissent ses compétences : ce n'est plus l'administration qui agit, c'est, à la limite, une force qui s'est échappée de l'Etat de droit.22(*) Cependant, il convient de signaler que la voie de fait ne constitue pas la seule manifestation du comportement extra-juridique de l'administration ; d'autres théories juridiques reflètent ce comportement irrégulier de l'administration et se confondent très souvent avec la notion de la voie de fait dans le domaine du contentieux administratif. * 16 _ « Le droit de propriété et la liberté d'entreprendre demeurent garantis. La loi peut en limiter l'étendue et l'exercice si les exigences du développement économique et social de la Nation en dictent la nécessité. » * 17 _ T.C, 8 avr. 1935, Action française, op. cit. * 18 _ T.A, Marrakech, 19 juin 2002, Benouakrim, in REMALD n°47, p. 111; note de BENABDALLAH. * 19 _ C.E, 10 oct. 1969, Consorts Muselier, GAJA, op. cit. p. 306 * 20 _ C.E, 8 avr. 1961, Dame Klein, PEISER, op.cit. p. 88. * 21 _ T.C, 12 jan. 1987, Préfet Eure-et-Loir, ibd. * 22 _ LACHAUME J-F., PAULIAT H., Droit administratif, PUF, 14e édition, 2007, p. 347. |
|