La protection juridique des populations civiles dans les conflits armés internes( Télécharger le fichier original )par Jean Paul Malick Faye Université Gaston Berger de Saint- Louis - Maitrise 2009 |
B/ L'apport des systèmes régionaux de protection des droits de l'homme
A l'instar de ce que nous avons déjà constaté dans le cadre de l'ONU, le droit humanitaire s'intègre encore, au niveau régional, au domaine de la sécurité collective. Toutes les instances internationales reconnaissent aujourd'hui qu'on ne peut se désintéresser du comportement des acteurs d'un conflit armé, sans risquer de voir ce conflit s'étendre à des régions encore en paix. Au sein des organisations régionales que sont le Conseil de l'Europe, l'Union africaine et l'Organisation des Etats américains, une commission indépendante de leurs Etats membres, chargée spécialement de la promotion et de la protection des droits de l'homme dans leur région respective a été constituée. Ces commissions ont entre autres pour fonction d'enquêter sur le comportement d'Etats soupçonnés d'infractions aux droits de l'homme. Ces commissions ont une compétence limitée au domaine d'application des instruments auxquels elles doivent leur existence. Leur approche est donc en principe celle des droits de l'homme, quelque soit le contexte dans lequel elles exercent leur contrôle. Ne faisant que rarement une distinction, du point de vue de leur analyse de fond, entre les situations de paix et celles de guerre, elles n'envisagent presque jamais d'utiliser le droit humanitaire à l'appui de leurs activités. Cette possibilité n'est pourtant pas absolument exclue à la lecture des textes conventionnels. En intégrant le droit humanitaire à leurs références juridiques, ces procédures le feraient bénéficier de leur expérience en matière d'établissement des faits et de leur relative efficacité. Il vaut dés lors la peine de chercher sur quel fondement juridique une telle évolution pourrait être consacrée. Nous traiterons de l'apport du Conseil de l'Europe et les potentialités de l'Union africaine. Ø L'apport du Conseil de l'Europe Si l'on se penche sur la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), il semble que cet instrument ne prévoit pas d'autres violations que celles de ses propres dispositions, lorsqu'il détermine la compétence matérielle de la commission qu'il institue. Il parait donc normal de conclure que le contrôle du droit humanitaire ne fait pas partie des fonctions de cette dernière. Cette réalité n'est cependant pas absolument immuable. La doctrine dans sa majorité soutien en effet que la compétence matérielle de la commission peut être élargie. Pour soutenir cette affirmation, il faut se référer à l'article 15 de la CEDH qui fixe quelques unes des conditions que doivent respecter les Etats, lorsqu'ils veulent adopter, en cas d'urgence, des mesures dérogatoires. En particulier ces mesures doivent rester conformes aux « autres obligations découlant du droit international ». Parmi celles-ci, il est légitime d'admettre que figurent celles qui relèvent du droit humanitaire. Celui-ci a été créé en effet pour s'appliquer précisément dans les situations envisagées par l'article 15 de la CEDH. Si ces situations, à cause de leur gravité, justifient une suspension de certains principes des droits de l'homme, c'est que bien souvent, le seuil minimum d'applicabilité du droit des conflits armé est atteint. De plus, les conventions de Genève rappellent d'emblée que leurs dispositions doivent être respectées « en toutes circonstances ». Il serait donc juridiquement faux de prétendre que les « autres obligations découlant du droit international », que préserve l'article 15, n'incluraient pas le droit humanitaire. Ainsi il faut admettre qu'en veillant au respect de l'article 15 paragraphe 1 de la CEDH, les organes du système européen des droits de l'Homme sont habilités à contrôler le comportement des Etats vis-à-vis des normes humanitaires. Malgré cette argumentation, il faut se rendre à l'évidence que ces organes ne manifestent pas une volonté d'aller aussi loin dans leurs interprétations. Il est de ce fait fort improbable de les voir appliquer directement les conventions de Genève et leurs protocoles, en tant droit conventionnel. Par contre, il est intéressant de remarquer que dans l'affaire Irlande contre Royaume-Uni, la commission européenne a tenu compte des standards du droit humanitaire pour concrétiser l'interdiction prescrite par l'article 3 de la CEDH. Tout en admettant que les conventions de Genève sont inapplicables en l'espèce, la Commission affirme que certaines de leurs normes peuvent « être pertinentes ici en ce sens qu'elles constituent l'expression des principes généraux du droit international quant au traitement des prisonniers en général ». La Commission ne se sert pas ici du droit humanitaire en tant que source juridique direct, mais elle s'y réfère pour les besoins de l'interprétation de l'article 3, pour étayer simplement son argumentation. C'est donc par une pénétration progressive, plutôt que par une adjonction pure et simple, que le droit humanitaire profitera de la rigueur des mécanismes mise en oeuvre spécifiques aux droits de l'homme. Ø Les potentialités de l'Union africaine Quant à la Commission africaine des droits de l'Homme, il est beaucoup plus facile d'envisager quelles sont ses compétences en matière de droit humanitaire que dans le cas de son homologue européen. Même si la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) n'aborde pas directement cette question, elle est en revanche suffisamment explicite à ce sujet pour suggérer certaines déductions. Elle prévoit en effet que, dans l'exercice de son mandat, la commission « s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples (...) »66(*) et qu'elle « prend aussi en considération, comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, les autres conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats membres de l'Union africaine ».67(*) Deux solutions s'offrent ainsi à la commission, au cas où elle envisagerait de se référer au droit des conflits armés pour qualifier le résultat de ses enquêtes. Elle le fera en vertu de l'article 60 de la CADHP, si elle accepte d'interpréter largement la notion de droits de l'Homme en y intégrant le corpus juridique humanitaire. Dans le cas contraire, elle basera sa compétence sur l'article 61 en considérant que les conventions de Genève font parties « des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit » dont parle cette disposition. Cette interprétation s'impose d'autant plus que tous les Etats membres de l'UA ont adhéré à ces conventions. Le contrôle du respect du DIH à travers les différents mécanismes d'établissement des faits que nous venons d'analyser, doit permettre la répression des violations graves du DIH au niveau international (Section 2).
* 66 Charte africaine des droits et des peuples, art. 60. * 67 Carte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 61. |
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